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LES PROCESSUS D’APPARITION DE TERRITOIRES D’ACTIVITE

Conclusion générale : retour sur les conditions d’émergence des territoires de développement en Tunisie

L ES NOUVELLES O RGANISATIONS

C. LES PROCESSUS D’APPARITION DE TERRITOIRES D’ACTIVITE

Depuis les années 90, l’intérêt pour incorporer la territorialisation dans le processus de développement des zones rurales a augmenté de plus en plus, tant de la part des gouvernements que des propres acteurs. Cela a mené à développer des processus d’émergence des territoires

d’activité dans les zones rurales. Notre hypothèse centrale est que la véritable émergence d’un

territoire se produit lorsque celui-ci devient un territoire d’activité, c'est-à-dire un territoire où le facteur « territoire » représente un facteur d’avantage compétitif dans les marchés, car ce sont les marchés qui expliquent la configuration du dit territoire (c’est que nous appelons la vision

matérialiste du territoire). On ne peut pas parler de territoire d’activité que si ceci contribue à la

compétitivité des activités économiques qui on lieu sur le territoire. En effet, le territoire, en tant que facteur d’avantage compétitif, incorpore au processus productif des éléments qui sont difficiles à délocaliser ou fortement spécifiques : espace singulier, capital social, identité /image de marque etc. La capacité de ces facteurs pour une plus ou moins grande contribution dépend, dans une grande mesure, de l’institutionnalisation de l’utilisation de leur profit. C’est là où les aspects relatifs à l’organisation des acteurs locaux entrent en action. En tout cas, pour qu’il existe un territoire d’activité la préexistence d’un projet n’est pas toujours nécessaire. D’ailleurs il faut signaler que : a) les processus n’aboutissent pas toujours à un territoire d’activité (donc on ne pourra pas parler dans ce cas d’émergence réel de territoires) et b) ce fait n’empêche pas de trouver les deux types des processus, en même temps ou séparément, dans une même zone. Cette émergence de territoires ruraux constitués essentiellement au niveau des municipalités, a eu lieu parce que : 1) certaines circonstances politiques ont été concommitantes en Espagne : La

décentralisation de l’Etat et l’application de la Politique de développement rural de l’Union

parlera plus tard, et 2) la mondialisation qui a ouvert des opportunités à certaines activités propres du milieu rural (produits écologiques, de qualité, services touristiques, environnementaux, etc.).

A présent, nous pouvons trouver sur la géographie espagnole des territoires ruraux dont les caractéristiques et l’origine sont différentes. En simplifiant, on peut arriver à cette typologie :

a. Le Territoire « marché »

On le trouve dans des zones dans lesquelles il y a un dynamisme économique endogène provoqué par l’apparition des activités économiques viables à moyen terme. L’émergence de ces activités n’est pas le résultat d’une action collective stimulée par le nouveau contexte institutionnel, mais de l’existence de ces activités économiques au préalable à l’établissement du nouveau contexte, qui a emmené les acteurs économiques locaux à entreprendre un processus d’action collective dans le but de développer le potentiel des activités déjà existantes le plus possible. Les zones qui se trouvaient dans cette situation ont été ces qui ont mieux profité des opportunités qu’offraient les programmes publics de développement local.

Comme exemple de ce type de territoires, on peut trouver dans des zones industrielles ou d’exploitation de mines (provenant du modèle de développement espagnol des années 60 et 70) qui ont souffert de la crise et de la restructuration des années 80 (Asturies, Pays Basque, Valence, León et Cordoue) ; dans des zones où le tourisme est une activité importante (Iles Baléares, Canaries, Costa del Sol…).

Un autre type de territoire « marché » est le territoire « produit ». Ceci apparaît dans des zones ayant un grand niveau de spécialisation productive (produits agro-alimentaires par exemple) qui ont établi des accords institutionnels tout au long de la filière pour assurer la valeur ajoutée de certaines caractéristiques locales (externalités de localisation) : Les Appellations d’Origine

Protégées (AOP) ou Indication Géographique Protégée (IGP). D’après les dernières données

publiées par le Ministère de l’Agriculture (MAPA, 2005) à la fin de 2004 il avait été enregistré 243 certifications dont 133 DOP et 110 IGP, alors qu’en 1987 iln’y en avait que 43.

