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Des obstacles à la mise en œuvre des compétences par les collectivités

CHAPITRE II : LA TUTELLE SUR LES ACTES

Paragraphe 1 : Un contrôle a priori dominant

A. Des obstacles à la mise en œuvre des compétences par les collectivités

Pour convaincre d’une telle appréciation, il faut sûrement exposer l’étendue du contrôle a priori, essentiellement à travers son champ d’application et les prérogatives que la loi confère à l’autorité de tutelle dans ce cadre (1) avant d’exposer dans quelles mesures un contrôle autant resserré sur certains actes et avec de longs délais impacte la mise en œuvre des initiatives locales (2).

1. L’étendue considérable du contrôle

Les actes soumis à l’approbation préalable par l’autorité étatique couvrent tous les domaines clés de la vie locale834. Il peut s’agir de délibérations des assemblées locales ou d’actes pris par les exécutifs. En principe, l’approbation relève de l’autorité de tutelle et dans certains cas limitativement évoqués, de l’autorité gouvernementale835. En plus de ces cas, l’intervention de l’autorité de tutelle peut faire suite à sa saisine par tout contribuable inscrit au rôle de la commune836. En précisant que l’examen par les autorités de tutelle porte sur

834 Au Bénin dix (10) cas sont évoqués à l’article 144 et deux (2) autres cas (création d’une intercommunalité et coopération décentralisée et affiliation à organisme international) aux articles 177 et 179 de la Loi n° 97-029. Le code nigérien des collectivités territoriales cite cinq (5) situations (Ord. n° 2010-54, art. 316) auxquelles s’ajoute la signature de convention avec des collectivités territoriales étrangères ou leurs organismes (Ord. n°2010-54, art. 327).

835 Bénin : Loi n° 97-029, art. 177, al. 2.

836 Bénin : Loi n° 97-029, art. 161.

168 la légalité externe et la légalité interne, le législateur entend prévenir toute dérive. La légalité externe s’intéresse à la compétence de l’auteur, aux procédures d’élaboration et à sa forme.

La légalité interne apprécie l’applicabilité et l’application qui est faite des textes837.

L’étendue des pouvoirs conférés à l’autorité de tutelle en manifeste la portée. Dans la perspective d’un contrôle de «tutelle à la béninoise», trois suites peuvent être faites : l’approbation, l’annulation ou la substitution. Par son approbation formelle, l’autorité de tutelle certifie la conformité à la légalité et confère à l’acte initialement pris, la force exécutoire838. La latitude novatrice dont fait preuve le représentant de l’Etat dans l’exercice de cette prérogative révèle que les marges dont il dispose sont importantes. Il existe Bénin, la pratique extralégale des observations. Elle consiste, avant l’approbation et dans une situation où elle est considérée comme non compromise, pour l’autorité de tutelle à inviter la collectivité à corriger quelque irrégularité non substantielle y relevée.

Sujet à polémique, le pouvoir d’annulation correspond au refus d’approbation qui oblige à la reprise de l’acte dans la mesure elle fait «disparaître rétroactivement les décisions de l’autorité décentralisée»839. A cette étape, deux concepts auxquelles réfèrent les libellés des articles 148 et 168 de la Loi n° 97-029 d’une part et des articles 318 et 319 de l’Ord. n° 2010-54 d’autre part, appellent une clarification. Il s’agit de l’annulation et du constat de nullité. Dans le premier cas, c’est l’acte pris par l’autorité de tutelle qui crée la situation juridique de nullité alors que dans le second, la nullité est préexistante à l’acte qui intervient pour l’enregistrer.

Si la différence est établie, rien ne permet d’affirmer que le constat de nullité ne s’applique qu’aux situations limitativement énumérées, comme suggéré par certaines explications840. En effet, disposer que «lorsque le conseil délibère illégalement, l'autorité de tutelle, par arrêté motivé, constate la nullité des actes concernés et demande au conseil communal de statuer à nouveau en toute légalité»

laisse penser à une disposition d’ordre général841. Autrement dit, en l’état actuel de son

837 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 310.

