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La Croix dans l’Economie divine

La Passion et la Gloire de Jésus le Christ

C. La Croix dans l’Economie divine

Aux yeux des Juifs, la Croix demeure un instrument maudit, un signe de malédiction70

. Et le Christ, parce que mort sur la Croix, est lui aussi maudit. A ce titre, il n’est ni le Messie ni le Fils de Dieu Sauveur. Les Juifs s’appuient pour cela sur les saintes et prophé- tiques Ecritures selon lesquelles la suprême malédiction divine, qui figure dans la Loi, est la Crucifixion dans laquelle « le prétendu Christ » est tombé71

. Ce dernier, parce que « homme crucifié », est donc maudit par la Loi et ne peut être le Messie72

.

Contre les Hébreux, et sur la base de l’Ancien Testament, Justin Martyr cherche dans les Ecritures les typologies, les figures et les prophéties prédisant la Croix ; contre les Hérétiques, les Valentiniens surtout, il était nécessaire de dissoudre les préjugés de la « staurologie » à double niveau : humain et divin. La vraie Croix pour les Valentiniens était conçue comme une dÚnamijdu Premier-né (engendré). La Croix du Christ conduit l’homme, tant juif que païen, à la communion de la vie selon la chair avec Dieu. La Croix élève de la corruption et de la mort à l’incorruptibilité, à l’immortalité et à la vie éternelle de Dieu le Père73

.

67 « Pourquoi la laine sur le bois ? Parce que la royauté de Jésus repose sur le bois, et ceux qui espèrent en lui vivront

éternellement » (Barn 8,5 ; traduction de S.DOMINIQUE et FR.LOUVEL, dans D.BERTRAND (éd.), 1998).

Voir TERTULLIEN, Adv. Marcion 19,1 ; R.E.BROWN, 2005, p. 1065, note 78.

68 Voir Dial. 86,1.2.6 ; 90,3-5 ; 91,1-4 ; 105,2-5 ; 111,1-4 ; 112,1-2 ; 131,1-5 ; 138,2 et 1 Apol. 55,2-7 ; E. NORELLI, 1984, p. 244-245.

69 Selon P.PRIGENT, 1964, p. 150, il n’est pas ici question de la Croix ; cf. PH.BOBICHON, 2003, p. 769-770. 70 En effet, selon Dt 21,22-23, il est écrit : « Si un homme, pour son péché, a encouru la peine de mort, et que

tu l’aies mis à mort et pendu à un arbre, son cadavre ne passera pas la nuit sur l’arbre ; tu dois l’enterrer le jour même ; car le pendu est une malédiction de Dieu (…) ».

71 Cf. Dial. 32,1 : Dt 21,22-23. Voir Dial. 89,2 ; 90,1 ; 94,5 ; 95,2 ; 96,1 ; 97,1 ; 111,2. 72 Cf. Dial. 10,3 : Dt 21,23 ; 1 Co 1,23 ; Gal 3,13 ; Jér 17,5 ; Dial. 89,2.

Pour Justin Martyr, la Croix a une relation intime avec le Salut et la Victoire. Les diverses figures qu’il évoque doivent faire comprendre aux Juifs que l’homme crucifié sur la Croix est bien le Messie annoncé qui a endossé la malédiction de la race humaine pour la rémis- sion des péchés. Le fait d’accepter la malédiction devrait forcer les juifs à regretter leurs propres péchés, plutôt que d’accuser Jésus d’être maudit, parce que crucifié. Sinon, pour- quoi Dieu aurait-il commandé à Moïse de fabriquer le serpent et de l’élever comme un signe ? (cf. Dial. 94,1.3). C’est que la malédiction cesse de s’appliquer au Christ qui sauve les condamnés (cf. Dial. 94,5). Cependant, l’auteur est écœuré, dégoûté par le fait que, en dépit de ces signes décrits par Moïse, les Juifs refusent encore de croire (cf. Dial. 93,5).

Certes, Justin Martyr reconnaît que, dans la Loi, il y a une malédiction contre les cruci- fiés, « mais, précise-t-il, cette malédiction ne s’exerce pas davantage contre le Christ de Dieu,

lui par qui Il sauve tous ceux qui ont accompli des actes dignes de malédictions » (Dial. 94,5).

En ce qui concerne le Christ, la malédiction n’est qu’apparente. Car, « est appelé maudit,

quiconque ne persévère pas dans l’accomplissement de tout ce qui est écrit dans le Livre de la

Loi » (Dial. 95,1)74

. Il est donc injuste de parler, affirme Justin Martyr, « comme d’un

maudit de celui qui a accepté ces souffrances (Crucifixion et mort) selon la volonté de son Père »

(Dial. 95,2). Le Christ a enduré ces souffrances pour le genre humain et a ainsi accompli l’économie du Salut75

. La valeur rédemptrice de la Croix est ainsi évidente aux yeux des chrétiens : par sa Crucifixion sur le bois, le Christ a racheté l’humanité de ses péchés et en a fait une maison de prière et d’adoration (cf. Dial. 86,6). Ainsi, la Passion, qui se substitue à la Pâque juive, est une « rançon » payée par le Christ pour libérer l’humanité de l’esclavage du péché (cf. Mc 10,45)76

.

Par la Croix, les hommes de toutes les nations, frappés de ses cornes ou pénétrés de remords, ont abandonné les vaines idoles et les démons pour se convertir à la piété. Cependant, pour ceux qui ne croient pas, la même figure se présente en signe de ruine et de condamnation (cf. Dial. 91,3). Par elle, ceux qui croient (cf. Jn 3,15.16) découvrent l’érection de l’offrande destinée au Salut. Pour eux, « la mort était dès lors (…) réservée au

serpent, et le Salut à ceux qui, mordus par lui, avaient trouvé refuge en Celui qui a envoyé son fils crucifié au monde » (Dial. 91,4 : Nb 21,16). Le Christ devait donc souffrir, d’après

les prédictions des prophètes, à cause des péchés du peuple ; le sommet de ses souffrances est sa Crucifixion77

.

74 Cf. Dt 27,26 ; Gal 3,10 ; Dial. 8,4. 75 Cf. Dial. 40, 4 ; 74, 3 ; 88, 4 ; 89, 3.

76 Justin Martyr associe souvent le baptême et la Passion, l’eau et le sang : Dial. 13,1.9 ; 30,3 ; 86,1.6 ; 131,3. Sur le thème du sang dans le Dialogue et l’Apologie, voir Dial. 24,1 (sang de la circoncision et sang qui sauve) ; 26,3-4 (Is 63,1-3) ; 40,1 (sang de la Pâque) ; 54,2 (sur Gn 49,11 : origine divine du sang du Christ) ; 70,4 (Eucharistie) ; 11,4 (cordeau d’écarlate) ; 134,5 (sang de la Croix) ; cf. F.GIARDINI, « Il sangue di Cristo negli scritti di S. Giustino filosofo e martire », Tabor 33 (1963), p. 519-528.

III. La Crucifixion et la mort de Jésus le Christ, Fils de Dieu

Pour voir comment Justin Martyr évoque la Crucifixion et la mort du Christ, nous partirons des faits vécus par le Christ lui-même et de leur lien avec les Ecritures.

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