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Le choix des données a donc d’abord été guidé par une contrainte spatiale et temporelle : disposer de données détaillées au niveau le plus fin possible (avec une représentativité suffisamment forte pour effectuer des croisements) et à plusieurs dates afin de permettre une analyse rétrospective et ne pas se contenter de l’étude du présent. Cette volonté de travailler à un niveau géographique fin est issue du constat que fait C. Hamnett (2003) à Londres : selon lui, la gentrification a atténué la division sociale de l’espace au niveau des districts londoniens tout en la renforçant au niveau local (cf. chapitre 1 – 4.4).

La source statistique la plus complète pour étudier la population, ses caractéristiques sociales et démographiques, mais aussi la structure du parc de logements, est le recensement. Le dernier recensement disponible date de 1999, les enquêtes annuelles de recensement menées depuis 2004 ne permettant pour l’instant de disposer que de quelques données non exhaustives et disponibles uniquement à l’échelle de la commune. Analyser la gentrification de façon statistique suppose un recul temporel suffisant pour identifier des quartiers populaires dont le profil social et les structures de logement se transforment, parfois assez lentement. Or, l’INSEE ne permet plus l’accès des données à l’îlot pour le recensement de 1999 : l’échelon le plus fin est désormais l’IRIS et les données du recensement ne sont disponibles à ce niveau que pour 1990 et 1999 (encadré 7). J’ai pourtant fait l’hypothèse que la gentrification à Paris avait commencé avant 1990 et il était nécessaire de remonter plus loin dans le temps pour pouvoir la vérifier.

Encadré 7. L’accès aux données statistiques pour l’analyse sociale des espaces

Depuis 1999, l’INSEE a adopté une nouvelle politique de diffusion des données pour suivre les réglementations de la CNIL en termes de protection des données individuelles. Ainsi, l’échelon infra- communal le plus fin auquel les données sont disponibles n’est plus l’îlot – correspondant à un « pâté de maison » en zone dense selon l’INSEE – mais l’IRIS, îlots regroupés pour l’information statistique, « petit quartier » d’habitat homogène qui regroupe autour de 2 000 habitants en moyenne 46. L’accès au fichier-détail et les croisements de données qu’il permettait est rendu plus difficile. Outre qu’il réduit la précision de l’analyse géographique, l’IRIS présente l’inconvénient d’empêcher une étude rétrospective sur le long terme à la même échelle géographique. L’INSEE n’a en effet recomposé les IRIS que pour le recensement de 1990.

Au nom de la même protection des données, celles qui concernent plus particulièrement les étrangers et l’origine géographique comme le lieu de naissance, la nationalité, le lieu de résidence en 1990 et l’année d’arrivée en France sont considérées comme sensibles. Elles ne sont pas disponible à l’IRIS mais au TRIRIS, découpage ad hoc réunissant en général trois IRIS et au moins 5 000 habitants. Cela empêche aussi le croisement des données détaillées concernant la nationalité avec les CS par exemple.

Ces différents éléments compliquent le travail des chercheurs, en particulier en géographie : ils empêchent en effet à la fois de disposer d’un découpage fin pour toutes les données, ce découpage étant en outre moins fin que celui qui avait cours jusqu’ici, à savoir l’îlot ; ils compromettent aussi l’analyse rétrospective par l’introduction d’un nouveau découpage se substituant à l’îlot. Ce nouveau maillage introduit une rupture dans les séries de données comme l’avait fait la nouvelle nomenclature des catégories socioprofessionnelles mise en place en 1982. Ces ruptures dans les catégories et les maillages posent un problème de comparabilité des données, en particulier dans le temps, pourtant indispensable pour la recherche en sciences sociales.

Enfin, il faut rappeler que le dernier recensement disponible (1999) est aussi le dernier recensement général exhaustif. Le recensement rénové, fondé sur des enquêtes annuelles, pose la question de significativité des données à un niveau fin étant donné la méthode utilisée par échantillonnage : dans les communes de plus de 10 000 habitants, 40 % de la population aura été recensée en cinq ans (INSEE, 2005, chapitre B). À l’échelle infra-communale la plus fine, le risque d’erreur sera beaucoup plus important qu’avec les précédents recensements, interdisant certains croisements de données. Ce nouveau recensement pose donc un réel problème pour la géographie sociale et la poursuite de travaux de recherche similaires à celui-ci.

C’est grâce à une convention avec l’APUR (Atelier parisien d’urbanisme), l’agence d’urbanisme de la Ville de Paris, que j’ai pu avoir accès aux données statistiques utilisées dans cette recherche 47. L’APUR a joué un rôle-clé dans ce travail de recherche en recomposant les IRIS de Paris pour le

46 « Les îlots regroupés pour l’information statistique 2000 (IRIS-2000) forment un “petit quartier”, qui se définit comme un ensemble

d'îlots contigus. […] Les IRIS d’habitat [sont des] IRIS-2000 dont la population se situe entre 1 800 et 5 000 habitants ; ils sont homogènes quant au type d'habitat » (INSEE : <http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/ilots-regr-

pour-inf-stat-2000.htm>).

47 L’APUR est dépositaire des données statistiques émanant de l’INSEE et d’autres organismes collecteurs de données pour tout ce qui concerne Paris. À l’issue de deux stages effectués dans le service des études générales 47, sous la direction de M. Audry Jean-Marie, une convention a été signée associant l’Université Paris 1, l’UMR Géographie-cités, mes deux directeurs de recherche et moi-même. L’APUR m’a fourni des données statistiques – essentiellement issues du recensement de la population – en échange de deux études portant l’une sur une enquête de terrain (La Cour de Bretagne,

un cas de gentrification dans un quartier populaire, APUR, décembre 2004), l’autre sur l’analyse du traitement d’une partie de

ces données (Évolution de la géographie sociale de Paris, 1982-1999 : embourgeoisement et gentrification. Évolution socioprofessionnelle de

recensement de 1982 et j’ai donc pu accéder à des données détaillées à l’IRIS, pour tout Paris, provenant des recensements de 1982, 1990 et 1999. Cela a pris du temps et par conséquent, je me suis concentrée sur les données du recensement. L’APUR détient d’autres données issues par exemple de la DGI ou de la CAF, mais à des dates différentes et à d’autres niveaux que l’IRIS, ce qui présentait l’inconvénient de constituer un corpus trop hétérogène.

L’APUR m’a donc permis de disposer d’un corpus de données conséquent à différents échelons géographiques (principalement à l’IRIS, mais aussi au quartier et à l’arrondissement). Le traitement de ces données s’est inscrit dans une double dimension comparative, dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, cela m’a permis d’avoir un recul temporel de près de vingt ans et de comparer deux périodes inter-censitaires. À travers des cartes montrant l’évolution des variables étudiées, il est possible de distinguer différentes phases du processus de gentrification à Paris. Dans l’espace, j’ai choisi de ne pas me limiter aux quartiers populaires : d’abord parce que l’identification même de ces quartiers et déjà le résultat d’une analyse des données, menée donc au niveau de la ville entière, ensuite dans un souci permanent d’inscrire le processus de gentrification dans le contexte général des transformations sociales et urbaines de Paris. Enfin, les données concernant Paris ont, chaque fois que cela était possible, été comparées à celles de l’Île-de-France et de la France afin de les remettre en contexte dans un cadre géographique plus large.

1. 2. Population de référence : prendre en compte le vieillissement de

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