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Le dirigeant, tributaire des conséquences d’une gestion défaillante

Dans le document La radiation de la cote (Page 79-81)

Chapitre Second : La mise en place d’un mécanisme sociétaire

Section 2 : L’atteinte au pouvoir de gestion du dirigeant

B. Le dirigeant, tributaire des conséquences d’une gestion défaillante

Principe de libre révocabilité des dirigeants. Le principe qui s’impose en droit des sociétés,

est celui de la libre révocabilité des dirigeants, de sorte qu’il ne doit exister de contraintes ayant pour effet de dissuader les associés ou l’organe compétent d’y procéder. Ce principe est d’ordre public, et a fait débat à propos des conventions d’indemnisation2, pouvant être jugées

comme contraires audit principe.

La révocation ad nutum. La révocation ad nutum est celle qui résulte d’un simple signe de tête, et même si la fonction du dirigeant est relativement institutionnalisée, elle s’apparente à une sorte de mandat donné au dirigeant. À ce titre, le directeur général d’une société anonyme moniste qui assure également la fonction de président du conseil d’administration, est révocable à tout moment par le conseil d’administration3.

En revanche, au gré de l’évolution de la loi puis de la jurisprudence, si les fonctions sont dissociées, sans juste motif, le directeur général pourra se voir allouer des dommages et intérêts4. De sorte que ce principe de libre révocation se trouve très nettement affaibli. En effet, d’une part, si celle-ci est abusive5, elle donnera lieu à des dommages et intérêts, et d’autre part, le respect des droits de la défense, à travers le principe du contradictoire, doit être assuré — et a priori, la résolution doit être inscrite à l’ordre du jour, au moins lorsque

l’intéressé ne s’y attend pas6. Les auteurs sont partagés sur la question ; certains approuvent

1 Pietrancosta A., Prat J.-F., « Offres publiques et droit des sociétés », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N. Molfessis

(dir.), Lexisnexis Litec, 2009, p. 137

2 Cass. com., 15 nov. 2011, n°09-10.893, Dondero B., « Indemnité de révocation et transformation », Revue Sociétés, 2012, p. 234, à propos

d’une convention d’indemnisation illicite en raison d’un engagement d’une « ampleur susceptible de porter une atteinte majeure » à « l’équilibre financier » de la société, portant ainsi « atteinte à la révocabilité ad nutum de ce mandataire social », nous soulignons.

3 Art. L.225-47 Code com. 4 Art. L.225-55, al.1 Code com.

5 Le Cannu P., Dondero B., Droit des sociétés, LGDJ, 6ème éd., 2015, p. 541

6 Cass. com., 30 nov. 2004, n°01-15.382 ; Le Cannu P., « Ce qu’il ne faut pas faire pour se débarrasser d’un directeur général (délégué) »,

Bull. Joly Société, 01/03/2005, n°3, p. 386, « aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'une décision de révocation des directeurs généraux était envisagée dans ce cadre et que M. Y. devait s'attendre à en subir les conséquences » et « la lecture du procès-verbal de ce conseil d'administration démontre qu'il n'y a eu aucune discussion ni aucune possibilité donnée à M. Y. de connaître les motifs de la décision

74 cette révocation rendue plus difficile1, tandis que d’autres invoquent les principes de

corporate governance pour s’étonner de la non-application de la révocation ad nutum au

directeur général2.

La révocation pour justes motifs. Le juste motif a trait en principe aux compétences du dirigeant ; cela lui offre alors une certaine sécurité lui permettant ainsi de se défendre. Sont par exemple révocables pour justes motifs, les membres du directoire ou le directeur général unique d’une société anonyme dualiste, par l’assemblée des actionnaires, ou par le conseil de surveillance si les statuts le prévoient3. La Cour de cassation est tout de même venue affaiblir le dispositif en revenant sur la notion de « juste motif », qui peut résulter de la divergence de point de vue persistante entre l’associé majoritaire et le dirigeant4.

