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Processus d’émergence des territoires ruraux dans les pays méditerranéens : l’exemple algérien

B. Les contraintes.

a. La diversité des territoires physiques : une complémentarité mal exploitée.

Assurer un développement harmonieux et équilibré de tous les territoires ruraux algériens ne peut se faire sans la prise en compte d’une multitude d’éléments à la fois.

Bien que l’activité agricole se soit jusqu’à récemment confinée dans le Nord du pays, qui ne représente que le 1/6 seulement de la superficie totale, les territoires ruraux sont extrêmement diversifiés et contrastés.

Le premier contraste est celui qui dote le pays de trois ensembles physiques distincts : le Tell , la Steppe et le Sahara.

L’ensempble Tell-steppe, traversé d’ouest en est par deux chaînes de montagnes, l’Atlas Tellien et l’Atlas Saharien, abrite une multitude de territoires ruraux et espaces agraires, à savoir :

- les plaines littorales majeures (Oranaise, Mitidja et plaine d’Annaba) et plaines plus étroites (Basse Soummam, Jijel, Collo) ;

- les bassins intérieurs de Tlemcen, Sidi Bel Abbès et Mascara à l’ouest, Cheliff, Beni

Slimane et Haute Soummam au centre ;

- les hautes plaines perchées à 800 ou 1000 m d’altitude et encadrées par les deux Atlas se

présentent comme un vaste couloir qui a toujours favorisé les déplacements humains, la vie agropastorale et même la constitution de grands Etats. Se présentant en forme de cuvette, le régime des eaux est ici plutôt endoréique, d’où la présence des nombreuses

sebkha. Le climat plus aride à l’Ouest fait que cette partie des hautes plaines convient plus

aux parcours alors que celles orientales, plus humides, conviennent à la culture des céréales ;

- la chaîne atlasique longe au Sud les hautes plaines. Elle est sub-aride, à l’exception du

massif des Aurès couvert de forêts et doté de vallées riches en eaux ; et enfin,

- le domaine saharien qui renferme l’un des déserts les plus vastes et les plus rigoureux de

notre planète. Celui-ci abrite quelques oasis créées depuis plusieurs siècles autour de points d’eau ayant historiquement servi de relais sur les grandes routes caravanières (Ouargla, In Salah, Adrar) ou créées récemment dans le cadre de la mise en valeur des ressources naturelles et de peuplement des régions sahariennes.

Loin d’être isolés les uns des autres, ces espaces ont toujours été complémentaires entre eux, ainsi que le relève le géographe Marc COTE : « Ces milieux physiques très différenciés présentent une

caractéristique commune : leur disposition en éléments longitudinaux étirés les rapproche les uns des autres sur une transversale. Skikda la littorale et Biskra la saharienne sont à moins de 250 km l’une de l’autre ; les cèdres des Aurès sont à 30 km à peine à vol d’oiseau des palmeraies de piémont. Cette proximité de milieux très différents suscite tout naturellement l’utilisation de leurs complémentarités31. »

La complémentarité entre les divers espaces n’est pas seulement longitudinale mais aussi et surtout transversale, c’est-à-dire entre la plaine et la montagne. Dans l’Atlas Tellien, les habitants des montagnes vont souvent chercher leur complément de revenu dans les plaines littorales et les bassins intérieurs, alors que les populations de la steppe entretiennent l’achaba et l’azaba grâce aux allers et retours réguliers entre la steppe et les hautes plaines et vice-versa.

C’est cette complémentarité transversale entre les différentes zones et territoires qui a souvent été à l’origine du maillage administratif du pays mais aussi de la sédentarisation des populations, donc de l’émergence et du développement des agglomérations et villes ainsi que des voies de communication.

Cela n’est pas cependant suffisant pour comprendre la complexité et la diversité des territoires ruraux de l’Algérie. La tradition divise en effet le Tell en trois grands ensembles transversaux qui ont des fondements historiques et économiques : les régions Est, Centre et Ouest sont héritées de l’époque ottomane et étoffées après cette époque.

b. Le désert aux portes de la mer.

Le climat est également un facteur déterminant dans la répartition de la population à travers les différents territoires. En Algérie, la répartition des précipitations est marquée d’une double dissymétrie : le littoral est mieux arrosé que l’intérieur (1200 mm à Souk El Tenine, 500 mm à Sétif et seulement 250 mm à Ain Azel, soit 100 km à vol d’oiseau entre la mer et les premiers contreforts de l’Atlas saharien) et les écrans montagneux sont les responsables évidents de cette brusque diminution. Sur le littoral, des différences de pluviométrie sont également importantes entre l’Est et le Centre, relativement bien arrosés, et l’Ouest, aride. La sècheresse est ici causée par les chaînes de montagnes marocaines, le Moyen Atlas et le Rif.

c. La littoralisation : un phénomène naturel ?

