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La Crucifixion et le partage des habits de Jésus le Christ

La Passion et la Gloire de Jésus le Christ

A. La Crucifixion et le partage des habits de Jésus le Christ

La Crucifixion du Messie a fait l’objet des prophéties, en particulier dans les chants du Serviteur souffrant d’Isaïe et le Psaume 2178

. Si les premiers décrivent, en avance, la façon dont le Christ de Dieu sera traité, quelques versets du Psaume 21 prédisent le doute du Christ lui-même, les railleries, la Crucifixion et la mort. Ainsi, le jour où, sur la Croix, Jésus s’écria : « Ô Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Dial. 99,1), ce cri est interprété par Justin Martyr comme l’accomplissement de ce qu’autrefois le prophète David avait annoncé (Ps 21,2)79

.

Presque tous les termes du verset du Psaume sont repris par Justin Martyr sauf « prÒscej moi, donne-moi ton attention ». Cette exclamation, qui deviendra celle du Christ, est présente chez Matthieu et Marc. La particule « ∑na » se lit déjà dans le Psaume ; chez Matthieu (27,46), elle est sous la formule ≤nat∂ et se rapporte à la même réalité. Elle trahit une dépendance de Justin Martyr au Psaume, mais l’influence de Mt n’est pas à exclure, vu son insistance sur ce qu’il tient à démontrer, à savoir que Jésus fut effectivement homme.

Sur la Croix, non seulement le Christ restera seul face à ses souffrances, car aban- donné par les siens (les Apôtres), mais aussi il sera tourné en dérision et fera l’objet de railleries des passants. Dans l’un et l’autre de ses ouvrages, Justin Martyr rappelle ces faits en s’appuyant sur le Psaume et les écrits des Apôtres. Mais la façon dont il réécrit cet épisode suggère qu’il défend une idée.

78 Pour l’analyse de ce Psaume, voir J.DANIÉLOU, 1957, « Le Ps 21 dans la catéchèse patristique », La Maison

Dieu 49 (1957), p. 17-34 ; M.-J.RONDEAU, 1985, Les Commentaires patristiques du psautier (IIIe

-Ve

siècles). Vol. II – Exégèse prosopologique et Théologie, p. 24-29 ; G.DORIVAL et ALII (éd.), 2002, David, Jésus et la reine Esther. Recherches sur le Psaume 21 (22 TM), Paris-Louvain-Sterling.

79 Voir la Synopse de M.FÉDOU, 1984, p. 57ss ; Synopsis Quattuor Evangeliorum, 199615

, p. 489 qui renvoie à Dial. 105,5 ; aux Ac 7,59 ; à l’Evangile selon les Hébreux (chapitre sur l’histoire de la Passion du Christ, 65), à l’Evangile de Pierre 5-8 ou vv. 15-27 ; à IGNACE d’Antioche, Magn. 9,2 ; à l’Epître de Barnabé 7,3.5. Ps 21,2 « `O qeÕj Ð

qeÒj mou, prÒscej moi· ∑na t∂ œgkat◊lip◊j me».

Dial. 99,1 « `O qeÕj Ð qeÒj, ∑na t∂ œgkat◊lip◊j me».

Mt 27,46 « Qe◊ mou qe◊ mou, ≤nat∂ me œgkat◊lipej».

Mc 15,34 « `O qeÒj mou Ð qeÒj mou, e≥j t∂ œgkat◊lip◊j me». « Ô Dieu, mon Dieu, donne-moi ton attention. Pourquoi m’as-tu abandonné ? ». « Ô Dieu, Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

« Mon Dieu, mon

Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

« Mon Dieu, mon

Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Ces deux versions du même récit sont complémentaires. Tout ce qu’elles renferment concerne le Christ. Cependant le but de l’auto-salut du Christ est diversement interprété. Devant les païens, le Christ doit se sauver parce qu’il a ressuscité les morts alors que face aux interlocuteurs juifs, il s’agit du fait qu’il s’est dit Fils de Dieu. Ces deux raisons mon- trent justement sur quel point Jésus a été combattu : pour les uns en tant que thaumaturge et pour les autres pour un motif religieux évoquant sa Filiation divine, inacceptable aux yeux des juifs. Mais quelles sont les sources de l’auteur lorsqu’il rapporte la Crucifixion de Jésus et les réactions des passants ? Son récit contient des éléments provenant du Psaume 21 et de Matthieu.

