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Un pouvoir autoritaire

Dans le document La radiation de la cote (Page 109-113)

Chapitre Premier : La légitimité de l’entreprise de marché

Section 1 : Le statut de l’entreprise de marché

B. Un pouvoir autoritaire

Le pouvoir autoritaire de l’entreprise de marché s’exerce, dans un premier temps, sous la forme d’un pouvoir de contrôle et de surveillance, et ensuite, sous la forme d’un pouvoir de sanction disciplinaire. L’entreprise de marché exerce alors un pouvoir de contrainte sur ses membres, qui semble provenir de l’adhésion de tous ses sujets qui se sont librement soumis aux règles établies par l’entreprise de marché ; certains y voient une sorte de « contrat social »4.

Pouvoir de contrôle. Le pouvoir de contrôle de l’entreprise de marché s’exerce notamment

par le biais d’un pouvoir de décision individuelle. En effet, l’admission et le maintien comme membre d’un marché réglementé relèvent de la compétence des entreprises de marché5, tout comme les décisions en matière d’admission des instruments financiers aux négociations, et de radiation6. Comme rappelé précédemment, les règles prises par l’entreprise de marché doivent être transparentes et non discrétionnaires, et reposer sur des critères objectifs7. Ainsi il semblerait que l’entreprise de marché ne dispose pas d’un pouvoir absolu en la matière.

Mission de surveillance. L’entreprise de marché veille à ce que chaque marché règlementé

qu’elle gère respecte les exigences qui lui sont applicables8, et surveille le bon déroulement des transactions sur celui-ci9. Elle surveille également les transactions effectuées par les membres du marché, en vue de détecter tout manquement auxdites règles, toute condition de négociation de nature à perturber le bon ordre du marché ou tout comportement

1 Par exemple, AMF, Décision du 23 juin 2015 de modification des règles de radiation d’Euronext Paris (Livre II) et d’Alternext Paris 2 Pour un exemple, Cass. com., 6 déc. 2016, n°15-10.275, SA Radiall c/ SA Euronext Paris et SAS Orfim

3 Barban P., « Affaire Radiall c/ Euronext : clarification des règles régissant les radiations volontaires d’instruments financiers », La Semaine

Juridique Entreprise et Affaires, n°5, 2 févr. 2017, 1075

4 Méadel J., Les marchés financiers et l’ordre public, Th. Paris II, LGDJ, éd., 2007, p. 397 5 Drummond F., Bonneau T., Droit des marchés financiers, Economica, 3ème éd., 2010, p770, §560 6 Art. L.421-15 Code mon. fin.

7 Art. L.421-17 Code mon. fin. 8 Art. L.421-2, al.2 Code mon. fin. 9 Art. L.421-12, al. 1, Code mon. fin.

104 potentiellement révélateur d’une manipulation de cours, d’une diffusion d’information, ou d’une opération d’initié1. Certains ont suggéré de renforcer cette fonction de surveillance, trop laissée pour compte à l’Autorité de marché par l’entreprise de marché, impliquant ainsi, « au premier chef, (…) le membre du marché, puis (…) l’entreprise de marché, et in fine (…) le régulateur »2.

Pouvoir de sanction disciplinaire. L’entreprise de marché est également investie d’un

pouvoir de sanction à l’encontre des membres du marché qui auraient violé une règle de marché. La sanction peut par exemple prendre la forme d’une suspension du droit de négocier, ou même le retrait d’un instrument de la négociation3. Ce pouvoir répressif ne s’exerce pas tant sur des règles prévues exclusivement à cet effet, mais la normativité de ces règles se concentre plus dans leur finalité, ce qui conduit à alléger la charge de la preuve4. Il s’agit là d’un relai intéressant pour l’AMF, l’entreprise de marché constituant ainsi un premier filtre de contrôle. La radiation « sanction »5, envisagée dans l’affaire Radiall, résultant de la combinaison des anciens articles L421-15, II du Code monétaire et financier, et 6905/1 (ii) (c) des règles harmonisées d’Euronext, en est un exemple.