Les DOP et IGP correspondent à un autre processus d’émergence d’un territoire produit à caractère sectoriel. L’intérêt de ces projets dans les processus d’émergence de territoires « marché » provient du fait que ses effets dépassent le secteur agroalimentaire et créent des

« économies de synergie » avec d’autres activités économiques dans le sens de la définition de Brunori et Rossi (2000 :410) : « ..les relations entre deux ou plusieurs entités, dont l’effet

conjoint produit des effets qui dépassent quantitativement et qualitativement les effets des entités similaires lorsque celles-ci opèrent toutes seules ». C'est-à-dire ils créent des relations qui

produisent des bénéfices mutuels142. Il s’agit, en définitive, d’un processus de marchandisation d’un attribut local143. Les attributs tels que la qualité environnementale, le caractère local de certaines produits ou le paysage, deviennent graduellement des « actifs » qui prennent une certaine valeur d’échange. En Espagne existent quelques processus de ce type dans lesquels l’image de marque d’un produit agroalimentaire est devenue un actif territorial pour le

142 Cette approche des économies de synergie appliquée au développement rural, n’est qu’une relecture du concept

d’externalité marshallienne.

143 Ce que Marsden et al. (1993) appelaient « commoditization » : attribution de valeurs de marché aux ressources

développement d’autres activités, c’est le cas de l’huile d’olive dans la province de Jaén et le vin dans la Rioja.

b. Le territoire «régulation» ou d’opportunité politique

Dans ce type de territoire, les acteurs se mobilisent pour créer un territoire dans le but de pouvoir participer à de nouveaux programmes de politique de développement rural de l’UE. C’est le cas de tous les Groupes d’Action Locale qui ont été crées par des acteurs publics, notamment par les maires des communes, pour profiter des aides des programmes LEADER/PRODER. Leur importance dans l’émergence des territoires ruraux en Espagne, est bien exprimée par les chiffres : L’Espagne est le pays de l’UE qui a le plus bénéficié du financement communautaire

pour ce type de programmes. Entre 2000 et 2006 ont fonctionné 165 Groupes LEADER et 162 PRODER distribués sur tout l’espace espagnol, comme on peut l’observer sur les Cartes 1 et 2 (Annexe).

Le principal requis exigé par l’Administration pour commencer le processus d’émergence du territoire LEADER ou PRODER a été la création de partenariats dans lesquels soient présents les différents collectifs existants dans le territoire. Au début l’initiative venait des Administrations locales, étant donné la désarticulation qui caractérise plusieurs zones rurales. Ce protagonisme du pouvoir local provoquait pas mal de réticences de la part de responsables politiques des Ministères ou des CC.AA. à transférer du protagonisme aux locaux dans les phases suivantes. Néanmoins au fur et à mesure que le processus se consolidait, les différents acteurs ont occupé leur place. De cette façon, la méconnaissance, ou le manque d’intérêt, qui a exclu au début certains acteurs dans le démarrage des programmes, ont commencé à s’évanouir au fur et à mesure que les processus et ses résultats commençaient à être visibles. La reconnaissance, de la part de la population, du rôle du Groupe de Développement Rural (GAL) en tant qu’entité proche et de référence au niveau de la zone, dont l’objectif est d’augmenter son niveau de développement en contact avec la population, est de plus en plus forte. Cela est confirmé par le fait que la population prend en compte le Centre de Développement Rural (CEDER) pour presque tous les projets, même si ces Centres n’ont pas les compétences requises ou si les projets ne sont pas éligibles pour une subvention. De même, les GAL sont de plus en plus acceptés comme des interlocuteurs par d’autres Institutions et Administrations sectorielles (Ministère et Conselleries d’Agriculture, ou de l’Environnement, etc.), et parfois ils deviennent des partenaires dans des projets supra-territoriaux144 .

Un des aspects le plus innovateur de ces processus a été la façon dont ils stimulent les territoires à prendre le pouvoir de décision et de gestion, qui appartenait autrefois exclusivement à l’Administration de l’Etat, et cela contribue à renforcer la structuration et la création du tissu socio-économique dans des zones qui auparavant avaient été assez désarticulées. Néanmoins on ne peut pas affirmer que tous ces territoires-projet aient abouti à se configurer comme des vrais

territoires d’activité, étant donné la diversité de situations et l’existence de certains aspects

144 Un exemple est la création récemment de la Marque de Qualité Territoriale, dont l’objectif est de se convertir

dans l’image de la Marque officielle européenne qui identifie tous les produits, services et activités des zones rurales engagées avec la qualité globale du territoire. Cette initiative correspond à dix associations espagnoles de développement rural avec d’autres groupes européens.

(Voir: http://www.agrodigital.com/PlArtStd.asp?CodArt=41392).

négatifs dans les processus d’émergence démocratique dans les zones rurales,et notamment (Moscoso, 2005):

• La faible tradition d’implication de la population rurale dans le gouvernement local, fruit de la tradition historique du modèle d’Etat centraliste.

• Le manque d’une culture de pluralisme démocratique ou de participation

• La présence de groupes d’intérêt bien installés dans les structures du pouvoir local.

• Les difficultés pour les groupes marginaux pour s’impliquer dans le processus, à cause du manque de temps, de formation ou d’information nécessaires.