1 Apol. 38,6 « ’El£lhsan œn ce∂lesin, œk∂nhsan kefal¾n l◊gontej. `Rus£sqw ŒautÒn. (…) 8. staurwq◊ntoj g¦r aÙtoà œx◊strefon t¦ ce∂lh kaπ œk∂noun t¦j kefal¦j l◊gontej. `O nekroÝj ¢nege∂raj rus£sqw ŒautÒn ».

Dial. 101,3 « o≤ g¦r qewroàntej aÙtÕn œstaurwm◊non t¦j kefal¦j Ÿkastoj œk∂noun kaπ t¦ ce∂lh di◊strefon, kaπ to√j muxwtÁrsin œn ¢llˇloij diarrinoàntej ⁄legon (…)U≤Õn qeoà ŒautÕn ⁄lege, katab¦j peripate∂tw. sws£tw aÙtÕn Ð qeÒj(…) ».

« 6. ‹Ils ont marmonné des lèvres et hoché de la tête, en disant : Qu’il se sauve lui-même› (…) 8. Car, quand il fut crucifié ils remuaient les lèvres et hochaient la tête, en disant : ‹Lui qui a ressuscité des morts, qu’il se sauve lui-même ».

« Car ceux qui le contemplaient crucifié

hochaient tous la tête, tordaient leurs lèvres,

et remuant les narines de l’un à l’autre en reniflant, ils disaient : (…) ‹Il s’est dit Fils de Dieu, qu’il descende et qu’il marche ; que Dieu le sauve ». Ps 21, 8 « p£ntej o≤ qewroànt◊j me œxemuktˇris£n me, œl£lhsan œn ce∂lesin, œk∂nhsan kefalˇn 9. ”Hlpisen œpπ kÚrion, rus£sqw aÙtÒn. sws£tw aÙtÒn, Óti q◊lei aÙtÒn ». 1 Apol. 38, « 6. ’El£lhsan œn ce∂lesin,œk∂nhsan kefal¾n l◊gontej. Rus£sqw ŒautÒn. (…) 8 `staurwq◊ntoj g¦r aÙtoà œx◊strefon t¦ ce∂lh kaπ œk∂noun t¦j kefal¦j l◊gontej. `O nekroÝj ¢nege∂raj rus£sqw ŒautÒn ». Dial. 101,3 « o≤ g¦r qewroàntej aÙtÕn œstaurwm◊non t¦j kefal¦j Ÿkastoj œk∂noun kaπ t¦ ce∂lh di◊strefon, kaπ to√j muxwtÁrsin œn ¢llˇloij diarrinoàntej ⁄legon (…) U≤Õn qeoà ŒautÕn ⁄lege, katab¦j peripate∂tw. sws£tw aÙtÕn Ð qeÒj ». Mt 27, « 39. O≤ d paraporeuÒmenoi œblasfˇmoun aÙtÕn kinoàntej t¦j kefal¦j aÙtîn 43 p◊poiqen œpπ tÕn qeÒn, rus£sqw nàn e≥ q◊lei aÙtÒn e pen g¦r Óti Qeoà e≥mi u≤Òj. 40 kaπ l◊gontej, `O katalÚwn tÕn naÕn kaπ œn trisπn ¹m◊raij o≥kodomîn, sîson seautÒn, e≥ u≤Õj e toà qeoà, [kaπ] kat£bhqi ¢pÕ toà stauroà ».

Justin Martyr rassemble les réactions verbales et les attitudes physiques haineuses des spectateurs de la Crucifixion (cf. Dial. 101,3). Dans les deux passages de Justin Martyr, nombreux sont les termes que l’on peut mettre en rapport avec ceux des passages des

Mémoires des Apôtres. Mais nous ne pouvons déterminer avec exactitude de quel Evangile

l’auteur dépend. Il offre quelques correspondances : la désignation du Christ comme « U≤Õj qeoà, Fils de Dieu » est propre à Matthieu ; le verbe « kataba∂nw, descendre » appar- tient à la fois à Mt et Mc, l’autre verbe « peripat◊w, marcher » est absent des Synoptiques ;

sèzw ou sws£tw est commun aux Synoptiques et aussi au Ps 21,19a ; l’affirmation « que

Dieu lui-même le sauve » peut correspondre à Mt ; comme le passage du Psaume, celui

de Justin Martyr mentionne « ce∂lh, les lèvres ».