838 Bénin : Loi n° 97-029, art. 145, in fine.Elle est réputée acquise au terme du délai légal prescrit à cet effet.

839 Bénin : Loi n° 97-029, art. 148. Voir également CHAPUS R., op. cit., p. 409.

840 Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation (Bénin), Guide de contrôle de légalité des actes des autorités communales, Cotonou, Juin 2005, p. 47.

841 Bénin : Loi n° 97-029, art. 148 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 138.

169 libellé, la disposition est applicable à l’ensemble des délibérations du conseil. Dans tous les cas, s’il y a résistance à la demande de l’autorité de tutelle, celle-ci se substitue à la collectivité et prend les mesures qu’il juge utiles842. Au Niger, le contrôle de légalité débouche sur deux décisions que sont la demande de retrait ou de modification de l’acte ou le déféré843. Toutefois, en vertu de son mandat général de veille sur l’intérêt national, l’autorité de tutelle peut sanctionner certaines illégalités alors même qu’il ne s’agit pas d’acte soumis à approbation844. En tout état de cause, il ne peut y avoir substitution qu’en cas de menaces ou de troubles graves à l’ordre public845.

Le pouvoir de substitution d’action heurte les libertés locales846. Il permet à l’autorité de tutelle de «s’ingérer de façon particulièrement marquée dans les affaires de l’institution décentralisée»847 avec comme risque, d’aller au-delà de ce qui est nécessaire à la préservation de l’intérêt national. Même s’il est présenté comme une réponse à une inaction préjudiciable à l’intérêt général, la prééminence de l’Etat devrait inciter le législateur à faire examiner par le juge, toute résistance d’une autorité locale à une demande de l’autorité de tutelle. La substitution est un dénouement d’autant plus inquiétant qu’il pose, en filigrane, un problème de responsabilité848. L’on peut se satisfaire de ce que la collectivité territoriale est recevable à demander l’annulation de l’acte de l’autorité de tutelle et, le cas échéant, réparation de préjudice849. Dans l’intervalle, l’action publique locale est en attente.

842Bénin : Loi n° 97-029, art. 149.

843 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 314 et 315.

844 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 318 et 319.

845 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 83 et 84.

846 FINKEN M., Commune et gestion municipale au Cameroun : institutions municipales, finances et budget, gestion locale, interventions municipales, Yaoundé, Presse du Groupe Saint François, 1996, p. 108, l’appréhende comme «l'étape suprême de l'exercice de la tutelle».

847 CHAPUS R., op. cit., p. 410.

848 La commune demeure responsable de la décision prise par substitution par l’autorité de tutelle.

849 Bénin : Loi n° 97-029, art. 58, 146. ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 311.

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2. Des modalités génératrices de lenteur

La transmission constitue un préalable essentiel à l’exercice, par l’autorité de tutelle, du contrôle. Le contrôle et tous les actes subséquents y prennent leur source. Ainsi, des délais850 sont-ils définis par le législateur. C’est à partir de ces éléments qu’il convient d’apprécier l’impact du contrôle a priori sur l’efficacité de l’action publique locale.

Les délais d’approbation fixés par le législateur béninois varient de 15 jours à 2 mois851. A partir de quand doit se faire la computation ? Dès lors qu’il y a la distance, deux possibilités peuvent être envisagées. Le décompte peut se faire à partir de la prise de l’acte ou à partir de la réception par l’autorité d’approbation. La première doit être écartée dans la mesure où, il est de principe général qu’un acte ne peut être opposable qu’à partir du moment où il est porté à connaissance, par notification ou publication. Le délai ne peut donc courir qu’à partir de la réception par l’autorité de tutelle de l’acte concerné852.

Le mode de transmission des actes est une question essentielle. Il constitue un moyen de preuve et permet de garantir intégrité et durabilité. Ces considérations ont des implications matérielles. L'écrit est le mode d'expression normal de l'administration. De même, la procédure devant le juge administratif est écrite853. La nécessité d’un accusé de réception, à titre de preuve, oblige les administrations locales à se déplacer pour déposer la version papier des actes. Ceci coûte la mise à disposition d’une ressource humaine et un déplacement. Il se pose légitimement la question de savoir si l’écrit signifie exclusivement l’écrit sur support papier ou si, par contre, l’écrit dématérialisé peut faire foi.

