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1 1 Cadrage : l’embourgeoisement de la population parisienne entre 1982 et

La gentrification s’inscrit dans une dynamique générale d’embourgeoisement de la population parisienne, qui la distingue nettement de l’Île-de-France et plus encore du reste de la France. Les graphiques 5 et 6 permettent de comparer la part respective des différents groupes socioprofessionnels dans ces trois espaces en 1982 et 1999.

Graphique 5. Part des CS dans la population des ménages en 1982

Entre les deux dates, la spécificité de Paris s’accentue, marquée par une sur-représentation des CPIS et une sous-représentation des ouvriers. On constate un processus en ciseaux, la part des CS supérieures augmentant beaucoup plus fortement à Paris et en Île-de-France qu’en France tandis que celle des CS populaires baisse plus à Paris qu’en Île-de-France et en France. Ainsi, la part des CPIS dans la population des ménages – déjà plus forte à Paris qu’ailleurs en 1982 – y a augmenté de plus de sept points contre seulement trois points en Île-de-France et deux en France en général. Parmi les CS populaires, les employés connaissent une évolution contrastée : leur part baisse de près de trois points à Paris, mais de moins d’un point en Île-de-France, tandis qu’elle augmente légèrement en France. La part des ouvriers, en revanche, perd plus de six points à Paris et en France, et près de sept en Île-de-France. Au total, les CS populaires perdent presque neuf points dans la population des ménages parisiens entre 1982 et 1999, sept points en Île-de-France et près de six en France.

Les CS intermédiaires connaissent une évolution moins contrastée, à la fois dans le temps et dans l’espace : ainsi, la part des chefs d’entreprise, artisans et commerçants, très liée à l’implantation des commerces, a seulement baissé d’environ un point et est partout située autour de 6 % en 1999. Celle des professions intermédiaires a légèrement augmenté à Paris et en France et est restée stable en Île-de-France où elle était déjà la plus forte en 1982. Les deux périodes intercensitaires ont donc vu une homogénéisation de la part des CS intermédiaires dans l’espace.

Enfin, la part des retraités augmente partout : cette hausse est très légère à Paris, plus importante pour l’Île-de-France, qui rattrape Paris, et plus forte encore pour la France entière, qui s’écarte de la région parisienne. Cette part croissante des retraités justifie leur prise en compte dans l’analyse sociale : en ajoutant actifs et retraités, la part des CPIS dans la population des ménages a augmenté de neuf points à Paris contre près de cinq points en Île-de-France et seulement trois points en France (cf. annexe 1). Celle des CS populaires a perdu plus de dix points à Paris, six en Île- de-France et seulement trois en France.

Si l’embourgeoisement de Paris a commencé bien avant (Brun et Chauviré, 1983 ; Deneux, 1983 ; Noin, 1984), la poursuite du processus dans les années 1980-1990 permet d’en approfondir l’analyse et de montrer qu’il s’inscrit dans un processus de sélection sociale dans l’espace résidentiel à plusieurs échelles. En tenant compte du vieillissement de la population et du passage à la retraite d’une partie importante des actifs, notamment des classes populaires, on constate que la hausse générale du niveau social de la population des ménages vivant en France se traduit par une polarisation nette dans l’espace entre Paris, la région parisienne et le reste du pays : l’intensité de l’embourgeoisement semble inversement proportionnelle à la distance au centre, dans une logique cumulative.

Ainsi, comme le montrent les graphiques 7 et 8, à Paris intra-muros, ce sont toutes les CS liées à la production ou correspondant à des métiers manuels, des ouvriers aux chauffeurs, en passant par les artisans et les contremaîtres, qui connaissent les plus fortes baisses relatives, ainsi que les retraités employés, tandis que les CPIS des entreprises privées, de la création ou indépendantes connaissent

les plus fortes hausses relatives, ainsi que les retraités cadres. Le chassé-croisé entre employés administratifs d’entreprise et professions intermédiaires d’entreprise est, lui, vraisemblablement lié à un effet propre de la structure des emplois. Parmi les retraités, dont la part est passée de 17 % en 1982 à 18 % en 1999, les évolutions sont très contrastées : la part des anciens employés régresse d’un peu plus d’un point tandis que celle des anciens cadres augmente de près de deux points, la part des autres CS de retraités variant moins.

Graphiques 7 et 8. Évolution de la part des CS (en points) dans la population des ménages, Paris, 1982-1999

En termes statiques, il en résulte une distinction nette entre le profil social de Paris en 1999 et celui de 1982 comme le montrent les graphiques 9 et 10. Ainsi, en 1982, les CS populaires formaient le groupe social le plus important, avec plus de 32 % de la population des ménages, composé en particulier des employés administratifs d’entreprise, des ouvriers qualifiés et des employés de la fonction publique. Les chefs d’entreprise de plus de 10 salariés, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentaient 23 % de la population des ménages, les cadres d’entreprise étant la CS la plus importante. Les artisans, commerçants et professions intermédiaires en représentaient 19 %, et en particulier les professions intermédiaires des entreprises et les commerçants. Enfin, la part des retraités était de 17 %, surtout d’anciens employés et ouvriers, et celle des autres inactifs représentait un peu plus de 8 %.

Deux décennies plus tard, le profil social de Paris s’est nettement transformé : en 1999, les chefs d’entreprise de plus de 10 salariés, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont

devenus le groupe social majoritaire à Paris, avec plus de 30 % de la population des ménages, les cadres d’entreprise étant toujours la CS la plus importante. Au contraire, les employés et les ouvriers ne représentent plus que 22 % de la population des ménages, les plus importants étant les employés administratifs d’entreprise, ceux de la fonction publique, le personnel de services directs aux particuliers et les ouvriers qualifiés de l’artisanat. Les artisans, commerçants et professions intermédiaires se maintiennent avec près de 20 % de la population des ménages, et en particulier les professions intermédiaires d’entreprise. Enfin, la part des retraités atteint plus de 18 % de la population des ménages, surtout d’anciens cadres et d’anciens employés, et les autres inactifs se maintiennent à un peu plus de 8 %.

Graphique 9. Part des CS détaillées dans la population des ménages de Paris en 1982

Ces deux graphiques serviront de point de repère pour l’analyse de la division sociale de l’espace et de son évolution dans le temps.

1. 2. Le premier axe de la structure socio-spatiale parisienne oppose

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