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Autres traditions littéraires chrétiennes

Les Mémoires des Apôtres et de leurs disciples

B. Autres traditions littéraires chrétiennes

Justin Martyr rapporte certaines traditions sur Jésus qui ne figurent pas dans les Evan- giles dits actuellement ‹canoniques›130

. Ne peut-on pas émettre l’hypothèse qu’il s’est référé à d’autres écrits qui ne seront pas retenus dans la liste officielle de la grande Eglise ? Les ouvrages regroupés dans cette catégorie sont tous, devenus apocryphes. Leur utilisation par Justin Martyr ne fait pas l’unanimité131

. Plusieurs index scripturaires des éditions critiques suggèrent que Justin Martyr a fait des emprunts à l’Evangile de Pierre, au

Protévangile de Jacques, à l’Histoire de l’Enfance de Jésus ; son œuvre contient des agrapha

et des pr£gmata extra-évangéliques relatifs à Jésus.

1. L’Evangile de Pierre

Suite à la découverte et à la publication des fragments importants de l’Evangile de Pierre132

, les commentateurs ont rapproché quelques passages de Justin Martyr à ceux de l’Evangile

de Pierre (composé principalement des récits de la Passion et de la Résurrection). Ces

allusions concernent une période de la vie terrestre du Christ, à savoir sa Passion133

. Mais

128 Cf. Dial. 32,2 ; 118,1 : Apoc 1,7 ; Dial. 105,5 : Apoc 12,9 ; 20,2 ; 1 Apol. 28,1 : Apoc 20,2 ; Dial. 81,4 : Apoc 20,4-6 ; Dial. 45,4 : Apoc 21,4 ; voir W.A.SHOTWELL, 1965, p. 62.

129 Voir W.A.SHOTWELL, 1965, p. 62 pense que Justin Martyr cite ici le livre de l’Apocalypse. Dans le même sens, E.F.OSBORN, 1973, p. 137 affirme que c’est le seul livre auquel Justin Martyr se réfère ; aussi F.-M. BRAUN, 1959, p. 139. Justin Martyr connaît non seulement cette révélation qui fut faite à Jean mais aussi l’Apocalypse sous la forme d’une œuvre littéraire, un livre.

130 Par exemple, la naissance de Jésus dans la Grotte (Dial. 78,5), le feu sur le Jourdain au moment du baptême de Jésus (Dial. 88,3), l’origine des Mages venus d’Arabie. Sur les traditions et expressions extrabibliques présentes chez Justin Martyr, cf. A.WARTELLE, 1987, p. 48ss.

131 Pour Eric Francis Osborn, il n’y a aucune évidence que Justin Martyr ait connu et utilisé un Evangile devenu aujourd’hui apocryphe. Cf. E.F.OSBORN, 1973, Justin Martyr, p. 129-130.

132 Cf. R.E.BROWN, 2005, La mort du Messie. Encyclopédie de la Passion du Christ. De Gethsémani au tombeau. Un commentaire des récits de la Passion dans les quatre Evangiles. Annexe I, p. 1446-1484 en particulier p. 1474, note 42. Pour les dernières éditions, voir M.G.MARA (éd.), 2003, Il vangelo di Pietro. Introduzione, versione, commento, Bologna et T.J.KRAUS und T.NICKLAS (hrsg), 2004, Das Petrus- evangelium und die Petrusapokalypse. Die griechischen Fragmente mit deutscher und englischer Über- setzung (Neutestamentliche Apokryphen I), Berlin-New York (GCS,2).

133 M.G.MARA (éd.), 1973, (réimpr. 2006), p. 12 (note 35) signale quelques affinités entre l’Evangile de Pierre et Justin Martyr : 1 Apol. 35,6 et EvPi 6 et 7 ; 1 Apol. 40,6 et Ev Pi 1-5 ; 1 Apol. 50,12 et Ev Pi 26,27 et 59 ; Dial. 93,3 et Ev Pi 12 ; Dial. 108,2 et Ev Pi 21. Voir L. VAGANAY (éd.), 19302

, p. 150-161 ; PH. BOBICHON, 2003, p. 1087 ; R.E.BROWN, 2005, p. 1474.

