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Processus d’émergence des territoires ruraux dans les pays méditerranéens : l’exemple algérien

C. L'émergence des acteurs locaux.

La notion d’émergence des acteurs locaux signifie que certains de ces derniers restés jusqu’à un certain moment passifs deviennent actifs, se mettent à agir pour atteindre tel ou tel objectif qui leur semble souhaitable du point de vue du développement du territoire dans lequel ils vivent. Le processus d'émergence des acteurs locaux dans les territoires d'Ighil Ali et Hadj Mecheri est basé plus sur les élus locaux que sur les associations formées par les membres de la société civile. Mais – nonobstant cette affirmation - on peut dire que les associations d'Ighil Ali jouent un rôle plus important dans l'affirmation et le développement du territoire que celles de Hadj Mecheri.

a. Les élus des Assemblées Populaires Communales (APC).

Le principal acteur local public dans les territoires considérés est l'assemblée populaire communale (APC) formée d'élus représentants les citoyens et renouvelables tous les cinq ans.

L'assemblée d'élus communaux comprend généralement au moins un représentant de chaque douar pour la commune de Hadj Mecheri ou de chaque village (dechra)59 pour celle d'Ighil Ali. En ce qui concerne les élus locaux, dans les deux cas étudiés, ils s'identifient très fortement aux territoires de leurs communes respectives perçus comme le berceau des ancêtres et dont les ressources naturelles sont farouchement défendues contre tout empiètement des populations voisines. Cet état de fait est encore plus perceptible dans la commune de Hadj Mecheri où la tribu des Ouled Sidi Naceur est souvent entrée en conflit avec la tribu des Ouled Yacoub (Aïn Sidi Ali) à propos de la jouissance de parcours frontaliers.

Le sentiment d'appartenance à un territoire n'est pas le fait des seuls élus communaux. On le trouve aussi chez les acteurs associatifs et économiques.

Les associations sont apparues comme acteurs locaux dans les deux communes considérées de façon relativement récente, à la libéralisation du champ politique à la fin des années quatre vingt et au début des années quatre vingt dix. Les premières associations se sont créées dans les communes de Hadj Mecheri et d’Ighil Ali à la fin des années 80 dans le cadre de la loi 85-15 du 21 juillet 1987 et du décret d’application n°88-16 du 2 février 198860

b. Les acteurs associatifs.

Les acteurs locaux associatifs sont relativement nombreux dans la commune d’Ighil Ali (cf. tableau 1 en annexe). Chacun des 15 villages que compte la commune possède son association pour la mosquée, association dite "socioculturelle" (cf. tableau 2 en annexe).

Les associations intervenant dans le territoire de la commune de Hadj Mécheri sont au nombre de sept (cf. tableau 6 en annexe) et activent dans différents domaines (Association culturelle, religieuse et agricole) Quatre associations travaillent au niveau du chef lieu de la commune, une dans l’agglomération secondaire d’Aïn Bekkay, une autre au niveau de la localité de Sidi Naceur et enfin une dernière au niveau de la localité de Keslène. Ces associations ne semblent avoir qu'une faible activité. La première association qui s’est crée dans la commune l’a été en 1990. Le degré d’émergence des acteurs associatifs locaux s’explique principalement par le contexte national, même s'il est vrai que joue aussi un facteur comme la forte cohérence ethnique (fort sentiment d'appartenance aux Ouled Sidi Naceur ou aux natifs d'Ighil Ali). D'une part, la législation a libéralisé dès la fin des années quatre vingt la création d'associations dans la même foulée que la libéralisation en matière de création de partis politiques. D'autre part, la fin de la période "socialiste" et du parti unique nécessitait la création de mécanismes et d'institutions

faisant le lien entre l'Etat, son administration et les citoyens. C'est ainsi que beaucoup d'associations ont été créées à l'initiative de l'Etat ou très fortement encouragées par celui-ci. Les enquêtes faites à Ighil Ali révèlent que plus de la moitié des associations a été créée à l'initiative

59 La tribu des Ouled Sidi Naceur - dont le territoire est la commune de Hadj Mécheri - est divisée en douars dont

chacun se dit descendant d'un même ancêtre éponyme (cf. ci-dessus).

