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L’entrée de Jésus à Jérusalem

La Passion et la Gloire de Jésus le Christ

A. L’entrée de Jésus à Jérusalem

Cet épisode montre que ce Jésus, qui est passé partout en faisant le bien, enseignant et guérissant, est celui qui entre à Jérusalem, accomplissant ainsi les Ecritures. Justin Martyr apporte donc une réponse à la question du rapport entre Jésus de Nazareth et le Messie, réponse qu’il donne tant aux grecs qu’aux juifs.

1. Le récit dans l’Apologie

Dans l’Apologie, ce récit est raconté dans trois chapitres1

. Les deux premiers sont dans un ensemble où l’auteur prouve, par mode de démonstration (a¹po¿deicij, cf. 1 Apol. 30-53), que Jésus le Christ est véritablement le Fils de Dieu fait homme. A partir de 1 Apol. 32, Justin Martyr rassemble les paroles prophétiques qui annoncent la venue du Messie. Dans ce contexte, pour une première fois, il cite Gn 49,10-11 qui prédit la Passion du Messie. Il « attachera, dit l’Esprit prophétique par le premier des prophètes, son poulain à une vigne

et lavera sa robe dans le sang de la grappe » (Gn 49,10-11 : 1 Apol. 32, 1 et 5). Selon la

tradition évangélique suivie par Justin Martyr, les disciples ne rapportent à leur Maître qu’un ânon : « En effet, il y avait à l’entrée d’un village un ânon attaché à une vigne (…)

Quand on le lui eut amené, il s’assit dessus et fit son entrée à Jérusalem (…) » (1 Apol. 32,6)2

. L’auteur se réfère à Luc et à Marc pour qui le pîloj(ânon) n’est pas Ônoj (âne, ânesse) et il n’y a qu’un « ânon attaché » sur lequel (œp/ aÙtÒn : Mc 11,17) le Christ fait son entrée à Jérusalem.

Il reprendra, pour une deuxième fois, cet épisode dans un ensemble consacré aux pro- phéties de la Passion et de la Crucifixion du Christ (cf. 1 Apol. 35,10-11)3

. Cependant, ici, il cite une autre prophétie et il ne semble pas suivre l’ordre des événements, tels que les évangélistes les relatent. Il atteste l’annonce de l’entrée de Jésus à Jérusalem sur un ânon : il dit que la prophétie vient de Sophonie, mais en fait il cite Zach 9,9. Néanmoins ce texte du prophète Zacharie et celui de Matthieu (cf. Mt 21,1-11), auxquels Justin Martyr fait probablement référence, se présentent autrement. En plus, il note que le Christ est monté sur un âne et sur un ânon (cf. 1 Apol. 35,10.11). Dans ce cas, il n’est pas facile de déterminer sa source: s’agit-il d’une référence directe à la prophétie de Zacharie ou alors à l’Evangile de Matthieu (Mt 21,5) ? De plus, l’auteur met l’accent sur quelques faits dont l’étude synoptique nous permettra de comprendre l’intérêt.

1 Cf. 1 Apol. 32,1.5.6 ; 35,10-11 et 54,6-7. Mais nous n’étudierons que les 1 Apol. 32 et 35 vu que 1 Apol 54 est une simple reprise.

2 Cf. 1 Apol. 32,2 ; Lc 19,30 et Mc 11,2.4 ; 1 Apol. 54,6.7 ; E.MASSAUX, 19862

, p. 502. 3 Il cite en 1 Apol. 35, 10-11, Is 9,5 ; Is 65,2 ; Ps 21,17.19.

Zach 9,9 « Ca√re sfÒdra, qÚgater Siwnfl kˇrusse, qÚgater Ierousalhmfl ≥doÝ Ð basileÚj sou ⁄rceta∂ soi, d∂kaioj kaπ sózwn aÙtÒj, praäj kaπ œpibebhkëj œpπ ØpozÚgion kaπ pîlon n◊on. »

1 Apol. 35,11 « Ca√re sfÒdra, qÚgater Sièn, kˇrusse, qÚgater Ierousalˇm ≥doÝ Ð basileÚj sou ⁄rceta∂ soi pr©oj, œpibebhkëj œpπ Ônon kaπ pîlon u≤Õn Øpozug∂ou.»