parmi celles-ci, une seule mérite vraiment de retenir notre attention pour l’instant : il s’agit de cette anecdote que Justin Martyr rapporte sur les souffrances du Christ et que nous lisons aussi chez l’auteur de l’Evangile de Pierre :

Tandis que Justin Martyr se réfère au prophète, l’auteur de l’Evangile de Pierre ne cite pas sa source mais considère cet élément comme un élément du tableau qu’il est en train de peindre. Toutefois, les deux donnent le même point de vue et la notion de jugement les rapproche sous deux expressions : « e)ka/qisan » et « kriÍnon ou kriÍne ». Elles décrivent le traitement infligé à Jésus. Mais dans ce parallélisme, il est possible que les deux auteurs se réfèrent à un testimonium134, au Ps 21 et chacun a son interprétation ou sa propre lecture. Il n’est donc pas clair que Justin Martyr dépende ici de l’Evangile de Pierre.

De même, les expressions de Justin Martyr (diasu/rontej, se moquer, tourner en dérision,

malmener) et de l’Evangile de Pierre (su/rwmen, tirer, traîner) présentent des tableaux

différents. L’auteur de l’Evangile de Pierre a mal compris « diasu/rontej », pourtant appro- prié aux outrages de la flagellation, et l’a interprété au sens de « traîner ». Mais la leçon de Justin Martyr décrit vraisemblablement la situation.

Autre constatation. La coalition, soulignée par Justin Martyr (cf. 1 Apol. 40, 6), entre les Juifs, Hérode et Pilate, tous ligués contre Jésus, se lisait déjà dans l’Evangile de Pierre (cf. Ev. Pi 1,1-2 ; 2,3-5). Aussi le partage des habits de Jésus et le tirage au sort de son vêtement par le lancement des dés (cf. Dial. 97,3) sont rapportés par l’auteur de l’Evangile

de Pierre. Toutefois, le récit de ce dernier est différent de Justin Martyr. Il part de deux

opérations : d’abord on fit des tas de vêtements et ensuite on les tira au sort : « Et après

avoir déposé ses vêtements devant lui, ils en firent des parts et les tirèrent au sort » (Ev. Pi 4,12).

Tandis que Justin Martyr présuppose que les soldats choisissent chacun un ou des vête- ments, puis ils se les attribuent en tirant au sort. Nous sommes en face d’une autre représentation. Ici encore, il faut admettre une dépendance commune des deux auteurs envers un testimonium (cf. Ps 21, 17-19).

134 Cf. F.-M.BRAUN, 1959, p. 141-142. 1 Apol. 35,6 « (…) kaiì ga/r, w¨j eiåpen o( profh/thj, diasu/rontej au)to\n e)ka/qisan e)piì bh/matoj kaiì eiåpon : KriÍnon h(miÍn ».

Ev. Pi 3,6-7 « (…) Su/rwmen to\n ui¸o\n tou= Qeou= e)cousi¿an au)tou= e)sxhko/tej (Kaiì porfu/ran au)to\n perie/balon kaiì e)ka/qisan au)to\n e)piì kaqe/dran kri¿sewj le/gontej : Dikai¿wj kriÍne, basileu= tou= ¹Israh/l. ».

« En effet, comme l’avait annoncé le prophète, pour le tourner en dérision, ils le firent asseoir sur un trône, et lui dirent : ‹Juge-nous ».

« (…) Traînons le fils de Dieu, puisque nous le tenons à notre pouvoir. Et ils le revêtirent de pourpre et le firent asseoir

sur un trône de jugement en disant :

L’Evangile de Pierre partage avec Justin Martyr les données sur la descente de Jésus de

la Croix : ils décrivent comment les clous furent arrachés des mains du Seigneur135

. Mais, il n’est pas clair qu’on puisse affirmer une dépendance de Justin Martyr à l’égard de l’Evangile de Pierre.

2. Le Protévangile de Jacques

Parmi les faits de la vie terrestre de Jésus, Justin Martyr rapporte la naissance de l’enfant dans une grotte. On l’a souvent mise en parallèle avec ce que nous lisons dans le

Protévangile de Jacques136

.