60Cette nouvelle réforme législative va assouplir les multiples contraintes contenues dans l’ordonnance du 3

décembre 1971 particulièrement un droit de réponse motivé de l’administration dans un délai de 60 jours pour toute nouvelle création d’association ; dépassé, ce délai, elle devient officielle de fait (Art 7).

d'institutions étatiques au niveau de la daïra ou de la wilaya (direction de la culture, direction des services agricoles, direction des affaires religieuses,…). Ce type d'association se crée pour bénéficier de subventions accordées par l'Etat pour promouvoir tel ou tel type d'activité ou pour mieux contrôler certaines activités. Par exemple, dans le cas des associations de mosquée, c’est la direction des affaires religieuses de la wilaya qui invite les villageois à s’organiser en association pour prendre en considération leurs préoccupations (besoin d’imam pour leurs mosquées, rénovation d’une mosquée, …). L'administration communale est aussi à l'initiative de création d'associations dans le but d'avoir un interlocuteur unique pour chaque village.

Cependant, on notera qu'à Ighil Ali presque la moitié des associations est le fait d"initiatives privées, donc créées sans incitation de la part des administrations, qu'elles soient wilayales ou communales. Ces associations se situent dans les villages marqués par un passé historique plus ou moins prestigieux, notamment les villages de Kalaa avec ses 22 mosquées, d'El Mokhrani et de Moka, celui-ci constituant le plus grand village de la commune. Les associations enquêtées créées durant cette période concernent les activités socioculturelles.

Les missions que se donnent les associations s'analysent principalement en termes de résolution de problèmes locaux, propres à un ou deux villages donnés. L'enquête a montré que ces problèmes sont de répondre à des besoins spécifiques tels que les infrastructures de bases (bitumage de route, raccordement au réseau public d'électricité ou d'eau potable, réalisation des pistes agricoles), en matière de transport scolaire, en matière de développement agricole ou de développement d'autres activités socio-économiques, en matière de promotion des valeurs communes.

c. Les acteurs économiques.

Les acteurs économiques (entrepreneurs de travaux publics, industriels, artisans, agriculteurs, commerçants,…) ne semblent pas vouloir émerger en tant que tels ni à Hadj Mécheri ni à Ighil Ali.

Pour la commune d’ Ighil Ali, ce sont les agriculteurs (280 personnes occupées dans l'agriculture mais 1 960 propriétaires et trois exploitants agricoles individuels (EAI) sur 4 357 ha de superficie agricole utile), quelques commerces de détail (principalement des épiceries), une usine de cornets à glace (qui semble être l’acteur le plus important au niveau de la commune, par la création d’emplois permanents), un réparateur d’armes, quelques sculpteurs sur bois, cinq ateliers de couture (artisanaux), quelques ferronniers, quatre huileries d'olives (3 huileries modernes, une huilerie super-presse, 8 huileries classiques, 10 huileries traditionnelles, toutes fonctionnant saisonnièrement), des potiers, des fabricants de scourtins (pour le pressage traditionnel de l'huile d'olives). (cf : tableau 5 en annexe).

L’ensemble des acteurs économiques jugent que leur contribution dans la construction du territoire ne peut être que très modeste. Il s’agit principalement des services qu’ils rendent par le biais de l’activité économique exercée. Ou encore faire bénéficier la commune des redevances, mais redevances qui restent très faibles.

En ce qui concernant l’activité économique dans la commune de Hadj Mécheri, on a recensé trois entrepreneurs (originaires de la commune mais n’y résidant pas), 12 boutiques

d’alimentation générale, un taxiphone et un dépôt de bouteilles de gaz. On trouve aussi tout autour du chef lieu de la commune des magasins d’alimentation générale, un soudeur et un marché hebdomadaire non couvert, qui se tient chaque mercredi. On a relevé aussi l’existence d’une fabrique de parpaings de taille modeste. Elle constitue une nouvelle activité dans la commune découlant de la dynamique des projets du développement mise en œuvre par l’APC dans le cadre de promotion de l’habitat rural, la construction d’une école et la réalisation d’un centre médical, ….

Tous ces acteurs économiques n’ont qu’une faible participation en termes de développement territorial de la commune, ce qui rend encore difficile le maintient de la population dans le chef lieu. Seul le marché hebdomadaire peut jouer un rôle important en tant qu’acteur économique puisqu’il est un lieu où la population acquiert tous les produits (produits alimentaires de base, textile, fruits et légumes et animaux, …).

D. Prise en charge des activités par les acteurs locaux et notamment

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