Mt 21, 5 « ∏pate tÍ qugatrπ Sièn, IdoÝ Ð basileÚj sou ⁄rceta∂ soi, praäj kaπ œpibebhkëj œpπ Ônon, kaπ œpπ pîlon u≤Õn Øpozug∂ou. »

La citation scripturaire chez l’auteur offre de nombreuses variantes par rapport à la Bible des Septante, de telle sorte qu’on peut se demander si Justin Martyr utilise une autre traduction ou s’il se réfère aux testimonia. En comparant Justin Martyr avec ses sources, il nous paraît évident que la première partie de cet épisode est empruntée à la citation de Zacharie (Zach 9,9). Zacharie et Justin Martyr ont pratiquement recours aux mêmes expressions : « Ca√re sfÒdra, qÚgater Sièn, kˇrusse, qÚgater ’Ierousalˇm· ≥doÝ Ð basileÚj sou ». Dans la deuxième partie, l’auteur se réfère à Matthieu (Mt 21,5), qu’il reprend presque littéralement : « idoÝ Ð basileÚj sou ⁄rceta∂ soi, praäj kaπ œpibebhkëj œpπ Ônon, kaπ œpπ pîlon u≤Õn Øpozug∂ou »4

. Pour expliquer ce phénomène, il faut imaginer le fait que Justin Martyr aurait commencé à citer la LXX, mais s’étant souvenu de Mt 21,5, il a fini sa citation avec ce texte5

.

Comme Matthieu (Mt 21,5), voir aussi Jean (Jn 12,15), l’Apologiste omet « d∂kaioj kaπ sózwn, juste et victorieux » du prophète Zacharie. En lieu et place, nous lisons « u≤Õn Øpozug∂ou, le petit de celle qui porte le joug ». Matthieu considère que la prophétie de Zacharie est déjà réalisée. Cette visée est essentielle pour le didascale qui reprend dans son récit une preuve scripturaire à ce qu’il a affirmé en 1 Apol. 35, 10. Il peut donc attester après le fait qu’il avait vraiment été annoncé que le Christ ferait son entrée à Jérusalem étant « monté, œpπ pîlon Ônou » sur un ânon. Justin Martyr met l’accent sur la réalisation historique : l’événement annoncé est l’accomplissement du dessein de Dieu et non un épisode dénué de signification.

Chez Matthieu, il s’agit d’une formule d’accomplissement qui appartenait à un ensemble bien défini des citations de l’Ancien Testament6

. Celles-ci ont été probablement élaborées

4 Charles Munier a corrigé la citation de Zacharie. Voir P.PRIGENT 1964, p. 283. Mais O.SKARSAUNE, 1987, p. 74, note 112 écrit « œpπ pîlon Ônon u≤ÕnØpozug∂ou » en se référant à la paraphrase de cette citation de Zacharie faite par Justin Martyr. Il note en 1 Apol. 35,10 : « katasqhsÒmenoj œpπ pîlon Ônon ».

5 Cf. E.MASSAUX, 19862

, p. 497. Pour W.BOUSSET, 18912

, p. 34ss, le texte de la LXX chez Justin Martyr a été assimilé à la version occidentale de Mt 21,5 par un scribe tardif. Reprenant cette question, P. PRIGENT, 1964, p. 284 pense que « l’hypothèse de Bousset semble donc juste : un scribe a bien essayé d’harmoniser la citation en 1 Apol. 35,11 avec le texte tardif de Matthieu, mais il n’a pas eu l’intelligence ou l’attention de modifier en conséquence l’allusion précédente ».

6 Sur les « Formula Quotations », voir R.H.GUNDRY, 1967, The Use of the OT in St Matthew’s Gospel : with

Special Reference to the Messianic Hope, Leiden ; G.M.SOARES PRABHU, 1976, The Formula Quotations in

the Infancy Narrative of Matthew, Rome (Analecta Biblica, 63), p. 24-26. Ces citations d’accomplissement représentent toutes une forme substantielle identique : « afin que soit accompli ce qui a été dit par le prophète ». Voir Mt 1,22s ; 2,5s.15.17s.23 ; 3,3 ; 4,14s ; 8,17 ; 12, 17-21 ; 13,14s.35 ; 21,4s, 26,56 et 27,9s.35.

« Exulte de joie, fille de

Sion ; publie-le à haute voix, fille de Jérusalem. Voici ton roi qui vient à toi ; il est juste et sauveur, doux, monté sur une bête portant le joug et sur un ânon, tout jeune ».

« Exulte de joie, fille de

Sion ; publie-le à haute voix, fille de Jérusalem. Voici ton roi qui vient à toi, doux, monté sur un âne et sur un ânon, le petit de celle qui porte le joug ».