Justin Martyr s’est-il inspiré de ce récit du Protévangile ? A part la seule mention de la

grotte, rien ne permet de dire que Justin Martyr se réfère au Protévangile de Jacques. Les

deux auteurs se réfèrent à une tradition chrétienne, peut-être orale, qui est répandue. Ce passage de Justin Martyr renvoie aussi à l’histoire de la visite des Mages et du nouveau-né, racontée dans les Evangiles de Matthieu « Jésus étant né à Bethléem de Judée (…). Entrant

dans la maison, ils (les mages) virent l’enfant avec Marie, sa mère (…) » (Mt 2, 1.11) et de

Luc « Or, pendant qu’ils étaient là, (…) ; elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota

et le déposa dans une mangeoire (…) » (Lc 2,6-7).

Ici non plus, aucun terme caractéristique à chacun de ces deux auteurs ne se retrouve dans le texte de l’Apologiste. Remarquons que chez Luc, Jésus est né dans une mangeoire (Lc 2,7) alors que, dans le Protévangile de Jacques, celle-ci servira à cacher Jésus pour le

135 A.WARTELLE, 1987, p. 49 (qui se réfère à A.VON HARNACK, 1893) et M.G.MARA (éd.), 2006, Intro- duction à l’Evangile de Pierre, Paris (SC, 201), p. 22-23, rapprochent 1 Apol. 50,12 de Ev. Pi 7, 26-27 ; 14, 59, Dial. 106-107 de Ev. Pi 6, 21 ; PH.BOBICHON, 2003, p. 471 met en parallèle Dial. 106,1 et Ev. Pi 7, 26. Par contre, L.VAGANAY (éd.), 19302

, p. 150-161 n’admet aucun contact entre les deux auteurs.

136 Voir les deux études d’E.DE STRYCKER, 1961, La forme la plus ancienne du Protévangile de Jacques, Bruxelles (Subsidia Hagiographica, 33) ; IDEM, 1964, « Le Protévangile de Jacques : Problèmes critiques et exégétiques », SE III (= TU 88), p. 339-359. La traduction adoptée ici est celle d’A.FREY, 1997, p. 98. Dial. 78,5 « gennhqe/ntoj de\ to/te tou=

paidi¿ou e)n Bhqlee/m, e)peidh\ ¹Iwsh\f ou)k eiåxen e)n tv= kw¯mv e)kei¿nv pou katalu=sai, e)n sphlai¿% tiniì su/negguj th=j kw¯mhj kate/luse».

Protév. Jac 18,1 « Kaiì euÂren e)keiÍ sph/laion kaiì ei¹sh/gagen au)th\n kaiì pare/sthsen au)tv=[n] tou\j ui¸ou\j au)tou= kaiì e)ch=lqen zhth=sai maiÍan ¸Ebrai¿an e)n xw¯r# Bhqlee/m».

« L’enfant était alors né à Bethléem ; comme Joseph n’avait pas où loger en ce village, c’est dans une ‹grotte› toute proche du village qu’il s’installa (…) ».

« Et il trouva là une grotte, l’y introduit, mit près d’elle ses fils et sortit chercher une sage-femme juive dans la région de Bethléem ».

soustraire des mains des assassins envoyés par Hérode (cf. Protév. Jac 22,2). Ce détail non canonique de la grotte se rencontre ici pour la première fois dans la littérature chré- tienne et ce texte serait probablement un ajout137

.

Le début du passage de Justin Martyr, la naissance de Jésus à Bethléem, correspond à Mt 2,1 alors que la naissance de l’enfant dans une grotte suit Lc 2,6-7. Justin Martyr a harmonisé Mt et Lc auxquels il a ajouté une donnée traditionnelle. Cette combinaison caractérise aussi le Protévangile de Jacques qui est fait de pièces juxtaposées et réinterprète les « premiers chapitres des Evangiles de Matthieu et de Luc »138

. Cette mention de grotte présente chez les deux auteurs a pu appartenir à une tradition antérieure. Elle peut aussi être une tradition ou une interprétation qui avait cours à leur époque car l’auteur du

Protévangile puise sa matière à la fois aux Ecritures et aux traditions139

.

3. Histoire de l’enfance de Jésus

Pour Justin Martyr, Jésus était vu comme un charpentier car, « tandis qu’il était parmi les

hommes, il fabriquait ces ouvrages des charpentiers, des charrues et des jougs, enseignant à la fois par là les symboles de la justice et une vie active (…) » (Dial. 88,8). Justin Martyr se

réfère-t-il ici à Lc 9,62 et Mt 11,29-3 ? Un passage de l’histoire de l’enfance de Jésus (13,1)140

rapporte un pareil fait. Justin Martyr s’en est-il réellement inspiré ? Dans l’état actuel du texte, il y a très peu ou pas de contact.

