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CHAPITRE 1 L’ÉTAT DE LA RECHERCHE

3. Études en leadership

3.5. Le leadership spirituel et la transformation organisationnelle

Margaret Benefiel, professeure à Andover Newton Theological School à Boston, entre en dialogue et se distingue du courant de pensée en leadership spirituel de deux manières bien particulières.152

D’abord, elle constate que les connaissances actuelles présentent des limites importantes et elle donne des pistes de compréhension pour les surmonter. Puis, elle propose un cadre conceptuel sur le leadership spirituel et la transformation organisationnelle. Dans un premier temps, elle relève deux limites importantes dans la littérature sur le leadership spirituel et souligne la nécessité de

149 Nawal El Saadawi (islam); Viktor Frankl (judaïsme); Paulo Freire (catholicisme); Mahatma Gandhi (hindouisme);

Helen. Keller (swedenborgisme); Karl. Marx (athéisme); Rigoberta. Menchu (dieu soleil); Kwame. Nkrumah (chrétien non confessionnel); Aung San Suu Kyi (bouddhisme); Mère Teresa (catholique romaine).

150 Sangeeta PARAMESHWAR. « Spiritual Leadership through Ego-Transcendence: Exceptional Responses to

Challenging Circumstances », The Leadership Quarterly, vol. 16, 2005, p. 689-722.

151 Sangeeta PARAMESHWAR. « Inventing Higher Purpose through Suffering: The Transformation of the

Transformational Leader », The Leadership Quarterly, vol. 17, 2006, p. 454-474.

152 Soulignons que l’auteure se différencie par ses études et ses connaissances dans le domaine de la théologie,

traiter ces défis : « 1) Responding to the growing epistemological critique of the existing empirical studies of organizational spirituality; 2) Understanding the “spiritual” aspect of “spiritual leadership” ».153 La plupart des études empiriques, selon elle, sont de nature quantitative et campée

dans une épistémologie positiviste et matérialiste. Par ailleurs, le survol des trois principales théories sur le leadership spirituel 154 amène Benefiel à observer que leurs compréhensions

théoriques de la spiritualité ont des bases peu solides :

In stark contrast, the “spiritual” aspect of each of their spiritual leadership theories wobbles on a shaky foundation. Trained as leadership scholars, these authors know well the scholarly literature on leadership. However their knowledge of the scholarly literature on spirituality (a literature almost exactly the same age as the scholarly literature on leadership) is thin, and so they easily fall into various traps: they inadvertently draw upon outdated, discredited, or shallow approaches to spirituality; they re-invent the wheel; they dip into credible theories of spirituality but they don’t fully develop them or resolve the conflict among them. While these theories are comprehensive and creative in the context of leadership studies, a more robust, up-to- date, and sophisticated understanding of spirituality is needed if theories of spiritual leadership are to stand up under scrutiny and be taken seriously in the wider academy.155

En outre, l’auteure observe une lacune importante dans les travaux de Louis W. Fry qui n’explique pas le processus de développement spirituel.156

Afin de répondre à cette première limite, Benefiel propose d’abord d’élucider le débat actuel entre les chercheurs centrés sur les études empiriques de nature quantitative et leurs critiques, en les situant à l’intérieur des paradigmes sociologiques élaborés par Burrell et Morgan.157 Pour faire le

153 Margaret BENEFIEL. « The Second Half of the Journey: Spiritual Leadership for Organizational Transformation »,

The Leadership Quarterly, vol. 16, 2005, p. 725-726.

154 L’auteure se réfère aux travaux suivants : Joseph E. SANDERS, Willie E. HOPKINS et Gary D. GEROY. « From

Transactional to Transcendental: Toward an Integrated Theory of Leadership », Journal of Leadership and Organizational Studies, vol. 9, n° 4, 2002, p. 21-31; Gilbert W. FAIRHOLM. Capturing the Heart of Leadership, Wesport, CT, Praeger, 1997, 248 p.; Gilbert W. FAIRHOLM. Perspectives on Leadership. From the Science of Management to its Spiritual Heart, Westport, CT, Praeger, 1998, 192 p.; Gilbert W. FAIRHOLM. Mastering Inner Leaderhip, Westport, CT, Praeger, 2001, 240 p.; Louis W. FRY. « Toward a Theory of Spiritual Leadership », The Leadership Quarterly, vol. 14, 2003, p. 693-727; Louis W. FRY. « Toward a Theory of Ethical and Spiritual Well- Being, and Corporate Social Responsibility through Spiritual Leadership », dans Robert A. GIACALONE et Carole L. JURKIEWICZ (Eds.), Positive Psychology in Business Ethics and Corporate Responsibility, Greenwich, CT, Information Age Publishing, 2004, p. 47-83.

