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Jésus, le divin Maître par les actes : les miracles

La préexistence et la manifestation historique de Jésus le Christ

C. Jésus, le divin Maître par les actes : les miracles

Justin Martyr n’accorde pas une attention particulière aux miracles accomplis par le Seigneur245

. Toutefois, il présente Jésus comme auteur d’activités thaumaturgiques : « c’est

dans les livres des prophètes, dit l’Apologiste, que nous avons trouvé annoncé d’avance que, Jésus, notre Christ doit (…) guérir toute maladie et toute infirmité (…) » (1 Apol. 31,7). Dans

le Dialogue avec Tryphon, les miracles opérés par Jésus sont des preuves que l’Apologiste apporte en vue de sa démonstration : « (…) Lorsque [le diable] montre Asclépios réveillant

les morts et guérissant les autres souffrances, ne dirai-je pas que là encore il a imité de même

les prophéties se rapportant au Christ ? » (Dial. 69,3)246

. La prophétie qui sous-tend son argumentation est celle d’Is 35,1-7 (cf. Dial. 69,5). Elle est entièrement considérée comme une annonce des miracles qui seront réalisés en leurs temps par le Christ « médecin »247

. Les guérisons dont le prophète avait annoncé l’accomplissement, le Christ les réalise (cf. Dial. 69,6)248

. Le Christ a guéri les aveugles et les boîteux (cf. Dial. 27,4 et 17,3), et les sourds (cf. Dial. 12,2 et 123,2) ; il a ressuscité les morts. A Lui est attribué le miracle de

244 Cf. J.GRANADOS, 2005, p. 286, note 169.

245 Antonio Orbe rappelle que les écrivains ecclésiastiques du deuxième siècle n’étaient pas trop enthousiastes des miracles. Simon le Samaritain et Ménandre, selon Justin Martyr, agissaient comme « énergumènes » sous l’influence du démon (1 Apol. 26). Cf. A.ORBE, 1995, Vol. II, p. 240.

246 Cf. 1 Apol. 22,6 ; 54,10.

247 Dans la littérature chrétienne primitive, cette prophétie est présente chez IRÉNÉE de Lyon, Adv. Haer. IV, 33,11 (SC, 100 et 100 bis) ; TERTULLIEN, Adv. Marc. IV, 24,12 ; De Res. Carn. 20,6 ; Adv. Jud., 9,30 (H.TRAENKLE et M.STEINER (éd.), 1964) ; LACTANCE, Div. inst., IV, 15,13-14 (Les Institutions divines, P. MONAT (éd.), 1986, Paris, SC, 377).

la source d’eau vive qui était préfiguré au désert lorsque Moïse a fait jaillir l’eau d’auprès de Dieu (Is 35,1.6.7 ; Jn 4,10.14). A cause de ces merveilles, Jésus fut accusé de « magicien » (Mage), égareur du peuple249

.

Le but des résurrections et des guérisons accomplies par Jésus (cf. Dial. 69,3-7 et 1 Apol. 54,2) est la conversion des nations. Les quelques miracles que Justin Martyr allègue sont faits à l’intention de « (…) ceux qu’avait – ‹désertés› la connaissance de Dieu – j’entends

les nations – qui ‹ayant des yeux ne virent point, ayant un cœur ne comprirent point›, adorant des objets fabriqués de matière (…) » (Dial. 69,4), les « endroits déserts » (Dial. 122,6),

véritable héritage du Christ. Contre « (…) ceux qui ne vivent pas conformément aux ensei-

gnements du Christ et qui ne sont chrétiens que de nom (…) » (1 Apol. 16, 14), Justin Martyr

réclame une sanction et une punition. Par ailleurs, Justin Martyr ne fait pas des « miracles » un argument ayant la valeur d’une démonstration rationnelle (¢pÒdeixij) à la manière de l’argument prophétique. Il n’insiste pas sur les miracles opérés par Jésus durant sa vie terrestre250

. « Il sait bien, fait remarquer Charles Munier, que des esprits sceptiques peu- vent les mettre au compte d’opérations magiques ou de contrefaçons diaboliques. Il sait aussi que les miracles n’emportent guère la conviction qu’auprès de témoins oculaires »251

. Dans ce contexte, il parle des miracles opérés par des exorcistes chrétiens contemporains252

.