4. Les agrapha et les faits extra-évangéliques de Jésus

Le Dialogue avec Tryphon a conservé deux paroles (cf. Dial. 35,3 et 47,6) que son auteur attribue à Jésus. La caractéristique singulière de celles-ci est qu’elles ne se lisent pas dans

les Evangiles canonisés.

(1) La première parole, sur laquelle nous reviendrons plus loin, « Jésus a dit : ‹Il y aura

des schismes et des hérésies » (Dial. 35,3) est généralement considérée comme une construc-

tion personnelle de Justin Martyr sur la base de 1 Co 11,18-19 et des prédictions de Jésus dans l’Evangile de Matthieu (Mt 10,35 ; Mt 24,23)141

. En rapport avec Matthieu, Justin Martyr tient compte du fait que la rupture des liens familiaux définit la période

137 Les témoins de cette donnée traditionnelle, en dehors des Evangiles apocryphes (Protév. Jac 17,3s), sont entre autres CLÉMENT d’Alexandrie, Stromates VII, 93,7 (SC, 428) ; ORIGÈNE, Contra Celsum, I, 51 (SC, 132) ; IDEM, Commentaire à Matthieu (Mt 10,17) (SC, 162) et JÉRÔME, Epistula LVII, 3 : Ad Paulinum (CSEL, 54, 532).

138 A.FREY, 1997, p. 75.

139 Autres passages de l’Apologiste rapprochés de cet Evangile apocryphe: 1 Apol. 33 et Protév. de Jac. 23-24 ; Dial. 100, 5-6 et Protév. de Jac. 11-12.

140 Ce bref recueil est constitué principalement des épisodes de Jésus âgé de cinq à douze ans. Cf. S.J.VOICU, 1997, « Histoire de l’enfance de Jésus », 1997, dans F.BOVON et P.GEOLTRAIN (éd.), 1997, Ecrits apocryphes chrétiens, Vol. I, p 191. On a souvent confondu cette Histoire avec l’Evangile selon Thomas, écrit gnostique retrouvé à Nag Hammadi, portant sur les Sentences de Jésus. Ce dernier n’a rien à voir avec notre récit qui raconte « les choses concernant l’enfance du Seigneur Jésus (paidika£ tou¤ Kuri¯ou I)hsou¤) ». Voir S. J. VOICU, 1998, « Dei ‹paidika£ tou¤ Kuri¯ou I)hsou¤› Racconti dell’infanzia del Signore Gesù », Apocrypha 9 (1998), p. 7-85.

141 Cf. G.ARCHAMBAULT, 1909, Justin. Dialogue avec Tryphon, T. 1, p. 156-157 ; E.MASSAUX, 19862

, p. 516. Voir maintenant le commentaire de ces textes dans M.PESCE, 2004, Le parole dimenticate di Gesù, Milano.

de terreur qui précède l’ère du salut. Selon Matthieu, Jésus a annoncé le déchirement des liens les plus intimes en ces termes : « Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille

de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemi les gens de sa maison »

(Mt 10,35). Ainsi, en fonction de l’expérience tumultueuse de l’Eglise de son temps, Justin Martyr construit cette phrase sur le modèle des conflits familiaux. Mais elle peut aussi être une construction sur le modèle d’une sentence de sagesse issue de 1 Co 11,18s qu’on aurait mise dans la bouche du Christ. S’agirait-il d’une formule de l’apocalyptique juive tardive attribuée par erreur à Jésus ?142

Il est vraisemblable que 1 Co 11, 18-19 présuppose déjà cette maxime, mais pas forcément comme Parole de Jésus.

Cette parole a par ailleurs deux autres témoins indépendants : la Didascalie syriaque et l’auteur des Homélies Pseudo-clémentines143

. C’est un indice de l’ancienneté de la tradi- tion annonçant les fractions et les divisions. Ces prédictions n’ont rien de spécifiquement chrétien mais elles ont la forme d’autres paroles apocalyptiques du Nouveau Testament concernant les signes avant-coureurs de la fin des temps. Justin Martyr met en garde contre les faux prophètes en référence à Mt 24,5 et à Mt 7,15 avant de citer l’agraphon. Car, affirme Joachim Jérémias, « les faux prophètes trouvent foi, font des adhérents dans la communauté de Jésus »144

.