155 Margaret BENEFIEL. « The second half [...] », p. 727.

156 « Fry assumes leaders’ willingness to undergo the process of spiritual transformation, but does not delineate how

this spiritual transformation occurs. » Ibid., p. 727.

157 Ces auteurs ont dégagé quatre principaux paradigmes, représentant diverses approches dans l’analyse

pont entre les deux perspectives, l’objectivité et la subjectivité, l’auteur suggère de s’inspirer des travaux de Bernard Lonergan.158 Dans le but de répondre à la deuxième limite, Benefiel fait

référence aux travaux de Daniel Helminiak qui applique les fondements philosophiques de Lonergan au domaine des sciences sociales en proposant quatre points de vue, qui transcende les limites et intègre les forces de ceux qui le précèdent.159 Ensuite, elle fait un survol de la littérature

dans le domaine de la spiritualité et relève des travaux sur le processus de développement spirituel selon différentes perspectives.160

actuel met en relief deux perspectives différentes entre les partisans de l’approche fonctionnaliste qui dominent actuellement les études sur les organisations et les tenants d’une approche interprétative. La principale distinction s’articule autour de la division sujet-objet et de la nécessité de transcender cette division. Voir Gibson BURRELL et Gareth MORGAN. Sociological Paradigms and Organisational Analysis, Hants, England, Arena, 1994 [1979]. Margaret BENEFIEL. « The Second Half [...] », p. 727-729.

158 Ce philosophe distingue quatre niveaux de conscience et d’intentionnalité, soit des actes d’expérience, de

compréhension, de réflexion et de responsabilité, qui amène l’être dans un mouvement progressif et ascendant pour accéder à la connaissance. Au lieu de séparer l’objectivité de la subjectivité, Lonergan montre comment ces deux dimensions de la réalité sont reliées, en faisant une distinction entre la subjectivité authentique et la subjectivité inauthentique. Pour Lonergan, l’objectivité est le fruit d’une subjectivité authentique. Voir Bernard LONERGAN. Insight, New York, Philosophical Library, 1957; Bernard LONERGAN. Method in Theology, New York, Herder and Herder, 1972; Bernard LORNERGAN. « Religion Knowledge », dans Fred CROWE (Ed.), A Third Collection, Mahwah, NJ, Paulist, 1985. Ibid., p. 729-730.

159 Pour les besoins de cet article, Benefiel met l’accent sur les deux premiers points de vue : 1) positiviste, « what is »;

2) philosophique, « what could be, i.e. with who humans are at best ». Helminiak s’appuie sur la notion d’authenticité de Lonergan qui caractérise le second point de vue, ce qui implique « ongoing personal commitment to openness, questioning, honesty, and good will across the board ». Helminiak cherche ainsi à enrichir et à approfondir les recherches en sciences sociales (p. 730-731). Daniel HELMINIAK, The Human Core of Spirituality, Albany, NY, SUNY, 1996; Daniel HELMINIAK. Religion and the Human Sciences, Albany, NY, SUNNY, 1998, p. 20, cité par Margaret BENEFIEL. « The Second Half [...] », p. 731.

160 La spiritualité orientale; l’intégration de la psychologie et de la foi occidentale; la théologie contemplative et la