« Dites à la fille de Sion :

Voici que ton roi vient à toi, doux et monté sur un âne et sur un ânon, le petit de celle qui porte le joug ».

par des « scribes chrétiens » dans le milieu que Matthieu côtoyait. Donc, la tradition littéraire, à laquelle se réfère Justin Martyr, aurait déjà contenu une contamination de Zacharie (et non de Sophonie7

) et de Matthieu. Cependant, malgré cette fausse attribu- tion, la combinaison des deux passages n’est pas le fruit d’un hasard. On lit chez Sophonie pratiquement la même idée : « Ca√re sfÒdra, qÚgater Sièn kˇrusse, qÚgater ’Ierousalˇm,

Crie de joie, fille de Sion, pousse des acclamations, Jérusalem, réjouis-toi, ris de tout ton cœur, fille de Jérusalem » (Soph 3,14).

Vu la proximité littéraire de ces deux citations (Soph 3,14 et Zach 9,9), il est bien possible qu’elles aient, soutient encore Pierre Prigent, « circulé dans le christianisme primi- tif, dit Pierre Prigent, étroitement unies au point de réagir l’une sur l’autre. En consé- quence, quand on trouve en 1 Apol 35 la citation de Zacharie attribuée à Sophonie, il faut supposer que Justin Martyr s’inspire d’un document qui citait les deux textes ». C’est que, continue Pierre Prigent, « l’erreur est intervenue au stade de la rédaction de la première

Apologie : Justin saute de la première formule introductive à la deuxième citation »8

. En d’autres termes, l’Apologiste a utilisé un document qui cite Sophonie et Zacharie et, après avoir écrit la formule introductive à Sophonie, il a sauté à la citation de Zacharie qui commençait de la même manière (un saut du même au même).

Bien plus, la suite de Soph 3,14 pouvait bien être interprétée christologiquement : elle annonce une intervention rédemptrice de Dieu, et que « le roi d’Israël, le Seigneur sera

au milieu de toi ». En rapportant l’épisode de l’entrée messianique, l’auteur veut que ses

lecteurs accueillent le Christ comme celui qui vient accomplir les prophéties et les pro- messes. Il n’est pas impossible qu’il y ait, derrière « l’Adventus Christi », une comparaison avec l’entrée triomphale de l’empereur. Ecrivant à Rome, il pouvait être informé de l’avè- nement impérial qui peut aider ses lecteurs à comprendre l’entrée de Jésus à Jérusalem.

2. Le récit dans le Dialogue avec Tryphon

Justin Martyr fait précéder la citation qui fonde scripturairement l’entrée de Jésus à Jérusalem par une paraphrase sur l’ânesse et l’ânon. « C’est bien en réalité une ânesse, avec

son ânon, attachée à quelque accès du village appelé Bethphagé que notre Seigneur Jésus le Christ, sur le point de pénétrer dans Jérusalem, ordonna à ses disciples de lui amener pour faire son entrée, sur elle, à Jérusalem » (Dial. 53,2). Il rapporte ce récit deux fois dans le Dialogue avec Tryphon (cf. Dial. 53,3 et 88,6). L’Apologiste auteur restitue correctement

la prophétie à Zacharie, l’un des douze : « Or il avait été prophétisé par Zacharie, l’un des

douze, qu’il devait en advenir ainsi (…) » (Dial. 53,3a).

7 Quelques autres fausses attributions : Jérémie pour Daniel (1 Apol. 51,8 mais correctement donné en Dial. 76,1) ; Isaïe pour Jérémie (1 Apol. 53,10) ; Jérémie pour Isaïe (Dial. 12,2) ; Osée pour Zacharie (Dial. 14,8) ; Zacharie pour Malachie (Dial. 49,2) ; Isaïe pour le livre des Nombres (1 Apol. 32,2). Elles proviennent sans doute des Testimonia.

Ici, Justin Martyr ne reproduit plus Matthieu comme il le fait dans l’Apologie (cf. 1 Apol. 35,11) et présente la prophétie sous une autre forme. La deuxième partie de la prophétie unit l’annonce et la réalité historique. Remarquons que dans cette partie, contrairement à Zacharie, Matthieu et 1 Apol. 35,11b qui ont « eÃrxetai » au présent, Justin Martyr a « hÀcei » au futur. Aussi « ptwxo/j », absent de Zacharie, Matthieu et 1 Apol. 35,11b, est attesté chez l’auteur ; « di¿kaioj » est absent de 1 Apol. 35,11 et de Mt. Par ailleurs, cette prophétie chez Justin Martyr contient des traits matthéens. Par exemple, l’auteur présente le roi monté à la fois sur une ânesse attachée et sur un âne (œp£nw aÙtîn : Mt 21,2). Il connaît Zach 9,9 indépendamment de Mt qu’il cite probablement à partir des Testimonia9.