(2) La deuxième parole inconnue des évangélistes, et que Justin Martyr rapporte, concerne l’exhortation des fidèles à être prêts le jour de sa parousie. A ce sujet, « Jésus a

dit : ‹dans l’état où je vous surprendrai, je vous jugerai » (Dial. 47,6). Dans la littérature

chrétienne primitive, cette parole est tantôt attribuée à Dieu, tantôt au Christ tantôt encore aux anges ou encore au prophète Ezéchiel145

. Justin Martyr, Cyprien et le Liber Graduum syriaque l’attribuent expressément à Jésus. Cette tradition, dont Justin Martyr est le témoin le plus ancien, est à rapprocher des paroles et des paraboles des Evangiles sur l’imminence de la catastrophe finale. Ce discours apocalyptique met l’accent soit sur la soudaineté de la crise qui vient, soit sur les signes avant-coureurs. La parole que l’auteur cite et qu’il attribue au Christ appartient au premier cas. Ainsi, comme le dernier jour surviendra à l’improviste, « tout l’accent est mis sur l’état où chacun sera trouvé, état qui déterminera sa destinée définitive »146

. Comme la parabole des vierges, cette parole n’est qu’une exhortation à être prêts. Ces propos constituent, aux yeux d’André Wartelle, « la contribution la plus importante de Justin à la tradition extra-canonique »147

.

142 Cf.J.JEREMIAS, 1970, p. 76.

143 La Didascalie syriaque VI, 5,2 voir D. GIBSON, 1903, The Didascalia Apostolorum in Syriac. Horae Semilicae I, p. 178 ; F.X.FUNK, 1905, Didascalia et Constitutionnes Apostolorum I, p. 310, note 4 ; et Les Homélies Pseudo-clémentines, II, 17,4, et XVI, 21,4 où l’auteur signale que le Seigneur, le vrai prophète, a annoncé des fractions. Voir la traduction et annotations de M.-A.CALVET, D.CÔTE, P.GEOLTRAIN, A. LE BOULLUEC et ALII, 2005, dans P.GEOLTRAIN et J.-D.KAESTLI (éd.), 2005, Ecrits apocryphes chrétiens, Vol. II, p. 1259 et 1512.

144 J.JEREMIAS, 1970, p. 77.

145 Clément d’Alexandrie ou son école comprenait « notre logion comme une parole de Dieu (…) tandis que ceux qui sont venus après lui l’attribuent au prophète Ezéchiel ». J.JEREMIAS, 1970, p. 85.

146 J.JEREMIAS, 1970, p. 87 ; au sujet de cet agraphon, voir A.J.BELLINZONI, 1963, « The Source of the Agraphon in Justin’s Dialogue with Trypho 47,5 », VigChr 17(1963), p. 65-70.

Justin Martyr rapporte encore quelques faits (pr£gmata) qui, selon lui, sont accomplis par Jésus mais non repris dans les Evangiles devenus canoniques. Par exemple le renvoi à ¢pografˇ ou aux « registres du recensement » qui a eu lieu sous Quirinius (cf. 1 Apol. 34,1-2) et le renvoi aux « Actes de la Procuratèle de Ponce Pilate »148

; l’origine de Joseph dit « de

Bethléem » situé « à trente-cinq stades de Jérusalem »149

et des Mages venus d’Arabie (cf. Dial. 78,5) ; Jésus de la première Parousie décrit « sans gloire, sans beauté »150

et accusé par les Juifs d’être un « mage » (cf. Dial. 69,7) ; l’ânon avec lequel il entre à Jérusalem attaché à une vigne (cf. Dial. 53,2) ; la situation du Mont des Oliviers en face du temple de Jérusalem ; la confusion entre Hérode Antipas, Archélaüs et Hérode le Grand ; la raison pour laquelle Jésus fut envoyé par Ponce Pilate à Hérode (cf. Dial. 103,3-4) ; les gestes haineux des spectateurs du crucifiement de Jésus151

.

