• Aucun résultat trouvé

politique congolais de l’Indépendance aux élections de

Cadre 10 : Les effets collatéraux de la guerre de 1993 sur les populations étrangères et le commerce.

61 Voir aussi le documentaire de P Benquet, La Françafrique, 2010.

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

des faits mentionnés dans les dépêches IRIN, AFP, Reuter etc. et dans les journaux nationaux congolais (Dépêches de Brazzaville, Semaine Africaine ; cf. Annexe 2).

Lors de la guerre de juin, les répercussions dans les pays du Niari sont faibles, seule l’arrivée des déplacés brazzavillois se fait vraiment sentir. Tout change en octobre, lors de l’arrivée des Angolais dans le conflit. Le 13 octobre 1997, Lissouba, qui est à Dolisie, fuit en avion. Le 14, Brazzaville est entièrement aux mains de Sassou Nguesso et des troupes angolaises. Le 15, les Angolais prennent Pointe-Noire (sans combattre), et entrent dans les pays du Niari par Kimongo.

« Du 15 au 17 octobre 1997, les Cocoyes, Mambas et Zoulous, insatisfaits du montant qui leur était versé comme rétribution pour participation à la guerre, se sont livrés au pillage des magasins, boutiques, hôtels et villas cossues de toute la ville de Dolisie. Ces miliciens de Lissouba ont aussi pillé le magasin d'armes de la garnison de Dolisie. » (OCDH-FIDH 1998). Rappelons que Lissouba a fui 2 jours avant, les Cocoyes sont en train de refluer de Brazzaville vers les pays du Niari pour échapper aux Cobras et aux Angolais, et que Sassou Nguesso vient d’autoriser ses propres milices à piller pendant 48h.

Le 17 octobre 1997, 59 ressortissants français, allemands, portugais, italiens, suisse, burkinabé, mauricien de Nkayi et de la région de Dolisie, menacés par les miliciens Cocoyes (Nkayi est alors aux mains des Cocoyes), sont évacués par des commandos et par la 3e compagnie du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa). C’est l’opération « Antilope ». Les ressortissants européens craignent la violence gratuite des bandes armées mais également la vengeance, notamment envers les français, accusés d’avoir soutenu et financé le retour au pouvoir du général Sassou Nguesso. Le même jour, dans la nuit, Sibiti aurait été pillée par « les militaires » (E_022). Nous pensons qu’il s’agit là des Cobras et Angolais qui ont pris position dans les villes du « Niboland » et qui répondent l’autorisation de pillage62 de Sassou Nguesso. Le 20 octobre 1997, 20 personnes dont 5 français sont évacués dans la région de Mbouyi par l’armée française (Durand, 1998 ; Carte 34). Mbouyi est un camp forestier de l’entreprise française BOPLAC situé à la frontière du Gabon. Plusieurs entreprises forestières de la région ont été pillées, entrainant leur arrêt définitif (Boplac, Sidetra) ou momentané (Socobois - Moutséné ; E_022, 273, 282). Le 21 octobre, le camp de la gendarmerie de Mouyondzi est attaqué par des « assaillants armés », trois soldats sont tués (source officielle). Les « assaillants armés » sont selon nous des Cocoyes, peut-être ont-ils tentés de récupérer des armes.

Pendant la fin de l’année 1997, de nombreux mouvements de fuite de populations de la vallée sont observés, vers les parties forestières au Nord des pays du Niari, en raison des exactions commises par l’armée « d’occupation » (Cobras, Angolais, Rwandais). Ces exactions sont des pillages, des exécutions sommaires (au moins 25 attestées) et de nombreux viols, commis notamment par des soldats angolais et les anciennes milices Cobras désormais intégrées à l’armée, la police ou la gendarmerie (OCDH-FIDH, 1998). Les populations civiles se réfugient par exemple dans les forêts aux alentours de Komono, où la population croit rapidement (E_386) ; certains témoignages parlent d’une population multipliée par cinq (E_022).