Lorsque Justin Martyr dit que le Seigneur est entré à Jérusalem « œpibebhkëj œpπ ØpozÚgion kaπpîlonÔnou, monté sur une bête portant le joug et sur l’ânon d’une ânesse » (Dial. 53,3b)10, nous retrouvons les deux bêtes déjà présentes dans la citation scripturaire du livre de la Genèse, où il est écrit : « (…) desmeÚwn prÕj ¥mpelon tÕn pîlon aÙtoà kaπ tÍ Ÿliki tÕnpîlontÁjÔnouaÙtoà,Lui qui attache son ânon à la vigne et au cep le petit de

son ânesse (…) » (Gn 49, 11a) 11. Le récit de Justin Martyr est donc propablement fait

d’une contamination de Gn 49,11a avec Matthieu, qui précise d’ailleurs que cela « avait

9 Cf. D.BARTHÉLEMY, 1963, Les Devanciers d’Aquila, p. 211 ; O.SKARSAUNE, 1987, p. 76.

10 Voir Jn 12,15 : « M¾ foboà, qug£thr Sièn· ≥doÝ Ð basileÚj sou ⁄rcetai, kaqˇmenoj œpπpîlon Ônou, Ne crains pas, fille de Sion : voici ton roi qui vient, il est monté sur le petit d’une ânesse (littéralement « un ânon d’une ânesse ») ». 11 Cf. Dial. 53,2 ; Gn 49,11 ; Mt 21,1ss ; Mc 11,1ss ; Lc 19,28ss ; E.MASSAUX, 19862

, p. 521. Zach 9,9 « XaiÍre sfo/dra,

qu/gater Siwn : kh/russe, qu/gater Ierousalhm : i¹dou\ o( basileu/j sou eÃrxetai¿ soi, di¿kaioj kaiì s%¯zwn au)to/j, prau\+j kaiì e)pibebhkwÜj e)piì u(pozu/gion kaiì pw½lon ne/on ».

Dial. 53,3 « XaiÍre sfo/dra, qu/gater Siw¯n, a)la/lacon, kh/russe, qu/gater ¹Ierousalh/m : i¹dou\ o( basileu/j sou hÀcei soi di¿kaioj kaiì sw¯zwn au)to\j kaiì prau\+j kaiì ptwxo/j, e)pibebhkwÜj e)piì u(pozu/gion kaiì pw½lon oÃnou».

Mt 21,5 « Eiãpate tv= qugatriì Siw¯n, ¹Idou\ o( basileu/j sou eÃrxetai¿ soi, prau\+j kaiì e)pibebhkwÜj e)piì oÃnon, kaiì e)piì pw½lon ui¸o\n u(pozugi¿ou ».

« Exulte de joie, fille de

Sion ; publie-le à haute voix, fille de Jérusalem. Voici ton roi qui vient à toi ; il est juste et sauveur, doux, monté sur une bête portant le joug et sur un ânon, tout jeune».

« Exulte de joie, fille de

Sion, crie, publie-le à haute voix, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi viendra à toi. Il est

juste et sauveur, doux et humble, monté sur une

bête portant le joug et sur l’ânon d’une ânesse ».

« Dites à la fille de Sion :

Voici que ton roi vient à toi, doux et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit de celle qui porte le joug ».

été dit par le prophète » (Mt 21,5)12

. Son souci évident et constant est d’adapter les Ecri- tures au fait et le fait aux Ecritures. Il utilise ce testimonium, comme chez Matthieu, dans le contexte où il est précisément question de l’ânon (pîloj) attaché à une vigne afin de montrer l’accomplissement de la prophétie. Il est donc possible de conclure à la dépendance littéraire de Justin Martyr par rapport à Matthieu.

