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Le pouvoir de substitution de l’autorité de tutelle au Bénin

Paragraphe 2 : Une intégration opportune pour les participations locales

B. Le pouvoir de substitution de l’autorité de tutelle au Bénin

Gérard CORNU définit la substitution comme une «forme de tutelle dans laquelle l’autorité chargée de celle-ci peut se substituer à l’autorité décentralisée, préalablement mise en demeure, pour prendre à la place de cette dernière une décision qu’elle s’est refusé à prendre alors qu’elle y était légalement tenue»718. Le législateur a fixé les conditions dans lesquelles l’autorité de tutelle est autorisée à se substituer à la collectivité territoriale (1). Il aurait pu être pensé qu’elle n’est applicable qu’aux domaines de compétences déléguées. Les dispositions législatives ouvrent son champ d’application à l’ensemble des compétences communales (2).

1. Les conditions de substitution de l’autorité de tutelle

Le législateur donne au représentant de l’Etat le pouvoir de se substituer à l’autorité locale sous certaines conditions719. Si le souci d’encadrer l’exercice du pouvoir de substitution semble transparaître, il demeure qu’un tel pouvoir, fut-il exceptionnel, conféré à une autorité de tutelle qui est avant tout une autorité politique non élue et non judiciaire peut constituer une menace à la libre administration des collectivités territoriales720.

718 CORNU G., op. cit., p. 985.

719 Loi n° 97-029, art.149 : «En cas d’inexécution par les autorités communales des mesures prescrites par les lois et règlements, l’autorité de tutelle, après mise en demeure restée sans suite, se substitue à elles et prend toutes mesures utiles».

720 Contrairement à la pratique dans certains pays, les Préfets ne constituent pas un corps d’administration, avec des exigences de formation et de déontologie. Le projet de loi devant instituer le corps des préfets n’est pas encore examiné par l’Assemblée Nationale. Contrairement aux textes en vigueur, au 31 décembre 2013, seulement 2/6 préfets sont des Administrateurs Civils contre une norme de 4/5.

145 Il résulte de la définition qu’au moins quatre (4) conditions doivent être cumulativement réunies avant tout recours à la substitution :

- elle doit être prévue explicitement par la loi ;

- il doit y avoir eu mise en demeure préalable de l’autorité substituante ; - l’autorité substituée doit être en situation de compétence liée ;

- il doit avoir refus d’agir de la part de l’autorité substituée.

Nonobstant ces précautions, pour René CHAPUS, «c'est un pouvoir remarquable parce qu'il permet à l'autorité de tutelle de s'ingérer de façon particulièrement marquée dans les affaires de l'institution décentralisée, et en même temps de faire beaucoup plus que ce qui est permis au supérieur hiérarchique»721. Dans le même sens, Martin FINKEN y voit «l'étape suprême de l'exercice de la tutelle»722. Le contexte d’apparition de ce pouvoir révèle sa vraie nature de pouvoir particulier qui n’est, ni d’ordre hiérarchique, ni d’ordre tutélaire. Pour Benoît PLESSIX, le pouvoir de substitution d’action ne tire son fondement, ni de la déconcentration, ni de la décentralisation. En tant que tel, il ne doit pas être compris comme une limite à la libre administration723.

Le rapport sur la loi du 18 juillet 1837 qui institua pour la première fois le pouvoir de substitution724 motivait en ces termes : «Le principe de l’article est juste…Si un maire refuse de faire un acte, en cas de refus ou de négligence, il faut que l’autorité supérieure puisse y procéder à son défaut ; l’exécution des lois ne peut être suspendue par la résistance d’un simple fonctionnaire…»725. Les substantifs utilisés illustrent bien qu’à cette époque, le législateur était encore loin d’institutionnaliser la libre administration au profit des collectivités territoriales.

721 CHAPUS R., Droit administratif général, t. 1, 13ème éd, Paris, Montchrestien, Août 1999, p. 390.

722 FINKEN M., Commune et gestion municipale au Cameroun : Institutions municipales, Finances et budget, Gestion locale, Interventions municipales, Yaoundé, Presse du Groupe Saint François, 1996, p. 108.