Le texte du Psaume et le récit de Justin Martyr sont réciproquement adaptés l’un à l’autre et que rien n’est créé ad hoc par Justin Martyr, les deux éléments provenaient de la même source. Cependant, dans l’interpellation « `O nekroÝj ¢nege∂rajrus£sqw ŒautÒn,

‹Lui qui a ressuscité des morts, qu’il se sauve lui-même » (1 Apol 38,8), il y a une proximité

d’idée avec Lc 23,35, même si le lexique est différent. Le parallèle a subi une double modification dans le Dialogue : la citation du Psaume est amplifiée et le récit a changé. Même si le récit de l’Apologie est fondamentalement conservé dans le Dialogue (kaπ t¦ ce∂lh di◊strefon), des traits nouveaux apparaissent (to√j muxwtÁrsin œn ¢llˇloij diarrinoàntej) et font écho à la LXX (Ps 21,8a)80

. Plus loin, les mots des moqueurs sont maintenant une version libre de Mt 27,40b. Il se dégage de ce texte que le Christ est humilié sur la Croix, ce qui réalise ainsi les Ecritures.

Au-delà de toutes ces constatations, il est vrai que notre didascale chrétien combine ici plusieurs textes pour aboutir à sa propre composition ayant des détails concrets que sont la dérision haineuse et les injures lancées au Christ par des spectateurs. Il décrit ce fait à l’aide, bien sûr, de quelques passages des Mémoires des Apôtres qu’il organise à sa

80 La même allusion est chez Lc 23,35. Cf. P.PRIGENT, 1964, p. 204 ; O.SKARSAUNE, 1987, p. 80.

« 8. Tous ceux qui me contemplaient m’ont avec le nez tourné en dérision ; ils ont murmuré des lèvres, ils ont

hoché la tête : 9. il a espéré dans le

Seigneur, qu’il le délivre, qu’il le

sauve, puisque c’est

lui qu’il veut ».

« 6. ‹Ils ont mar- monné des lèvres et

hoché la tête, en

disant : Qu’il se

sauve lui-même›

(…) 8. Car, quand il fut crucifié, ils remuaient les lèvres et hochaient la

tête, en disant :

‹Lui qui a ressuscité des morts, qu’il se

sauve lui-même ».

« (….) Car, ceux qui le contemplaient crucifié, hochaient tous la tête, tor- daient leurs lèvres, et remuant les narines de l’un à l’autre en reniflant, ils disaient : (…) ‹Il s’est dit Fils de Dieu, qu’il descende et qu’il marche ; que Dieu le sauve ». 39. « Les passants l’insultaient, hochant la tête et disant : (…) 43. Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre mainte- nant, s’il l’aime, car il a dit : Je suis Fils

de Dieu. 40. Et disant : sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu et descends de la Croix ».

façon (cf. Mt 27,39.43.40). Il préfère rappeler la prophétie (Ps 21,9 ; cf. Sag 2,13.18-20) avant les moqueries des passants (Ps 21,8 et 108,25) pour montrer que celles-ci se sont réalisées selon l’annonce. Il ne suit ni l’ordre du Psaume ni celui de Matthieu. Sa préoc- cupation est de souligner que la crucifixion du Christ était arrivée comme ont prédit les prophètes (Ps 21,8-9) ; les Mémoires des Apôtres l’attestent81

.

L’étude montre que Justin Martyr suit ici le texte du Psaume et n’a en vue aucun paral- lèle évangélique. La présence du terme « ce∂lh », absent par ailleurs chez les synoptiques, a révélé la dépendance de Justin Martyr du Psaume82

. En rappelant ces versets, Justin Martyr veut souligner que cette prophétie s’applique au Christ. De toutes les façons, l’auteur n’a utilisé aucun texte. D’où, conclut Edouard Massaux, « l’influence de Matthieu pour ce texte de Justin Martyr peut être établie comme douteuse»83

.

Dans la suite, pour attester que Jésus le Christ fut réellement crucifié, et cela sous Ponce Pilate84

, Justin Martyr indique qu’il était prédit que les pieds et les mains du Christ Roi seraient percés85

. « Sur la Croix, écrit-il, ses mains et ses pieds seraient percés de

clous » (1 Apol. 35,7 ; cf. Dial. 97,3-4) 86

. Il se réfère au psalmiste (cf. Ps 21,17), même si, ailleurs, il inverse l’ordre des faits : « (…) ils ont percé mes pieds et mes mains » (1 Apol. 38,4). Les vv 17 et 19 du Ps 21 sont réunis, mais il sait aussi les commenter séparément87

. Le v. 17 porte sur la Crucifixion alors que le v 19 annonce la dispersion des disciples. Le point commun est que tout se rapporte au Christ ; le Maître des chrétiens qui fut crucifié est l’objet de la proclamation de ses Apôtres88

.