• La frustration de la population provenant d’autres expériences du passé.

A ces obstacles il faut ajouter que parfois les institutions de la démocratie représentative, légitimement élue, sont réticentes à partager le pouvoir et la capacité de gestion avec des institutions de la démocratie participative, qui ne sont pas soumises à des contrôles de transparence, responsabilité ou efficacité. On ne peut pas oublier non plus que la décentralisation de la prise de décisions jusqu’au niveau local des GAL, comporte la perte de pouvoir des acteurs traditionnels en faveur des nouveaux acteurs locaux, et cela rend plus difficile la mise en place des nouvelles politiques publiques. Par exemple certaines Administrations sectorielles, au lieu d’accepter la nouvelle situation et de chercher des complémentarités avec les territoires des GAL, créent des structures territoriales nettement différenciées, même si les domaines d’action sont similaires.

Un autre problème qui apparaît dans ces processus est l’excessive politisation dans le contrôle et la gestion des GAL. Ceci peut être un symptôme du manque de maturité démocratique rurale qui est en train de réduire la légitimité et le soutien social à certaines actuations actuelles et qui pourrait même compromettre leur approfondissement dans l’avenir. D’ailleurs, certains travaux (Garrido et Moyano, 2002) montrent que les LEADER et PRODER ont des freins remarquables pour réussir un des leurs objectifs : la création de capital social dans les territoires ruraux. Dans le cas concret de l’Andalousie, les auteurs signalent en particulier, le bas niveau obtenu par exemple dans la structuration sociale, la coopération inter-municipale et l’efficience institutionnelle.

On voit bien que les initiatives successives LEADER ainsi que le Programme PRODER ont représenté, sans doute, un point d’inflexion dans les dynamiques de développement dans beaucoup de zones rurales espagnoles. Les conditions d’émergence des organisations de développement rural ont été très liées à cette Initiative communautaire. En fait, d’après des enquêtes auprés de la population rurale, la force motrice pour l’apparition des GAL – et avec eux une certaine articulation pour le développement- a été la possibilité de financement que les programmes LEADER donnaient. C’est à dire, d’après eux, l’émergence du développement rural dans leurs territoires respectifs, a été dû, fondamentalement, à l’existence d’une offre de financement exogène. Néanmoins, l’évolution et la consolidation de ces organisations dans le milieu rural, montrent qu’à présent elles existent non seulement pour accéder aux ressources financières mais qu’ils on arrivé dans certains cas à consolider un territoire d’activité. Mais il y en a aussi d’autres qui restent tout à fait dépendantes des programmes subventionnés de l’extérieur (UE, État ou CC.AA.). La finalisation de ces Programmes de financement exogène pourrait emmener à la disparition d’une grande partie de ces organisations.

La façon dont les organisations ont émergé montre d’une part, le relatif succès de ces programmes de développement rural, dans la mesure où ils ont stimulé l’apparition des organisations dans lesquelles s’intègrent des agents divers, publics et privés, en encourageant ainsi une nouvelle façon de « faire du développement » basée dans une structure propre des zones rurales. Mais d’autre part, elle nous permet d’observer aussi une certaine fragilité des organisations, étant donné que la façon dont elles ont émergé dévoile « la nature réactive (et non

proactive) de la plus part des coopérations locales » (Esparcia et al. 2001 :26).

Un autre aspect important dans l’émergence des organisations, très lié à leur nature réactive, est leur composition, c'est-à-dire la question de savoir qui fait partie des Groupes responsables de mener à bien le développement rural dans leurs zones. A ce propos il est à signaler que bien qu’au début, dans la plus part des cas, tant l’émergence que l’initiative ont été contrôlées par le secteur public, aujourd’hui la représentation de ce secteur dans les organes de décision des Groupes se maintient avec le secteur privé. Trois éléments fondamentaux sont à constater dans la composition des GAL :

1) Au début les agents locaux déjà existants dans les zones ont été ceux qui ont essayé de

participer à des Groupes qui seraient les responsables de la canalisation du financement. C’est à dire, que, sauf dans très peu de cas, il n’y a pas eu de nouveaux acteurs (par.exemple des associations) partie prenante du processus initial.

2) La composition des nouvelles organisations reproduit les équilibres de forces existantes, à

un moment donné, dans la société locale (Esparcia et al., 2001). Cet aspect peut être un signal de légitimité, étant donné que la composition existante dans la zone est transférée à la nouvelle organisation.

