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CHAPITRE 2 LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

2. Les stratégies d’analyse des données et leurs étapes

2.3. L’analyse par théorisation émergeant de la catégorisation

2.3.1. Étape 6 : la mise en relation des catégories

Si à cette étape, la mise en relation des catégories générées à l’étape précédente est forcément commencée, il s’agit ici de la systématiser. C’est une démarche d’investigation qui cherche des liens tout autant qu’il en constate. D’ailleurs, pour Paillé, la mise en relation est l’opération la plus complexe de l’analyse car chacune des catégories possède des propriétés, répond à des conditions d’existence, et prend des formes diverses. « Or, dit-il, tous ces éléments peuvent être mis en relation. » 282. Mettre en relation pour Paillé et Mucchielli signifie, « selon le cas, postuler, isoler

ou approfondir un lien. Ce lien est parfois un élément propre du discours de l’acteur; à d’autres moments, il origine d’un essai de sens du chercheur, ou encore il est suggéré par un référent théorique d’emprunt. ».283

281 Rappelons que cette étude se limite à la mise en place d’une modélisation. Il serait intéressant de conduire

ultérieurement un travail de terrain sur la base d’expériences de participants afin d’ancrer cette théorisation.

282 Pierre PAILLÉ. « Qualitative par théorisation (analyse) », p. 210.

Tableau 2.2 Définitions, propriétés et conditions d’existence des catégories chez Thérèse Thérèse d’Avila (1515-1582) – Regroupement 1 :

Diagnostic sur la condition des femmes au Siècle d’or Expérience de rupture dans l’histoire humaine

Définition

Tournant majeur dans l’histoire de l’Europe au XVIe siècle qui ouvre la voie à une

perspective nouvelle : le passage d’une vision surnaturelle du monde où tout gravitait autour de Dieu à une nouvelle vision qui place la personne au centre de tout.

Propriétés

 Modification de la conception de la personne et ses rapports au monde pendant la période de la Renaissance (transition du Moyen Âge à l’époque moderne);  Contexte marqué par un grand nombre de bouleversements dans tous les

domaines (géographique, politique, économique, spirituel, culturel, etc.). Conditions d’existence

 Émergence d’un nouveau courant culturel européen, l’humanisme, qui apporte une nouvelle vision de la personne, de la science, de la société;

 Élaboration d’un être nouveau, caractérisé par les traits suivants : la revendication de la liberté associée à l’autonomie de l’individu; le sens critique qui commence à se développer face à l’autorité; une nouvelle conception de la science qui s’appuie sur l’expérience; et la recherche de l’intériorité.

Réforme des ordres religieux et effervescence mystique Définition

Esprit de l’époque est à la réforme et à la mystique avec l’apparition d’un humanisme chrétien.

Propriétés

 Mouvement vers l’observance et la réforme (un retour à la règle primitive initié par les franciscains) au sein des ordres religieux (jésuites, carmélites, dominicains, etc.);

 Éloignement graduel de la vision anthropologique chrétienne qui avait dominé le passé et développement de tout un courant mystique avec une vision caractéristique de l’être humain.

Conditions d’existence

 Rôle central du cardinal Cisneros dans le développement de l’humanisme et de la réforme à l’intérieur de l’Église (Université d’Alcalá, Bible polyglotte, traduction des écrits mystiques médiévaux dans une langue vernaculaire);  Période de grande déchirure spirituelle chrétienne avec l’avènement du

C’est l’étape où l’interprétation débute véritablement, ce qui suppose la comparaison des catégories de l’analyse tant au niveau disciplinaire qu’interdisciplinaire. Nous travaillons simultanément à deux niveaux : concrètement, au niveau du corpus d’un auteur et, à un deuxième niveau de questionnement, celui qui permet de postuler des liens entre les corpus de trois auteurs. Pour chacun des auteurs, nous avons systématisé la mise en relation des catégories les unes avec les autres, en trouvant des liens qui ont déjà commencé à s’imposer d’eux-mêmes lors du travail de consolidation. Notre approche du matériau empirique est d’abord traversée par une volonté de compréhension. Comprendre pour Paillé et Mucchielli, c’est « d’abord, entendre, mais c’est aussi faire du sens, accéder à l’intelligibilité du discours, des expériences et des pratiques. Ceci implique, à l’origine un discours relativement cohérent ou des événements suffisamment accessibles. »284