62

Rappelons qu’à l’époque il n’y avait pas encore de téléphones portables, et que les infrastructures de communications sont rares et souvent détruites : les consignes parviennent avec plusieurs heures voir journées de décalage.

Chapitre 5 : Une décennie de guerres dans les pays du Niari

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

À ces déplacés internes au « Niboland » se joignent en grand nombre les déplacés de Brazzaville. Au-delà de Kibangou et de Makabana (Niari forestier), et dans toute la Lékoumou, ils sont des milliers à tenter de survivre loin des armées. Pour les populations déplacées, l’enjeu est alors de trouver de la nourriture, alors que les forêts ne peuvent nourrir tout le monde, et dans un contexte de raréfaction des produits de première nécessité. Mais parmi les déplacés se trouvent de nombreux militaires défaits et miliciens qui apportent avec eux des armes et des « comportements misérables, et des pillages ». (E_207, 198).

Il y avait des bouchons63 sur les routes du Niari organisés par les troupes du gouvernement défait (non organisé, ce sont des jeunes qui pillent ; E_022).

Ainsi l’insécurité s’étend partout, alors même qu’une partie des pays du Niari (au Nord) n’est pas « occupée » par l’armée et les milices de Sassou Nguesso. Une partie des militaires et des milices reste en alerte et commet des « actes de sabotage des infrastructures publiques, ainsi que des attaques armées de localités sous le contrôle du gouvernement » (OCDH-FIDH, 1999, p. 6).

La vallée est la plus sinistrée ; elle est soumise de la part des Cobras, des angolais et des rwandais au pillage des industries, champs, et bétail. Loudima, accusée d’être la principale base Cocoye, est entièrement saccagée ainsi que le centre Swapo (Photos 15). Les incursions des milices pro-Lissouba entrainent des tensions et des pillages par les différents groupes armés. La ville de Dolisie notamment est entièrement pillée par les Cocoyes, premiers arrivés sur place, puis les Angolais.

PHOTOS 15:LE CAMP SWAPO PROCHE DE LOUDIMA MÊLE SOUVENIRS DE L’UNITA, DU CENTRE DES MÉTIERS ET DU

CENTRE DE FORMATION DE L’ARMÉE.IL FUT AUSSI UN TEMPS CENTRE MONACAL.EN 1997, IL FUT PILLÉ POUR LA

SECONDE FOIS ET ENTIÈREMENT DÉTRUIT EN TANT QUE SYMBOLE DE L’AUTORITÉ DE LISSOUBA ET DE FORMATION

DE SES MILICES.

MENUISERIE DU CENTRE DES MÉTIERS

PRISON RÉGIMENTAIRE

Chapitre 5 : Une décennie de guerres dans les pays du Niari

Les témoignages sur les conflits de 1997 sont rarement détaillés ; le conflit commence à être ancien, et n’a pas eu les mêmes répercussions que celui qui a suivi. Cependant, pour les populations des villes et notamment à Dolisie, il a surpris par sa soudainement et sa violence. C’est l’entrée des Angolais et des miliciens Cobras dans la ville qui constitue l’élément traumatisant du conflit (comme plus tard ce sera pour les mêmes habitants l’entrée des Cocoyes). Tous les habitants se sentent mis en danger par la traque des Cocoyes qui s’opère alors. Ces derniers, qui viennent de fuir Brazzaville en armes, vont très vite se réfugier dans les zones forestières du Nord de la région, mais en attendant, ils constituent également une menace pour les habitants et notamment pour les expatriés, considérés comme des traîtres. Le témoignage de Matha, l’épouse congolaise d’un expatrié français, est à cet égard révélateur (E_025).