Ces différences de précipitations ont introduit des disparités dans le peuplement mais aussi dans les systèmes de cultures. En matière de population, les données du recensement de la population (RGPH) de 1998 révèlent que 40,6 % de la population totale du pays se concentre dans les wilayate maritimes, 33,5 % dans les plaines et bassins intérieurs, 20,8 % dans les hautes plaines et la steppe, et le reste soit 5 %, dans le Sahara. C’est dire que les trois-quarts environ de la population totale se concentrent dans le littoral et 95 % dans l’ensemble Tell-steppe. Ainsi, plus on se rapproche du littoral et de la côte, plus élevées sont les densités au km². On devine alors l’ampleur de la pression qui s’exerce sur les ressources dont notamment la ressource sol. Bien que des précautions soient prises pour sauvegarder les terres agricoles, la réalité quotidienne se manifeste par le rétrécissement des périmètres agricoles envahis par l’urbanisation et l’industrialisation (ce phénomène touche tous les territoires et périmètres agricoles se situant dans les plaines littorales, les plaines et bassins intérieurs ; les cas de la plaine d’Arzew et d’Oran à l’ouest, de la Mitidja et du Sebaou au centre et de la Soummam, de Zardezas et de Bou Namoussa à l’est sont, de ce point de vue, significatifs. La région montagneuse, notamment de Kabylie, est dans une situation plus inquiétante encore puisque les prélèvements fonciers au profit de l’urbanisation sont souvent comblés par des défrichements nouveaux, quoique officiellement non autorisés.

d. La spécialisation agricole, résultat de l’adaptation aux aléas climatiques.

S’agissant des spéculations pratiquées sur les différents espaces, les innovations introduites récemment dans le cadre de la relance de l’activité agricole ne sont pas encore parvenues à changer les tendances lourdes des spécialisations régionales. Ainsi, et parce que plus résistantes à la sécheresse, les céréales occupent l’essentiel de la superficie agricole du pays et se trouvent quasiment dans tous les territoires ruraux, même si l’espace qui lui est réservé depuis plusieurs millénaires est celui des hautes plaines. Néanmoins, elles sont de moins en moins pratiquées dans la steppe qui bénéficie ces dernières années d’une attention particulière (protection des micro- zones les plus vulnérables et régénération de la flore et de la faune steppiques) et continue à supporter l’essentiel du troupeau ovin, plus dense dans les parties centrale et occidentale que dans la partie orientale. Dans les plaines littorales et les bassins intérieurs, ce sont globalement les cultures à forte valeur ajoutée qui dominent : maraîchage, agrumes et arboriculture fruitière sont favorisés. L’agrumiculture est en effet présente tant la plaine oranaise que dans la vallée du Cheliff ou encore dans la Mitidja, la Soummam, la plaine de Skikda et plaine de Bou Namoussa. Notons que cette dernière plaine produit également de la tomate de conserve et qu’elle contribue à concurrence de 50 % à la couverture du besoin national exprimé en ce produit. La zone des coteaux, notamment ceux de Tlemcen, Mascara, Dahra et Médéa, tend de nouveau à renouer avec son passé viticole après avoir connu les arrachages massifs de ses vignobles au milieu des années soixante. La zone de montagne centrale, en fait la Kabylie, de Tizi-Ouzou à Collo, continue quant à elle à abriter l’essentiel du verger oléicole du pays mais aussi à diversifier ses systèmes arboricoles en promouvant l’arboriculture fruitière ; il s’agit là d’une spécialisation à caractère économique (accroissement des revenus) et écologique (lutte contre la dégradation des sols). Dans le Sud du pays, l’activité agricole commence là aussi à prendre de l’ampleur. La datte n’est plus la seule production agricole de cette partie du territoire. Grâce à la mise en place d’un fonds de soutien à l’agriculture, le FNRDA, plusieurs territoires agricoles commencent à émerger. Ainsi, en peu d’années, la wilaya de Biskra a pu supplanter les wilayate du littoral en matière de production maraîchère puisqu’elle fournit désormais à elle seule, depuis 2002, la moitié de la production nationale de maraîchage. Les périmètres de mise en valeur créés aux alentours immédiats des grandes villes du Sud (El Oued, Ouargla, Adrar, Bechar, Tamanrasset) entretiennent eux aussi une agriculture péri-urbaine non négligeable mais aussi la culture des céréales sur des périmètres créés dans le cadre de la loi d’accès à la propriété foncière par la mise en valeur des terres sahariennes (Gassi Touil dans la région pétrolière de Hassi Messaoud, Abadla dans la région de Bechar, et Adrar dans la région du Gourara, dans le Sud-Ouest du pays).

S’agissant de la production animale, celle-ci est présente partout. Néanmoins l’élevage ovin est avant tout le fait de la zone steppique qui s’étend de Nâama à l’Ouest jusqu’à Tébessa à l’Est. L’élevage bovin se localise quant à lui dans la région tellienne Est soit, en gros, entre Jijel et El Tarf.

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