Mais, il y a plus. Il s’agit pour le chercheur d’accéder à l’intuition qui transcende la logique linéaire par une analyse transversale, qui permet d’être présent à ce qui émerge :

Il y a donc un temps d’écoute et un temps de l’interprétation/théorisation. Bien sûr, ces deux temps se recoupent, se chevauchent, on ne peut pas dire que l’un précède toujours l’autre. Tout chercheur de terrain a possiblement rencontré dans sa pratique la situation suivante : en comprenant la situation de nouveaux participants à son étude, le chercheur, tout à coup, comprend sous ce nouvel angle la situation des participants rencontrés auparavant. On touche ici à nouveau à l’inextricable question du jeu complexe de la « théorie » et du « réel », et de la compréhension non linéaire. Le point qui est avancé dans le présent cas est que l’articulation de liens relativement complexes entre les propositions de sens issues d’un premier examen du matériau à l’étude exige en fait un temps d’analyse qui est celui de la familiarisation avec le corpus, laquelle peut toujours réserver des surprises. Cette familiarisation, comme on l’a montrée au cours des chapitres précédents, passe par un examen proximal des transcriptions d’entretien, notes de terrain ou autres documents recueillis et consiste d’abord en une tentative de cerner ou nommer les phénomènes se présentant à l’analyste, à partir de ce que les participants à la recherche ont voulu donner à voir et entendre de leur expérience du phénomène à l’étude. À mesure que cet examen progresse, un regard plus large émerge et les phénomènes apparaissent non plus uniquement significatifs en soi mais en relation les uns avec les autres.285

C’est donc en se familiarisant avec les données de chaque auteur, que nous avons pu accéder plus intimement au sens révélé au sein des interactions. Il y d’abord un premier niveau de mise en relation qui est un exercice exploratoire. Ensuite, intervient un deuxième niveau qui débouche sur la mise en évidence de liens. Le travail se poursuit jusqu’au moment où intervient un troisième

284 Ibid., p. 377. 285 Ibid., p. 378.

niveau de mise en relation nécessitant un travail plus systématique car l’analyse se précise et que de plus en plus de liens d’imposent. « Le tableau d’ensemble se complexifiant, il devient nécessaire d’opérer plus systématiquement au niveau de la mise en relation des catégories les plus importantes. »286 C’est là que le travail de mise en relation va viser « à documenter des liens, à

compléter l’examen vertical du corpus par une analyse transversale, à déceler, dégager, expliciter le motif derrière la forme, bref à reconstruire l’événement, l’expérience, la trajectoire ».287 Il s’agit

donc ici d’œuvrer à la reconstitution d’un puzzle à partir des morceaux que le chercheur a lui-même en partie structurés. Rappelons ici l’importance de la stratégie de comparaison continue au sein du travail de théorisation. « Générer une théorisation solide et juste, cela implique de constamment chercher à comparer des incidents, des contextes, des personnes, des lieux. »288 Il s‘agit du même

coup d’exercer une vigilance accrue quant aux éléments qui tendent à converger ou à diverger. Concrètement, pour les chapitres 4 à 6 qui se concentrent sur la présentation des résultats des analyses disciplinaires de chacun de nos auteurs, nous avons procédé à un travail de mise en relation des catégories et de transposition schématique permettant de dégager des ensembles significatifs, selon trois regroupements principaux : le diagnostic, l’anthropologie et la démarche. Pour chacun des regroupements, nous avons illustré, dans un schéma la structure pyramidale, c’est-à-dire le travail de mise en relation effectué, mettant en relief la catégorie principale (le diagnostic, par exemple), des catégories d’ensemble et des formes spécifiques de ces catégories.

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