psychologie; les travaux d’auteurs reconnus; les études interculturelles sur les mystiques, les maîtres spirituels à travers les âges. Voir Ken WILBER. The Spectrum of Consciousness, Wheaton, IL, Theological Publishing House, 1977; Ken WILBER, Jack ENGLER, et Daniel P. BROWN. Transformations of Consciousness: Conventional and Contemplative Perspectives on Development, Boston, Shambala, 1986; Jack KORNFIELD. After the Ecstasy, the Laundry, New York, Oxford University Press, 1992; James W. FOWLER. Stages of Faith [...]..; Walter E. CONN. Christian Conversion: A Developmental Interpretation of Autonomy and Surrender, Mahwah, NJ, Paulist, 1986; Mary FROHLICH. The Intersubjectivity of the Mystic, Atlanta, American Academy of Religion, 1994; Elizabeth LIEBERT. Changing Life Patterns: Adult Development in Spiritual Direction, Chalice Press, 2000; Gerald G. MAY. Will and Spirit: A Contemplative Psychology, San Francisco, Harper, 1987; Gerald G. MAY. Addiction and Grace, San Francisco, Harper, 199; Gerald G. MAY. Dark Night of the Soul, San Francisco, Harper, 2004; Evelyn UNDERHILL. Mysticism: A Study in the Nature and Development of Man’s Spiritual Consciousness, 1911; William JAMES; The Varieties of Religious Experience, New York, Modern Library, 1929; Aldous HUXLEY. The Perennial Philosophy, New York, Harper and Brothers, 1945; Steven T. KATZ (Ed.). Mysticism and Philosophical Analysis, New York, Oxford University Press, 1978; Steven T. KATZ (Ed.). Mysticism and Religious Traditions, New York, Oxford University Press, 1983; Steven T. KATZ (Ed.). Mysticism and Language, New York, Oxford University Press, 1992; J. R. PRICE. « Typologies and the Cross Cultural Analysis of Mysticism: A Critique », dans Timothy P. FALLON et Philip Boo RILEY (Eds.), Religion and Culture: Essays in Honor of Bernard Lonergan, Albany, NY, SUNY Press, 1987, p. 181-190; Janet K. RUFFING. « Introduction », dans Janet K. RUFFING (Ed.), Mysticism and Social Transformation, Syracuse, NY, Syracuse University Press, 2001, p, 1-25. En outre, elle cite des maîtres spirituels comme Moïse, Bouddha, Jésus, Rumi, Thérèse d’Avila, the Ba'al Shem Tov, Gandhi, Thich Nhat Hanh. Ibid., p. 132

Dans un second temps, Benefiel propose un cadre conceptuel sur le leadership spirituel et la transformation organisationnelle. Un principe fondé sur l’étude de la spiritualité est au centre de son modèle : « to understand that spiritual development is fundamentally discontinuous and continuing at the same time: it involves distinct stages and continual rediscovery of the spiritual core in new places ».161 Elle traite d’abord du processus de développement spirituel des leaders

avant d’illustrer, par une étude de cas, les implications pour la transformation organisationnelle. Benefiel met en perspective les cinq étapes du développement spirituel au niveau individuel et organisationnel : « 1) Awakening (fullness); 2) Transition (emptiness); 3) Recovery (fullness); 4) Dark night (emptiness); 5) Dawn (fullness) ».162 À chaque étape, la personne a des dilemmes à

surmonter pour passer à l’étape suivante. À la première étape, l’éveil, plusieurs personnes en quête de sens débutent sur le chemin spirituel suite à un sentiment d’insatisfaction dans leur vie. Cette période est associée à l’abondance dans la prière ou dans la méditation. La deuxième étape, la transition, implique un changement de perspective; il ne s’agit plus de s’attendre à recevoir des grâces mais de réaliser une transformation personnelle. C’est une période de sécheresse dans la prière ou dans la méditation. La troisième étape, la relance, est une invitation à entrer dans la profondeur de son être. Ici commence la deuxième phase du parcours nommée « the second half of the journey ». Elle explique le processus en cours : « Maturing spiritually involves embracing and letting go, embracing and letting go, time and again: of ways of prayer and meditation, of relationships, of work commitments, of community. » La quatrième étape, la nuit obscure, est une période de désolation spirituelle où Dieu semble avoir disparu. « It is a time that he learns to desire God for God’s self, not only for what God can give him. » Enfin, la cinquième étape, l’aurore, survient grâce à un abandon de soi, ce qui permet à la personne de se tourner vers un bien supérieur. « This is the point at which his ego and his very life become relativized to a higher good, and his able to fully let go. [...] Spiritual teachers sometimes refer to this letting go as “surrender.” »163

161 Ibid., p. 731.

162 Nous limitons nos propos au développement spirituel sur le plan individuel. Ibid., p. 732-735.

163 Selon l’auteure, cette dernière étape peut être vécue de manière très brève, car les leaders ont tendance à se recentrer

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