Luc, le seul auteur du Nouveau Testament qui mentionne les pieds, reflète le Ps 21,17. L’auteur de l’Evangile de Pierre, décrivant la descente de Jésus de la Croix, note qu’on a retiré « les clous des mains du Seigneur ». Apparemment, il ignore les clous des pieds. Ignace d’Antioche dit que Jésus a été « véritablement cloué » (Smyrn 1,2). Dans une intention clairement symbolique, Ephrem, dans son Evangile concordant dit que, « les mains de Jésus

81 Cf. Mt 27,39 ; Mc 15,29 ; cf. Lc 23,35 ; Mt 27,40-43 ; Mc 15,31-32 ; Lc 23,35. Synopsis Quattuor

Evangeliorum, 199615

, p. 486 renvoie à l’Evangile de Pierre 4,10-14 ; 5, 15-16. 82 Cf. Mt 27,39-43 ; Mc 15, 29-32 ; Lc 13,35-36 ; Synopsis Quattuor Evangeliorum, 199615

, p. 486. 83 E.MASSAUX, 19862

, p. 502-503.

84 Cf. 1 Apol. 13,3 ; 2 Apol. 6,6 ; MELITON de Sardes, Sur la Pâque, 92, traduction et annotations parO. PERLER, 1966, Paris (SC, 123) soutient que Pilate fut impliqué dans le procès de Jésus.

85 Ps 21,17 ; Dial. 97,3-4 ; verset cité en 98,4 et 104,1 ; Zach 12,10 « celui qu’ils ont transpercé » : Dial. 14,8 ; 32,2 ; 64,7 ; 1 Apol. 52,12.

86 Cf. Ps 21, 17 (1 Apol. 35,5.7) ; Mt 27,35 ; Mc 15,24 ; Lc 23,33-34 ; Jn 19,23-24 avec référence à Ps 21,19 (cf. Dial. 104,2 ; 97,3).

87 Cf. 1 Apol. 35,3.5. ; 38,4-5 ; Dial. 98,5 ; O.SKARSAUNE, 1987, p. 80-82 ; 1 Apol. 35,8 et Dial. 104,2 ; 97,3 pour le v. 19 et 1 Apol. 35,7 pour le v 17. Les vv 17-19 et 20-22 annoncent des moments constitutifs de la Passion : la nuit au Mont des Oliviers, l’arrestation de Jésus, le comportement d’Hérode, la condamna- tion à mort, le partage des vêtements, la mort sur la Croix.

88 Cf. Dial. 97,1-3 et 1 Apol. 38,4-5 ont la même source mais Justin Martyr y met sa touche rédactionnelle : il a corrigé le texte pour être en accord avec la LXX. « It is a certainty that he had a Psalms MS before him when writing Dial. 97. In Dial. 98 he quotes the whole of Ps 21,1-24 (LXX text). O.SKARSAUNE, 1987, p. 80 ; P.PRIGENT, 1964, p. 204ss. Dans l’Apologie, il se réfère à Ps 21,17.19 et Ps 3,6 (1 Apol. 38,4-5), et dans le Dialogue, il se réfère à Ps 3,5 ; Is 65,2 ; 57,2 ; 53,9 ; Ps 21,17-19 (Dial. 97,1-3). Les vv 17 et 19 sont cités dans l’ordre exact. David parle de la Passion et de la Croix. Voir Evangile de Pierre 4,12 et 6,21 (Dial. 97,3).

étaient clouées, et ses pieds liés » (20,31)89

. L’auteur de l’Evangile de Pierre rapporte qu’ils « crucifièrent le Seigneur » et ajoute : « mais il était silencieux comme s’il ne souffrait pas » (Ev. Pi 4,10)90

. Toutefois, la Crucifixion dut être douloureuse pour Jésus même si aucun Evangile devenu canonique ne mentionne explicitement cet aspect.

Après la Crucifixion du Christ, Justin Martyr relate, aussi bien dans l’Apologie que dans le Dialogue avec Tryphon, comment le Christ fut déshabillé et ses vêtements partagés. Le verset 19 du Psaume 21 a prédit le partage, par tirage au sort, des habits et se retrouve chez plusieurs auteurs91