850 Le délai est un paramètre d’une portée juridique majeure. Il désigne la durée de temps qui sépare deux instants. Il intervient aussi bien dans le processus de l'acquisition des droits que dans celui de leur extinction. A son échéance une partie se trouve privée d'un recours.

851 Bénin : Loi n° 97-029, art. 145.

852 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 312, al. 4 : «L'autorité de tutelle en délivre immédiatement accusé de réception. A défaut, la preuve de la réception de l'acte peut être apportée par tous moyens» ; Bénin : bien que la loi n’ait rien prescrit à ce sujet, il est plausible de partir de la situation de notification prévue à l’article 74 de la Loi n° 97-029 pour inférer que le délai d’approbation court à compter de la réception de l’acte.

853 Bénin : Loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la cour suprême, art. 2.

171 Il ne fait aucun doute que pour les rédacteurs du Code civil français de 1804, l’écrit ne pouvait être que celui matérialisé sur un support papier854. Toutefois, cela n’impose pas pour autant qu’il faille s’en tenir à cette perception restrictive ad vitam aeternam855. Pendant longtemps il n’a pas existé une définition légale de la notion d’écrit. C’est encore le cas au Bénin au Niger. Mais on peut se permettre un emprunt au droit français qui a enregistré l’adoption de la loi du 13 mars 2000 dont l’article 1316, introduit au Code civil français, définit le concept d’écrit comme «une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support ou leurs modalités de transmission». A s’en tenir à cette compréhension, un document électronique constitue un écrit, au sens juridique, dès lors qu’il remplit les trois fonctions traditionnellement attachées à l’écrit qui sont la lisibilité, la stabilité et l’immutabilité856. La tendance actuelle est donc à la neutralité technologique857. Cependant, pour les nécessités d’archivage indispensable pour l’administration, la communication en son sein et avec elle devrait se faire à l’aide de supports durables858. Il demeure que la dématérialisation de la transmission de certains actes serait une source d’économie de moyens notamment, le temps859.

Les délais d’approbation du budget et des conventions relatives aux marchés publics permettent d’illustrer cette nécessité. Si au Niger, le budget, sous le régime de l’Ord. n°

854 WILMS W., «De la signature au «notaire électronique». La validation de la communication électronique», Mélanges Jean Pardon, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 568 : «Dans un système basé sur du papier, le message est fixé sur un support d’information matériel».

855 RIPERT G., Les forces créatrices du droit, 2e éd., Paris, LGDJ., 1994, p.39 : «Ce qui assure la stabilité du droit c’est la plasticité des règles générales, qui peuvent toujours être étendues à des objets nouveaux».

856 La notion de lisibilité suppose qu’il soit possible d’accéder et de lire aisément le contenu de l’écrit. La stabilité implique l’idée de durée, de constance voire de permanence auxquelles doit également être associée à la notion de conservation à long terme. L’immutabilité réfère au caractère définitif du contenu de l’écrit qui n’est plus susceptible d’être modifié. L’inaltérabilité du support y est liée.

857 France, Cas., Com., 2 décembre 1997, D.1998, p.192, note Martin.

858 Un support est dit durable «s’il garantit le stockage, la consultation et la reproduction exacte des informations qu’il contient». Ici réside l’inconvénient de l’écrit électronique ou du «flux d’électrons» : la vulnérabilité des transactions qu’il permet de mettre en œuvre ainsi que la vie éphémère de ses supports qui sont relativement vite dépassés en raison des évolutions technologiques.

859 En France, elle a été autorisée par la Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En plus du caractère instantané de la transmission, elle l’application informatique ACTES développée à cet effet permet l’émission automatique de l’accusé de réception, le calcul des délais de recours, le dénombrement statistique des actes, etc. Des contingences techniques, telle que par exemple la taille maximale transmissible par envoi, peuvent limiter sa généralisation à tous les actes.

172 2010-54, est soumis à transmission860, au Bénin, le régime d’approbation est appliqué. Le délai fixé est d’un (1) mois861. Il en est de même pour les conventions relatives aux marchés862 dont le délai d’approbation est de deux (2) mois. Ces longs délais interpellent surtout que la Loi n° 2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et de délégation de service public impose également des délais non moins importants. On peut légitimement s’interroger sur le temps restant à réellement consacrer, dans l’année civile, à la concrétisation des initiatives locales863.

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