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Le rôle exercé par l’Autorité des marchés financiers

Dans le document La radiation de la cote (Page 44-48)

Chapitre Premier : L’amendement du squeeze out à la française

Section 2 : La place des minoritaires dans le retrait obligatoire

B. Le rôle exercé par l’Autorité des marchés financiers

L’AMF exerce plusieurs missions au gré de la procédure mise en œuvre ; d’une part, elle assure un rôle d’autorisation, et d’autre part, elle effectue un contrôle de l’information.

Un rôle d’autorisation. Le rôle d’autorisation de l’AMF varie selon que le retrait obligatoire

est mis en œuvre à l’issue d’une offre publique de retrait, ou bien à l’issue de toute offre publique.

Retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de retrait. Dans ce cas, l’AMF se

prononcera sur la conformité du projet d’offre, et par voie de conséquence elle autorisera le cas échéant le retrait obligatoire. Le projet d’offre dont l’AMF étudiera la conformité comporte la demande de retrait, qui sera apprécié en vertu de l’article 237-2 du règlement général de l’AMF, à l’aune des articles 231-21 et 231-22 du même règlement. L’AMF pourra alors demander à l’initiateur de modifier son projet d’offre, si elle considère qu’il porte atteinte, notamment, aux dispositions de l’article 231-3, à savoir les principes directeurs des offres publiques.

L’AMF vérifiera que les méthodes retenues sont adaptées et que les intérêts des actionnaires sont préservés. En l’absence d’élément nouveau entre l’offre de retrait et le retrait obligatoire,

1 De Vauplane H., « L’évaluation financière indépendante, nouvelle protection des actionnaires ? », Revue Banque et Droit, n°671, juillet-

août 2005, p. 100

2 Basdevant F., « Expertise indépendante : le rôle central du conseil d’administration », RTDF N°3 – 2007, p. 110

3 Projet de note d’information établi par la société Alcatel-Lucent en réponse à l’OPE visant les actions et OCEANES de la société, initiée

par Nokia Corporation, en date du 29 oct. 2015

4 Note en réponse établie par Norbert Dentressangle SA en réponse à l’OPAS visant les actions de Norbert Dentressangle SA, initiée par

39 l’AMF pourra considérer qu’une même valeur, déterminée par application de la méthode multicritères, pourra être retenue pour le retrait obligatoire1. Elle pourra toutefois suggérer une modification du prix2, ou encore valider l’offre publique de retrait et déclarer non- conforme le projet de retrait obligatoire du fait de la méthode d’évaluation retenue3. Bien entendu, l’AMF pourra également prononcer une déclaration de non-conformité. Enfin, si elle estime qu’une autre procédure serait plus appropriée, elle pourra orienter l’initiateur vers celle-ci4.

Transfert automatique à l’issue d’une offre de retrait. Afin d’optimiser le calendrier de l’opération, l’initiateur peut dès le dépôt du projet d’offre faire savoir à l’AMF qu’il entend mettre en œuvre le retrait obligatoire5. La décision de procéder au transfert automatique à l’issue de l’offre publique de retrait doit faire l’objet d’une mesure de publicité6 précisant les conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire, et notamment la date de sa prise d’effet. Dès la date de clôture de l’offre de retrait, les titres sont radiés puis transférés, et l’indemnité est alors versée7.

Transfert éventuel à l’issue d’une offre de retrait. En cas de transfert éventuel à l’issue d’une offre publique de retrait, l’initiateur doit faire connaître sa décision à l’AMF dans les dix jours suivant la clôture de l’offre ainsi que le prix proposé pour l’indemnisation8. Ce prix doit être au moins égal au prix de l’offre publique de retrait, mais il se peut que des éléments viennent affecter l’évaluation des titres depuis la déclaration de conformité de l’OPR ; le prix pourra alors être supérieur9. Peut être ici notée une faveur faite aux minoritaires, puisque seul un changement de valeur positif pourra affecter le montant de l’indemnité, et non l’inverse. L’AMF approuvera ensuite le prix proposé et arrêtera les conditions de mise en œuvre du retrait obligatoire10.

Retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de droit commun. Le retrait obligatoire

peut aussi intervenir, sous certaines conditions, à la suite d’une offre publique de droit

1 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 508 2 Décision CMF, 22 juillet 2002, n°202C0911, Rouleau Guichard

3 Décision AMF, 7 février 2007, n°207C067, Jacques Bogart SA : « Après examen du projet d’offre publique (…), l’Autorité des marchés

financiers a considéré que les actions Jacques Bogart ne pouvaient pas faire l’objet d’un retrait obligatoire dans la mesure où l’évaluation multicritères produite à l’appui du projet d’offre, reposant essentiellement sur la méthode d’actualisation des flux de trésorerie, les références au marché du titre ayant une faible liquidité, et au reclassement interne au groupe familial intervenu en mai 2006, ayant une portée limitée, ne remplissait pas les conditions relatives à l’évaluation des titres dans le cadre d’un retrait obligatoire (…). Sur ces bases, l’Autorité a déclaré conforme le projet d’offre, limité à une offre publique de retrait (…) », nous soulignons.

4 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 509

5 Roy S., « Anticiper les voies de sortie de la cote ou le parcours de l’initiateur en quête de radiation », Bull. Joly Bourse, 01/04/2016, n°04,

p. 175

6 Art. 237-10 RG AMF 7 Art. 237-10, al.2 RG AMF 8 Art. 237-8 RG AMF 9 Art. 237-8, al.2 RG AMF 10 Art. 237-8, al3 RG AMF

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commun, autrement dit de toute offre publique1. Au cas d’espèce, le retrait automatique ne

pourra être mis en œuvre ; lors du dépôt du projet d’offre, l’initiateur sera tenu de faire connaître à l’AMF s’il se réserve la faculté de mettre en œuvre le retrait obligatoire2, et devra faire connaître son intention dans les trois mois à l’issue de la clôture de l’offre3.

L’AMF sera alors tenue de se prononcer sur la conformité de l’offre4, excepté le cas où le retrait obligatoire comporte le règlement en numéraire proposé lors de la dernière offre, et (i) fasse suite à une offre publique d’acquisition en procédure normale — pour justifier de cela, certains invoquent le « plébiscite actionnarial du prix proposé par l’initiateur »5, autrement dit, le succès de l’offre initiale permettrait de justifier cette dispense d’une telle déclaration de conformité — ou bien (ii) parce qu’il fait suite à une offre publique pour laquelle l’AMF a disposé d’une évaluation multicritères et du rapport de l’expert indépendant (art. 237-16, I). Dans ces deux cas, le retrait obligatoire devra comporter le règlement en numéraire proposé lors de la dernière offre (art. 237-16, I).

Si l’AMF doit procéder à un examen de conformité, dans ce cas, l’initiateur devra fournir une évaluation des titres de la société visée conformément à l’article 237-6, III. La mise en œuvre du retrait obligatoire donne lieu à un projet de note d’information, à l’image de celles produites dans les conditions de droit commun, à l’exception des intentions de l’initiateur pour les douze mois à venir. Les informations relatives aux caractéristiques de la société visée seront également déposées auprès de l’AMF et mises à la disposition du public6. Ensuite, l’AMF se prononcera sur la conformité du retrait obligatoire, visera la note d’information en ce sens, et un avis sera publié dans un journal d’annonces légales7.