Responsabilité. Outre cette faculté de révocation, existe bien entendu l’engagement de la

responsabilité des dirigeants ; qu’elle soit civile, pénale ou fiscale. La menace pénale peut être un moyen de pression ; un abus de bien social par exemple5. Récemment, le fonds activiste

Ciam a d’ailleurs porté plainte sur ce fondement contre Altice devant le tribunal de grande

instance de Paris. Depuis, Altice a porté plainte pour dénonciation calomnieuse6.

D’un point de vue civil, existe bien entendu l’action ut singuli, intentée par un associé au nom de la société pour non-respect de l’intérêt social par exemple7, et même si en pratique l’avance personnelle des frais de justice par l’associé qui décide d’agir au nom de la société peut paraître dissuasive, les fonds n’ont généralement pas de difficulté à avancer de tels émoluments ; une telle action a été engagée dans l’affaire XPO8, mais aussi dans l’affaire

Euro Disney9. Est envisageable également une action individuelle en responsabilité, pour

chercher la responsabilité des dirigeants en son nom personnel donc, mais il est alors nécessaire de démontrer un préjudice distinct.

Note en réponse. Si le conseil d’administration, le conseil de surveillance, ou l’organe

compétent donne son avis motivé sur l’offre en vertu de l’article 231-19, 4° du règlement prise à son encontre et de pouvoir présenter ses observations pour la défense de ses intérêts, ce dont il résulte que le principe de la contradiction n'avait pas été respecté », nous soulignons.

1 Delga J., « Révocation sans indemnités des PDG de SA en France : mythe ou réalité », disponible sur

https://www.agrh.fr/assets/actes/1995delga029.pdf

2 Bureau D., « La loi relative aux nouvelles régulations économiques. Aspects de droit des sociétés », Bull. Joly Sociétés, 01/06/2001, n°6, p.

553, §24 et §26

3 Art. L.225-61 Code com.

4 CA Paris, 31 janv. 2001, SA Intersport France c/ P. Durant ; Viandier A., Caussain J.-J, La Semaine Juridique Edition Générale, n°51, 19

déc. 2001, I 372 : « La cour observe que les nombreux griefs faits au dirigeant limogé ne peuvent, en effet, être contestés puisqu'ils démontrent suffisamment la mésentente qui a régné entre celui-ci et les organes de la société, ainsi que leurs divergences sur les méthodes de management. En conséquence, elle décide que la révocation est intervenue pour un juste motif », nous soulignons.

5 Pietrancosta A., Prat J.-F., « Offres publiques et droit des sociétés », in Les offres publiques d’achat, G. Canivet, D. Martin, N. Molfessis

(dir.), Lexisnexis Litec, 2009, p. 137

6 Counis A., Boisseau L., « Altice franchit 95% de SFR et lance une offre publique de retrait », Les Echos, le 11/08/2017 7 Cass. crim., 7 oct. 1997, n°94-18.553

8 « Elliott s’oppose toujours à XPO Logistics », L’Agefi, le 10/06/2016

75 général1 dont la portée se trouve renforcée au gré des évolutions législatives2, il n’en demeure pas moins que le gérant de la société assume la responsabilité de ladite note3. Tel est le cas de Madame Catherine Powell, Présidente d’Euro Disney S.C.A qui assume la responsabilité de la note en réponse4, en attestant que les données de ladite note sont conformes à la réalité et ne comportent pas d’omission de nature à en altérer la portée. Là peut encore se trouver un moyen pouvant être invoqué par un actionnaire désireux d’intenter une action en responsabilité, ou une action aux fins de révocation.

Sur le fondement, cela est largement discutable que de laisser la décision aux actionnaires. Il faut dès à présent en étudier la justification.

§2 — La justification de l’atteinte au pouvoir de gestion

Il convient alors de se demander où se situe la justification d’une telle atteinte au pouvoir du dirigeant. Il semblerait que celle-ci se trouve dans le bouleversement du contrat d’investissement (A), mais pour autant, il convient d’étudier la proportionnalité d’une telle atteinte (B).

A. Une atteinte en raison du bouleversement du contrat d’investissement provoqué

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