Conclusions

La démonstration de l’existence d’un autre Dieu a conduit Justin Martyr à développer les manifestations et les révélations divines de l’Ancien Testament, afin de montrer qu’elles concernent Jésus, né de la Vierge Marie. Avant son Incarnation, il a été précédé par Jean le Baptiste, dernier des prophètes (cf. Dial. 87,5). Bien qu’étant une figure charnière, entre l’Ancien temps et la nouvelle ère inaugurée par la naissance de Jésus, Verbe de Dieu incarné, Jean le Baptiste fait partie intégrante de l’Economie ancienne marquée par les annonces et les promesses.

Justin Martyr accorde d’abord aux parents du Christ un rôle essentiel. S’il présente Marie et Joseph obéissant aux ordres divins, c’est en vue de traiter de la messianité de Jésus. Jésus est de la race d’Abraham, soit parce que Marie (cf. 1 Apol. 32,14) en descend, soit à cause de Joseph (cf. Dial. 78,4). Justin Martyr présente ensuite le Christ, Logos de Dieu, accessible à tous. Sa Naissance virginale parmi les hommes est, à la fois, l’œuvre de l’Esprit (cf. Dial. 78,3), du Logos et attribuée à la volonté du Père253

, Créateur de toute chose. L’affirmation de la Naissance virginale de Jésus comme étant l’Incarnation d’un être divin préexistant ne se trouve ni chez Matthieu, ni chez Luc. Pour Jean, Jésus est, certes, l’être divin préexistant, le Verbe fait chair (Jn 1,14) selon l’Économie divine ou le plan divin du salut (cf. Dial. 30,3), mais il n’est pas intéressé par la naissance virginale du

249 Cf. Dial. 69,7 : Mt 27,63 ; Dial. 108,2 ; M.SMITH, 1978, Jesus the Magician, New York

250 H.CHADWICK, 1964/1965, « Justin Martyr’s Defense of Christianity », Bulletin of John Rylands Library 47 (1964/65), p. 281 (275-297).

251 CH.MUNIER, 1994, p. 69.

252 Cf. 2 Apol. 6,6 ; Dial. 30,3 ; 35,2.8 ; 76,6 ; 85,2.

253 Cf. Dial. 78, 3. PH.BOBICHON, 2003, p. 780, note 5. Justin Martyr associe les termes DÚnamij et boulˇ à la Préexistence du Verbe (Dial. 100,4) et à la génération éternelle du Verbe (Dial. 128,4).

Messie. Justin Martyr harmonise les deux concepts afin de marquer la continuité du plan divin, le déroulement de l’histoire du salut : la Préexistence du Verbe de Dieu rejoint la naissance de Jésus et cette double affirmation est une réponse à Tryphon, qui ne voit aucun rapport entre la Préexistence du Verbe de Dieu en tant qu’être divin et les mystères de la vie terrestre du Christ.

C’est grâce au baptême donné par Jean le Baptiste que la messianité de Jésus est révélée au monde et aux hommes. Ce n’est pas le moment où le Christ reçoit l’Esprit, mais celui où le même Esprit s’est reposé sur le Christ. Les éléments théophaniques révèlent aussi la messianité de Jésus à tous mais ne la constituent pas. Jésus tient celle-ci de son Père et cela bien avant sa naissance humaine. Cependant, le baptême de Jésus accentue sa filiation divine. Au moment où les gens ont cru que Jésus était le Fils de Joseph, la voix des cieux l’a désigné comme Fils de Dieu. Et c’est probablement à cause de ce titre que le di£boloj le met à l’épreuve. Nous comprenons dès lors pourquoi l’Apologiste ne présente que cette troisième tentation. Il veut signifier que dans la lutte de Jésus avec les démons qui sont soumis comme le diable tentateur l’a été.

Lorsque l’auteur reprend les préceptes de Jésus, il faut porter l’attention sur deux faits : d’abord il veut justifier le comportement des chrétiens ; ensuite, il ajoute ses traits rédactionnels marqués par quelques expressions chères. Par exemple la dimension du feu, l’insistance sur le rôle du Dieu Créateur. Et en plus, il reformule les préceptes du Christ, introduit les harmonisations textuelles dans son argumentation. Justin Martyr a dû le faire pour raison d’enseignement et d’apologie. Ainsi, la part de la rédaction de Justin Martyr, lorsqu’il cite les paroles de Jésus, ne peut être négligée.

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