Ce n’est pas tant une rédaction très précise des textes qui est recherchée, contrairement à la méthode traditionnellement utilisée en matière répressive, mais c’est la finalité de la règle qui est invoquée. Ce souci répond de la nature des règles adoptées et de l’objectif poursuivi, à savoir assurer le bon fonctionnement du marché.

1 Art. L.421-1, al.1, Code mon. fin.

2 AMF, 4ème coll. de la Commission des sanctions, 5 oct. 2011 ; Barban P., Les entreprises de marché, Th. Paris II, LGDJ, éd., 2015, p. 80 3 Art. 41 Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers,

publiée au JOUE le 30/04/2004, n° L 145/1

4 Frison-Roche M.-A., « Une “politique de sanction ” peut-elle exister dans la régulation financière et être commune aux régulateurs et aux

juges ? », Bull. Joly Bourse, 01/12/2009, n° Spécial, p. 445

5 T. com., Paris, 14 déc. 2012, SA Radiall c/ Euronext Paris SA et SAS Orfim ; Cuntz N., « Affaire Radiall/Euronext Paris : une porte entre-

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Conclusion du Chapitre Premier. De ces quelques lignes, apparaît la nécessité de renforcer,

sur certains aspects, la légitimité de l’entreprise de marché. À l’extrême, les fonctions exercées par celle-ci pourraient être dispersées, notamment la fonction d’exploitation ainsi dissociée de la fonction de régulation, qui pourrait se voir confiée à l’Autorité des marchés financiers, pour une plus grande neutralité et impartialité. Néanmoins, ce serait oublier la raison d’être d’Euronext, société commerciale de droit privé ; en effet, une telle forme sociale a notamment été choisie afin de répondre à un besoin de financement1. Une autre solution reviendrait à confier la fonction de régulation à une entreprise tierce2, spécifiquement créée pour cela ; telle est la solution adoptée aux États-Unis avec la Financial Industry Regulatory

Authority. A fortiori, une habilitation législative, ou au moins la reconnaissance d’une mission

de service public exercée par l’entreprise de marché permettrait peut-être d’en renforcer la légitimité ; mais se posera alors la périlleuse question de la concurrence à l’égard de ses semblables. A minima, un contrôle accru des pouvoirs publics sur l’entreprise de marché pourrait être envisagé, laissant ainsi une place moins importante à son appréciation, au moins dans certains domaines, dans lesquels les conflits d’intérêts sont évidents et difficilement évitables. À ce titre, l’ancien droit d’opposition de l’Autorité de marché sur la décision de radiation3, auquel succède étonnement4 un droit réservé au Président de l’AMF — ès qualités — de demander sur requête la suspension ou la radiation d’un instrument financier5, s’il ne pouvait être rétabli à l’identique, pourrait néanmoins inspirer cette réforme. Le domaine laissé à l’entreprise de marché lui permettant de prononcer la radiation pourrait également être revu ; peut-être en ne lui laissant que la possibilité de prononcer une radiation « sanction », tout en conférant à l’AMF un droit d’opposition, et ainsi éviter que l’entreprise de marché fasse « “le ménage” dans la cote selon son bon plaisir »6.

Qu’importe la solution choisie, le constat peut tout de même être dressé que laisser l’entreprise de marché décider ainsi de la radiation est quelque peu, surprenant.

1 Daigre J.-J, « Euronext : en route vers le futur ! », Revue de Droit bancaire et financier, n°2, Mars 2001, alerte 100011 2 Barban P., Les entreprises de marché, Th. Paris II, LGDJ, éd., 2015, p. 439

3 Torck S., « De la suppression du droit d’opposition de l’AMF, suite et fin », Revue de Droit bancaire et financier, n°1, Janvier 2008,

comm. 30

4 Martin-Laprade F., « Radiation : état des lieux après 20 ans de réformes boursières », Bull. Joly Bourse, 01/12/2012, n°12, p. 571 5 Art. L.421-15, I, al. 2 et L421-15, II, al. 2 Code mon. fin.

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