723 PLESSIX B., «Le pouvoir de substitution d’action» in COMBEAU P., op. cit., p. 67 : «Il n’est pas davantage un moyen du pouvoir hiérarchique qu’il n’est une modalité du pouvoir de tutelle».

724 Pascal COMBEAU, Les contrôles de l’Etat sur les collectivités territoriales aujourd’hui, p. 68, indique que la teneur de cet article 15 «fut reprise presque mot pour mot par la loi municipale de 1884». L’article 85 de ladite loi dispose : «Dans le cas où le maire refuserait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le Préfet peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par lui-même ou par un délégué spécial».

725 Cité par VARANGOT A., La substitution du préfet ou du sous-préfet au Maire, Thèse, Paris, Monchrestien, p. 11.

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2. Une prérogative insuffisamment clarifiée

Il a été démontré que le pouvoir de substitution vise à parer au déni d’administration726. Mais là où subsiste une certaine confusion, c’est de charger les représentants du pouvoir exécutif d’assurer la bonne exécution des lois et règlements sans délimiter clairement le champ de cette intervention. Au Bénin, par-delà les dispositions des articles 78, 162 et 170 de la Loi n° 97-029, les articles 149 et 152 de la même loi ouvrent le champ d’intervention du recours au pouvoir de substitution à toutes les matières. Aussi bien les délibérations du conseil que les actes de l’exécutif sont concernés. En outre, le législateur ne prescrit pas de délai entre la mise en demeure et la substitution. Enfin, compte ne semble pas être tenu de l’intérêt local.

Le postulat qui préside à ce mécanisme tend à faire du représentant de l’Etat le gardien vertueux de la légalité républicaine et de l’intérêt général. Certes, la lecture du Décret n°

2005-373 pourrait laisser penser à la délimitation du champ d’application de la substitution.

Puisqu’un décret ne peut modifier une loi, il devient clair que ledit décret n’a fait que préciser les modalités d’exercice du pouvoir de substitution du Préfet dans des domaines pour lesquels il a été jugé nécessaire de le faire727. De telles stipulations comminatoires sont fondées sur l’hypothèse qu’en face de l’inaction de l’administration locale, l’administration d’Etat constitue le recours le plus approprié, ce qui reste largement discutable. En effet, il arrive que les intérêts politiques du pouvoir exécutif soient trop vite assimilés à l’intérêt général et qu’un refus d’agir, objectivement légal et bénéfique pour le citoyen et la collectivité soit à dessein interprété par le représentant de l’exécutif comme une violation de la légalité ou une méconnaissance de l’intérêt général.

726 LAFERRIERE F., Cours théorique et pratique de droit public et administratif, Paris, Cotillon, 4ème éd., 1854, T.II, pp. 670-671 cité par Pascal COMBEAU, op. cit., p. 68. ; VEDEL Georges, DEVOLVE P., Droit administratif, Paris, PUF, 12ème éd., T.I, p. 29.

727 Décret n° 2005-373 du 25 juin 2005 fixant modalités d’exercice du pouvoir de substitution du Préfet s’est appesanti sur trois matières : police administrative, recours d’un contribuable de la commune et budget communal. Mais l’article 1er dispose que «Conformément aux dispositions de l’article 149 de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999, l’exercice du pouvoir de substitution intervient d’une façon générale en cas de non-exécution, par les autorités communales, des mesures prescrites par les lois et règlements».

147 En raison du pluralisme territorial et de l’altérité entre l’Etat et la collectivité, il peut advenir que les représentations de l’intérêt général, par les autorités locales d’une part et par les autorités nationales d’autre part, diffèrent sans qu’il n’y ait nécessairement violation des textes de loi. Ceci peut simplement procéder de la divergence d’intérêts728. Le respect de la libre administration des collectivités territoriales commande que ce soit une partie non

«intéressée», en l’occurrence le juge, qui assure la garde et départage, surtout qu’il est de son office de dire le droit. Ainsi dispose le législateur nigérien. Au cas où le conseil communal rejette ou ne réagit pas à la demande de retrait d’une délibération ou d’un acte , la juridiction administrative compétente est saisie729.

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