3) Finalement, il faut remarquer le rôle protagoniste des Mairies en tant que principaux

conducteurs du processus d’émergence. En effet, la faible articulation institutionnelle et organisationnelle de nombreuses zones rurales a fait que les administrations locales aient été les chargées de piloter le processus. Ceci peut être considéré comme un indicateur de légitimité démocratique des GAL mais, en même temps, augmente les risques dérivés des tensions locales qui poussent les maires à réussir à avoir « des choses pour son village » et à satisfaire ainsi leurs électeurs. Même si l’initiative et le rôle protagoniste initial appartenait au secteur public, la création des GAL a connu une adhésion, de la part de la population locale, très généralisée, ce qui a permis à celle-ci d’assumer progressivement un rôle plus important dans le mprocessus. La croissance du nombre d’associés des GAL ainsi que la distribution du pouvoir dans les organes directifs confirment ce constat. Parmi les aspects positifs du rôle principal des responsables municipaux, dans les premières étapes du processus, on trouve leur capacité d’appel, la facilité pour contacter le reste des Administrations engagées dans le développement rural, la stabilité qu’ils apportent, et le fait que la coopération soit inévitable pour que la plus grande partie des projets soit viable. En même temps, ils compensent la passivité de la société civile et enfin ils sont en réalité les représentants légitimes de la population rurale. Par contre, la vision trop locale des maires, le déficit de formation dans certains cas et surtout la politisation du processus, sont les aspects plus négatifs du rôle trop protagoniste du secteur public.

Finalement, il faut signaler l’importance du rôle joué par certaines personnes en tant que « leaders » du processus, surtout dans sa phase initiale, pour l’émergence de ces organisations. La

présence de certains leaders comme un élément clé dans les processus de création des GAL a été déterminant. Il s’agit de gens dont la capacité de leadership a permis de laminer les divergences entre les objectifs et les intérêts des participants, en l’occurrence dépasser les tensions que « l’excès de local » générait parmi les mairies participantes. Ces leaders ont été toujours des responsables publics avec du charisme, et pour la pluspart, il s’agit des maires de quelques communes de la zone rurale. Ces maires ont réussi à regrouper sous une même structure organisationnelle des intérêts très divers, plutôt par leurs caractéristiques personnelles que par leur influence politique. Ces leaders, tout en étant représentants des institutions, sont restés liés aux GAL, constituant ainsi des éléments d’impulsion et en même temps facilitant l’obtention de consensus dans des situations difficiles.

Au moment de la mise en œuvre des programmes de développement rural LEADER/PRODER dans les territoires ruraux, comme d’ailleurs dans toute l’Espagne, ont émergé un nombre élevé d’Associations (de femmes, de jeunes, culturelles, écologistes, de droits des handicapés, sportives, d’accueil d’immigrants, etc.) qui trop fréquemment n’existent que sur le papier, car leur activité est assez faible. Mais il y en a aussi d’autres qui ont émergé dans le but de s’intégrer dans les GAL ou les GAL (associations des femmes, de jeunes, culturelles etc.), ou bien de construire, à partir du regroupement de GAL, un réseau soit au niveau national ou des CC.AA. Ce processus de création de réseaux de Groupes de Développement Rural a permis d’améliorer l’articulation du milieu rural et, en même temps, a favorisé le travail en commun des territoires ruraux. En Espagne existent deux réseaux nationaux de développement rural, Réseau espagnol de

Développement Rural (REDR) et Réseau National de Développement Rural (REDER), et 12

réseaux régionaux. Le REDR est répandu sur plus du 45% du territoire national, ce qui représente autour de 6,5 millions d’habitants. Ces deux réseaux fonctionnent comme des intermédiaires entre les différentes Administrations qui interviennent dans les processus de développement rural.

c. Le territoire « fonctionnel »

Il s’agit de territoires créés pour mettre en place une fonction déterminée. Cette fonction peut être assignée de façon exogène ou endogène.

Dans le premier cas, les Administrations publiques créent des territoires pour mener à bien leurs politiques. Le territoire est créé de haut en bas (top-down). Il y en a plusieurs types : Comarcas

agricoles, Districts sanitaires, Districts d’Education, Parcs naturels, Districts de Justice, Unités Territoriales d’Emploi et Développement Technologique Local (UTDLT). Dans tous les cas des

nouveaux acteurs apparaissent sur les zones rurales qui prennent de nouvelles responsabilités et qui dynamisent le territoire.

Dans le second cas le territoire est crée pour développer une fonction spécifique établie de façon

endogène. Par exemple les « Mancommunidades » ou Consortium ont des territoires spécifiques

d’activité dans les domaines de : services culturels, de genre, de recherche d’emploi, en plus de l’approvisionnement d’eau, décontaminations des aux résiduelles, maintien des infrastructures de communication, ramassage et traitement des ordures etc. Dernièrement les objectifs de ces Associations de Municipalités ont évolué vers le domaine des politiques et des stratégies de développement local. Autour de ces associations ont émergé des acteurs locaux aussi divers que les objectifs et services de chaque « Mancomunidad ». Mais, dans toutes les associations, il y a

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