Certains de ces faits se trouvent dans les ouvrages chrétiens152

ou relèvent probablement soit de sa supposition ou imagination, soit d’une tradition commune ou encore orale. D’autres seraient simplement le fruit de ses déductions personnelles à partir de l’inter- prétation des Ecritures prophétiques et de la lecture attentive des Mémoires des Apôtres. Dans ce cas, son but serait de démontrer, conformément à sa préoccupation, comment Jésus le Christ réalise les prophéties et, à partir de là, montrer les origines divines de la religion chrétienne. C’est dans ce sens qu’il faudrait lire, par exemple, l’origine bethlée- mite de Joseph, qui pourrait bien être une simple déduction faite à partir de Luc, ou le désir de Pilate d’être agréable à Hérode en lui envoyant Jésus afin que les prophéties soient accomplies.

Le texte et le statut des Mémoires des Apôtres

Dans ses œuvres, Justin Martyr ne cite presque jamais ses références d’après une unique source. Une référence ou une allusion est souvent donnée différemment lorsqu’elle est

148 1 Apol. 35,9 : « Que tout cela est bien arrivé, vous pouvez l’apprendre d’après les Actes de la procuratèle de Ponce Pilate ». Ils sont encore cités en 1 Apol. 48,3 et n’ont peut-être pas de rapport avec l’Apocryphe du même nom. Ce renvoi se base sur la propre opinion de Justin Martyr pour qui ces documents ont peut-être existé. Mais en fait, il n’y a point d’Actes de la procuratèle et pas de recensement. Voir F.SCHEIDWEILER, 1987, « Nikodemusevangelium, Pilatusakten und Höllenfart Christi », dans W.SCHNEEMELCHER et E. HENNECKE

(éd.), 1987, Neutestamentliche Apokryphen in deutscher Übersetzung, I. Band Evangelien, p. 395. Pour la récente traduction de cet Evangile apochyphe, voir C.FURRER et R.GOUNELLE, 2005, « Evangile de Nicodème ou Acte de Pilate », dans P.GEOLTRAIN et J.-D.KAESTLI (éd), 2005, Ecrits apocryphes chrétiens, Vol. II, p. 249-309.

149 Dial. 78,4 et 1 Apol. 34,2.

150 Cf. Dial. 14,8 ; 49,2 ; 85,1 ; 88,8 ; 100,2 ; 110,2 ; 121,3. D’après Is 53,2b, Justin Martyr insiste aussi sur le fait que Jésus est dit « sans gloire, sans beauté ».

151 Cf. 1 Apol. 38,6.8 ; Dial. 101,3.

152 Cf. Diatessaron de Tatien, traduction française de L.LELOIR, 1966, p. 95, note 4 ; Pauli Praedicatio cité par PSEUDO-CYPRIEN, De Rebaptismale 17,90 (CSEL III, 3, 1871) ; les Oracles Sibyllins 7, 82-84, traduction et annotations de J.M.ROESSLI, dans P.GEOLTRAIN et J.-D.KAESTLI (éd), 2005, Ecrits Apocryphes

chrétiens, Vol. II, p. 1065-1066. Dans l’Evangile des Ebionites, cité par ÉPIPHANE, Adversus Haereses ou

Panarion 30, 13 (PG XLI, 429), il s’agit de l’apparition de la lumière, et non du feu comme on l’a souvent dit. En plus, cette lumière est placée non à la descente du Christ dans l’eau du Jourdain, mais à sa sortie, c’est–à-dire à la fin de la cérémonie. Il y a donc entre l’auteur de l’Evangile des Ebionites et Justin Martyr, bien des différences.

reprise. Les maximes et les récits que l’auteur rapporte, au sujet de Jésus et de ses mystères, ne permettent pas toujours de déterminer facilement à quel Evangile il les a puisés153

. Et pourtant, il faut expliquer les divergences relevées entre les citations évangéliques et le texte reçu de celles-ci.

I. Les formes des citations évangéliques chez Justin Martyr

La forme textuelle des citations évangéliques chez l’auteur est parfois différente du texte des Evangiles actuels. Pour expliquer les divergences, plusieurs phénomènes furent évo- qués : le recours aux collections des Paroles de Jésus antérieurement organisées, l’utilisation des harmonisations textuelles154

, des thématiques évangéliques, des citations littérales et parfois des citations faites de mémoire.

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