Contrôle de l’information. En cas de retrait obligatoire, les règles de droit commun

applicables au contrôle de l’information trouvent ici à s’appliquer. Quelques assouplissements peuvent toutefois être relevés8 ; par exemple, le droit applicable aux contrats conclus entre l’initiateur et les détenteurs de titres de la société visée à la suite de l’offre, ainsi que les juridictions compétentes, ne figureront pas dans la note d’information de l’initiateur9. Lorsque l’AMF ne se prononce pas sur la conformité du retrait obligatoire, un communiqué doit

1 Art. 237-14 RG AMF

2 Art. 237-15 RG AMF 3 Art. 237-14, al.1 RG AMF 4 Art. 237-16 RG AMF

5 Pietrancosta A., « Refonte des dispositions réglementaires relatives aux OPA », RTDF N°3 – 2006 6 Art. 231-16 à 231-20 RG AMF

7 Art. 237-17 RG AMF

8 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 509 9 AMF, Instruction n°2006-07, relative aux offres publiques d’acquisition, art. 8

41 seulement être publié par l’initiateur qui indique les modalités de mise à disposition de la note d’information établie lors de la dernière offre1.

L’AMF en garde-fou. De manière générale, l’AMF semble assurer un rôle de garde-fou,

venant ainsi prémunir les actionnaires contre des offres inéquitables. La décision de non- conformité prononcée par le collège de l’AMF dans l’affaire Altice – SFR2 en est une

illustration. En effet, dans le cadre d’une offre volontaire, si la cour d’appel de Paris adoptait une position assez ferme, interdisant aux requérants de contester le prix offert sous couvert d’une critique de l’information3, il semblerait que l’Autorité de marché, étant donné une parité d’échange située en bas de la fourchette proposée par l’expert nommé en raison d’un conflit d’intérêts, se montre intransigeante quant à l’information exigée4. Son raisonnement semble quelque peu s’inverser et lui permet ainsi d’avoir un mot à dire sur les conditions financières d’une opération, qui en l’espèce, étaient assez opaques en raison de conventions de rémunération entre l’initiateur et la cible sur lesquelles les actionnaires minoritaires s’interrogeaient. Si ce procédé n’est pas parfaitement en droite ligne avec la lettre des textes et n’est pas tout à fait transposable au cas d’espèce, cela illustre la tendance du rôle protecteur occupé par l’Autorité de marché.

Recours juridictionnel. La décision de l’AMF, comme toute décision individuelle, est

susceptible de recours devant la cour d’appel de Paris5, qui s’assurera du respect de la procédure, et bien entendu de la protection des actionnaires minoritaires, notamment lorsqu’elle s’assurera de la satisfaction des diverses facettes de l’analyse multicritères6.

Cet énoncé — peut-être un peu fastidieux — du contrôle opéré par l’Autorité de marché qui, au gré des récentes avancées se pose alors en garde-fou, offre une protection renforcée aux minoritaires qui, combinée à celle apportée par l’intervention de l’expert, semble relativement satisfaisante — et pourrait même laisser voir un certain déséquilibre.

§2 — Quid d’un éventuel abus de la part de l’actionnaire

Le droit processuel sera utilisé au service du marché financier (A), pour nous essayer à la qualification d’un comportement jugé abusif de certains actionnaires (B).

1 AMF, Instruction n°2006-07, relative aux offres publiques d’acquisition, art. 9 2 AMF, Décision de non-conformité, 5 oct. 2016, n°216C2262, SFR Group

3 Darrois J.-M., Dompé M.-N., « Le contentieux en matière d’offres publiques », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N.

Molfessis (dir.), Lexisnexis Litec, 2009, p. 85, se référant à CA Paris, 3 juill. 1998, Géniteau c/ COB, Suez-Lyonnaise, Elyo : Revue des sociétés, 1999, p. 125

4 Gaudemet A., « Non-conformité du projet d’OPE d’Altice sur SFR : quatre questions, connues et moins connues », Bull. Joly Bourse,

01/01/2017, n°01, p. 21

5 Viandier A., OPA OPE et autres offres publiques, Fr. Lefebvre, 5ème éd., 2014, p. 509

6 CA Paris, 16 sept. 2003, Adam et a. c/ SA Legrand et SAS FIMAF : Jurisdata n°2003-221173 ; Couret A., « Contrôle de la cour d’appel de

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