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Première partie : Un pouvoir de décision restreint

40 Il ne peut y avoir de liberté sans pouvoir de décider209. Dès ses origines, la nécessité de ne pas faire dépendre la commune de l’Etat a été affirmée210. Il s’avère, dès lors, nécessaire que l’institution communale dispose de ses propres organes211. Cette conception a bénéficié d’une certaine adhésion durant le XIXème siècle, marqué par une idéologie libérale212. Elle a été particulièrement présente dans le débat politique213. L’institutionnalisation d’organes locaux autonomes vis-à-vis de ceux étatiques, procède de cette tendance214. Mais, les transcriptions juridiques de cette vision de l’autonomie locale, au travers des textes de loi sur la décentralisation, n’organisent pas de véritables tempéraments au pouvoir étatique pas plus qu’elles ne renforcent les implications organiques d’une telle acception (Titre I). La collectivité territoriale ne jouit pas de garanties véritables quant à son statut, son organisation et son fonctionnement, notamment dans l’Etat unitaire. En effet, même constitutionnellement décentralisé, l’Etat unitaire demeure l’unique véritable pouvoir qui irradie l’ensemble du système politico administratif sur son territoire215. Cette suprématie transparaît dans le caractère centralisateur du régime de tutelle auquel sont soumises les collectivités territoriales décentralisées (Titre II).

209 CALAFERTE L., Traversée, Carnets XII, Paris, Gallimard, «L’Arpenteur», 2006, p. 248 : «L’essentiel de la liberté est un pouvoir».

210 CONSTANT B., «Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France (1815)», in CONSTANT B., La liberté chez les modernes. Ecrits politiques, Paris, Hachette, 1980, p. 362 : «L’on a considéré jusqu’à présent le pouvoir local comme une branche dépendante du pouvoir exécutif : au contraire il ne doit jamais l’entraver mais il ne doit point en dépendre». Alexis de TOCQUEVILLE a abondamment théorisé sur les vertus de l’institution communale pour la démocratie. V. à cet effet, BACOT G., «L’apport de TOCQUEVILLE aux idées décentralisatrices» in GUELLEC L., TOCQUEVILLE et l’esprit de la démocratie, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2005, p. 208.

211 HENRION DE PANSEY J.-B., Du pouvoir municipal et de la police intérieure des communes, Paris, Th. BARROIS Père, 1824, p. 4 : «Si le pouvoir municipal est de l’essence de toutes les corporations d’habitants, les lois ne pouvant rien contre la nature des choses, il faut dire qu’elles ne peuvent ni supprimer les corps municipaux ni priver les communes du droit de les élire».Il en est ainsi «parce qu’il impossible que les habitants d’une même enceinte, qui consentent à faire des sacrifices d’une partie de leurs moyens et de leurs facultés pour se créer des droits et des intérêts communs, soient assez imprévoyants pour ne pas donner des gardiens à ce dépôt, pour ne pas charger quelques-uns d’entre eux de veiller à sa conservation et d’en diriger l’emploi» (p. 37).

212 PROTIERE G., La puissance territoriale. Contribution à l’étude du droit constitutionnel local, Thèse, Université Lumière Lyon II, 2006, p. 18.

213 BASDEVANT-GAUDEMET B., La commission de décentralisation de 1870. Contribution à l’étude de la décentralisation en France au XIXème siècle, Paris, PUF, 1973, 162 p. ; BURDEAU F., Liberté, libertés locales chéries, Paris, Cujas, 1983, pp. 169-174.

214 CONSTANT B., op. cit., p. 361 : «Ce qui n’intéresse qu’une fraction doit être décidé par cette fraction…L’on ne saurait trop répéter que la volonté générale n’est pas plus respectable que la volonté particulière, dès qu’elle sort de sa sphère».

215 CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat. Spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français, Paris, Dalloz, 2004 (1ère éd. 1920), T.1, p. 177 : «Le pouvoir de domination étatique sur la province et la commune est juridiquement illimité…».

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Titre I : L’affirmation timide de l’autonomie des organes

En matière de libre administration, les analyses ont souvent tôt fait de s’intéresser à l’autonomie financière sans s’être, au préalable, préoccupé de la réalité des compétences et pouvoirs dont jouissent les organes des collectivités décentralisées. Or, cette question est au cœur du débat sur l’autonomie216. Autant que celle de l’existence même des collectivités territoriales, la question de la désignation de leurs organes d’administration est formellement réglée par le constituant originaire217.

Le présent vaut impératif en droit. Le constituant a donc entendu faire de l’existence même des collectivités territoriales non une faculté mais une obligation. La constitution française de 1946 a utilisé en son article 85 le vocable reconnaître, expressif à ce sujet218. A juste titre donc, l’altérité219 et la différenciation organique entre l’Etat et les collectivités constituent une condition essentielle de la libre administration220. Par conséquent, tous les pouvoirs assujettis à la norme constitutionnelle sont astreints à concourir à la garantie de l’existence de collectivités autonomes (Chapitre 1). L’histoire de l’administration territoriale dans les deux Etats recèle d’institutions qui n’ont jamais pu fonctionner suivant la volonté du législateur. Dans la plupart de ces cas, le refus du partage des pouvoirs politiques et administratifs par l’Etat central constitue la raison foncière. La libre administration sera une perspective lointaine si les organes des collectivités territoriales ne bénéficient pas d’une liberté réelle de fonctionner (chapitre 2).

216 APPIA K., Recherche sur le contenu de l’autonomie des organes décentralisés. Etude appliquée à l’expérience ivoirienne, Thèse, Doctorat de 3ème cycle, Droit Public, Aix-Marseille, 1985, p. 77.

217 Const. Bénin, art. 150 : «Les collectivités territoriales de la République sont créées par la loi» ; Const. Niger, art. 164 : «Les collectivités territoriales sont créées par une loi organique».

218 Une telle appréhension procède de l’ancienneté et de la présence constante dans le paysage administratif de l’institution communale qu’aucune remise en cause n’est parvenue à effacer.

219 L’altérité vient du latin «alter» qui signifie autre, c’est le caractère de ce qui est autre, la reconnaissance de l’autre qui a le droit d’être lui-même.

220 Elles se manifestent d’une part par l’élection par le groupement humain de son organe d’administration et d’autre part par l’auto désignation par celui-ci de son exécutif.

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