Face aux Juifs, Justin Martyr insiste sur les deux bêtes, parce qu’il perçoit une signifi- cation figurative. En évoquant à la fois l’ânon et l’ânesse, Justin Martyr développe une symbolique originale : les deux animaux étaient « une prédiction de ceux de votre Synagogue,

avec ceux des nations qui devaient croire en lui » (Dial. 53,4). Il met ainsi l’accent sur l’appel

universel à la conversion et à la croyance au Christ. Justin Martyr reprend le même motif afin de montrer que ce qui était annoncé est aujourd’hui réalisé. L’entrée de Jésus à Jérusalem offre donc aux hommes un signe de reconnaissance d’après lequel ce Jésus était le Christ. C’est ce que Justin Martyr affirme : « Quant à son entrée sur un âne à

Jérusalem – qui, nous l’avons montré, avait été prophétisée – elle n’a pas non plus réalisé en lui la Puissance d’être Christ, mais elle offrait aux hommes un signe de reconnaissance [manifestant] qu’il était bien le Christ ; de la même façon qu’il fallait qu’au temps de Jean un signe de reconnaissance fût donné aux hommes, afin qu’ils reconnussent la personne du Christ » (Dial. 88,6 ; cf. 53,3 ; 69,2).

Au fond, ce que l’auteur a en vue est de montrer que les Ecritures et les faits attestent la messianité de Jésus. Mais son récit présente quelques variantes par rapport à ses sources littéraires. Jérusalem comme lieu de manifestation de cette gloire s’explique par le fait que « Dieu ne permet pas que l’agneau de la Pâque soit immolé ailleurs que dans le lieu où

son nom est invoqué » (Dial. 40,2). Ainsi Pierre Prigent peut-il écrire : « la Pâque ne doit

être immolée qu’à Jérusalem le soir au coucher du soleil (Dt 16,5-6) »13

. Mais quel est le rapport entre le récit de l’Apologie et celui du Dialogue avec Tryphon ? Pour nous en rendre compte, il est nécessaire de rapprocher, sur ce point, les deux ouvrages.

1 Apol. 35,11 « Ca√re sfÒdra, qÚgater Sièn, kˇrusse, qÚgater ’Ierousalˇm ≥doÝ Ð basileÚj sou ⁄rceta∂ soi pr©oj, œpibebhkëj œpπ Ônon kaπ pîlon u≤Õn Øpozug∂ou».

Dial. 53,3 « XaiÍre sfo/dra, qu/gater Siw¯n, a)la/lacon, kh/russe, qu/gater ¹Ierousalh/m : i¹dou\ o( basileu/j sou hÀcei soi di¿kaioj kaiì sw¯zwn au)to\j kaiì prau\+j kaiì ptwxo/j,

e)pibebhkwÜj e)piì u(pozu/gion kaiì pw½lon oÃnou’ ». « Exulte de joie, fille de Sion ; publie-le

à haute voix, fille de Jérusalem. Voici ton roi qui vient à toi, doux, monté sur un âne et sur un ânon, le petit de celle qui porte le joug ».

« Exulte de joie, fille de Sion, crie, publie-le à

haute voix, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi viendra à toi. Il est juste et sauveur, doux et humble, monté sur une bête portant le joug et sur l’ânon d’une ânesse ».

12 Cf. Jn 12,13.15 ; M.MARCOVICH, 1994, p. 19. Les Oracles sibyllins proclament : « Réjouis-toi, sainte Fille de Sion, toi qui a souffert tant de maux ! Ton roi lui-même, montant sur un ânon, fait son entrée. Plein de mansuétude il viendra pour lever le joug accablant de notre esclavage, qui pèse sur notre nuque, et pour abolir

les lois impies et les liens contraignants » (Or. sib., VIII, 324-328 ; J.-M.ROESSLI, 2005).

Les deux passages insistent et présentent cet événement comme signe manifeste de la messianité de Jésus, car les Ecritures sont accomplies par cet épisode. Mais il y a des diffé- rences. Au niveau du contexte : dans l’Apologie, cette citation fait partie de prophéties diverses sur quelques événements de la vie terrestre de Jésus condensée dans le chapitre 35 de l’Apologie où il est question de la vie cachée de Jésus, annoncée par Isaïe (cf. Is 9,5) ; dès le début, ses souffrances sont prédites selon le même prophète (cf. Is 65,2 ; 58,2) ; sa Crucifixion (cf. Ps 21,17.19) ; le tirage au sort de ses vêtements (cf. Ps 21,17).

Tandis que dans l’Apologie Justin Martyr parle de la venue du roi comme imminente, « le roi vient », dans le Dialogue cet événement est à venir, « le roi viendra ». Certains autres éléments mis en évidence sont aussi différents : dans l’Apologie, et non dans la citation de Zacharie, il est question d’une seule bête (cf. 1 Apol 35,10) ; dans le Dialogue avec

Tryphon, nous sommes en présence des deux bêtes, l’ânesse et l’ânon.

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