. Justin Martyr s’y réfère-t-il pour composer son récit ? Comparons les données. Ps 21,19 « (…) diemer∂santo t¦ ≤m£ti£ mou Œauto√j, kaπ œpπ tÕn ≤matismÒn mou ⁄balon klÁron ». Jn 19, 23. « (…) eÃlabon ta\ i¸ma/tia au)tou= kaiì e)poi¿hsan te/ssara me/rh, e(ka/st% stra- tiw¯tv me/roj, (…) 24. (…) Mh\ sxi¿swmen au)to/n, a)lla\ la/xwmen periì au)tou= ti¿noj eÃstai: (…) ». Ev. de Pierre, 4, 12 « kaπ teheikÒtej ta œndÚmata ⁄mproshen au)tou= diemer∂santo, kaπ locmÕn ⁄balon œp’auto√j ». 1 Apol. 35,8 « kaπ met¦ tÕ staurîsai aÙtÕn ⁄balon klÁron œpπ tÕn ≤matismÕn aÙtoà, kaπ œmer∂santo Œauto√j o≤ staurèsantej aÙtÒn ». Mt 27,35 « staurw¯sant ej de\ au)to\n diemeri¿santo ta\ i¸ma/tia au)tou= ba/llontej klh=ron ».

89 Cf. EPHREM de Nisibe, Commentaire de l’Evangile concordant ou Diatessaron, traduction et annotations de L.LELOIR, 1966, Paris (SC, 121) ; SAINT EPHREM, Commentaire de l’Evangile concordant ou Diatessaron. Texte syriaque (Manuscrit Chester Beatty, 709). Folios Additionnels par L.LELOIR, 1990, Leuven-Paris (Chester Beatty Monographs, 8) ; voir TERTULLIEN, Adv. Iudaeos 13, 10-11 (H.TRAENKLE, 1964) ; M.-E.BOISMARD, 1992, p. 17 ;M.C. ALBL, 1999, p. 118, notes 108 ; R.E.BROWN, 2005, p. 1045. 90 C’est peut-être l’un des passages qui auraient provoqué la méfiance orthodoxe à l’égard de cet Evangile car

on pouvait y voir un soutien à la thèse selon laquelle Jésus n’était pas vraiment homme, voire un homme réel, au moment de la Crucifixion. Et pourtant, l’auteur reprend ici plus probablement le thème du silence de Jésus pendant le jugement, et comme dans les Evangiles synoptiques, il combine avec le thème du courage, lié à l’image de Jésus comme Martyr. Cf. R.E.BROWN, 2005, p. 1047, note 37.

« Ils se sont partagé mes

habits, et sur

mon vêtement ils ont jeté le sort (…) ». 23. (…) ils prirent ses vêtements et les divisèrent en quatre parts, une pour chaque soldat (…) 24. Ne déchirons pas cette tunique, mais tirons au

sort pour savoir

à qui elle appartiendra ». « Et ayant déposé ses vêtements devant lui, ils se les partagèrent et les tirèrent au sort ». « Après l’avoir crucifié, ils tirèrent au sort ses vêtements et ceux qui l’avaient crucifié se les partagèrent ». « Ils le clouèrent sur la croix et se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ».

Relevons que la citation scripturaire distingue les habits du vêtement (cf. Dial. 98,5 ; 104,1) ; lorsque Justin Martyr reprend le récit, il ne fait pas cette distinction. Le psaume a servi de base commune à Jean (cf. Jn 19, 23-24), aux synoptiques (cf. Mt 27,35 ; Mc 15,24 ; Lc 23, 34), à l’Evangile de Pierre (cf. Ev. Pi 4, 12) et à Justin Martyr (cf. 1 Apol 35,8). Pour Jean, il s’agit de la tunique, pour les synoptiques et Justin Martyr, il est question du vêtement.

Néanmoins, ceci pose la question de la méthode employée pour partager les vêtements de Jésus. Pour les synoptiques, en référence au Ps 21, 19, il s’est agi de « tirer au sort », de lancer les dés pour décider à qui reviendrait telle part. Dans l’Evangile de Pierre, nous trouvons une autre solution narrative : « Et après avoir déposé ses vêtements devant lui, ils

en firent des parts et les tirèrent au sort » (Ev. Pi 4, 12). Il y a deux opérations successives

ici : ils ont d’abord partagé les vêtements, c’est-à-dire ils en ont fait d’abord des petits tas ; ensuite, les parts faites, ils les tirèrent au sort, lacmÒj. L’explication de Pierre est une solu- tion différente de celle de Jean où le tirage au sort ne concerne que la tunique. Dans

l’Apologie, le tirage au sort passe avant le partage (cf. 1 Apol. 35,8). Dans le Dialogue avec Tryphon, en référence au Ps 21,19 cité in extenso (Dial. 97,3 ; 98,5), il y a deux opéra-

tions distinctes : d’abord on fait des parts des habits et ensuite pour chaque part on tire au sort celui qui l’aura. Le point de départ nous paraît très vraisemblablement le Psaume.

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