En octobre 1997, on était avec les enfants, quand on entend des bombardements ; on fuit dans la maison de mon père, puis on va dans un camp à environ 6 km ? avec des réfugiés expatriés (Dolisie était pleine d’expats avant la guerre) dans la forêt, gardé par l’armée (officiellement à Sassou maintenant). On était obligés de traverser la rue en se cachant, surtout Gérard, car les blancs ne sont pas aimés car la France est accusée d’avoir aidé à chasser Lissouba et à mettre Sassou au pouvoir. Lissouba en fuyant s’est réfugié à Dolisie au Grand-Hôtel, il a armé les jeunes (et est venu avec les jeunes formés par les israéliens), mais comme ils n’étaient pas payés, ils se sont mis à piller au lieu de lutter contre les Angolais. Dans le camp avec les expats, heureusement qu’ils avaient un téléphone cellulaire, ils ont pu parler avec le quai d’Orsay, ils ont dit qu’ils envoient les hélicoptères. Mais dans la nuit, les soldats de l’armée chargés de nous garder se sont enfuis. On s’est réveillés le matin seuls. À un moment, il y a eu une attaque de jeunes, mais ils ont juste pris l’argent. Puis on a fui en forêt, puis les hélicoptères sont arrivés. Ils nous ont déposés à la frontière du Gabon. Puis on est allés en France.

Le témoignage de Sœur Olga (E_095) à Dolisie apporte des compléments en sur la situation dans la ville pendant l’attaque des Cobras et Angolais (sœur Olga, religieuse portugaise, témoigne de ce que d’autres sœurs lui ont raconté).

En 1997, les cobras rentrent dans Dolisie la nuit. Ils rentrent chez nous (il y a la sœur Domiti qui est morte). Les armées font fuir les 2 jeunes jusqu’à Sala Ngolo. […] Il y avait le Père Lucien Favre (spiritain suisse) à Sala Ngolo. Il a aidé les sœurs, les a faites partir de la ville, puis a fui à pied dans le Mayombe. Les sœurs ne sont plus jamais revenues. La maison a été pillée, l’atelier de couture à l’arrière détruit. En face, il y avait la maison du ministre des finances de Lissouba : elle a été mitraillée, la maison des sœurs a reçu des balles qui ricochent.

Le récit de Chantal (E_059) témoigne lui de la difficulté pour les populations de Dolisie à cohabiter avec les Angolais et des tensions qui subsistent.

Pour la guerre 1997, au moment de l’entrée des Angolais, j’étais à l’hôpital avec ma fille (âgée de 2 ans, elle avait un problème au pied, elle s’était blessée avant l’arrivée des Angolais car les militaires de Lissouba mettaient la pagaille). J’ai passé un an à l’hôpital. Les Angolais et les Rwandais venaient demander de l’argent : « donne 2000 Lissoubas ! ». Mon père avait un insigne du PCT. Quand je le montrais, les angolais disaient OK et sortaient. Pendant 72 heures, on n’a pu sortir.

Les Angolais faisaient un barrage à Tsila64 en 1997. En octobre, en principe les enfants vont chercher des champignons, mais comme il y a les Angolais, ils n’y vont pas. Les enfants sont accusés d’être des cocoyes (les enfants de ma grande sœur). Les Angolais ont suivi le garçon

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

jusqu’à la maison. Ils demandent « diñero65 » (2000 FCFA). Alors on fuit, on va chercher un médecin traditionnel au village 11066, sur la route COMILOG.

Suite à la guerre de 1997, les Cobras sont recrutés massivement dans les FAC et la police nationale ; ils bénéficient après la guerre d’une totale impunité pour les actes accomplis et à venir. Le « Nord » règne sur « le Sud », qui se vit comme une région triplement occupée, par les Angolais, les Rwandais et les Cobras. L’armée n’étant plus que composée de gens du Nord, elle est amalgamée par les populations du Sud aux Cobras ; il est vrai qu’en dehors des moyens dont elle dispose, on ne peut guère la considérer comme étant une armée nationale. Pour de la Bretèche, il n’y a pas fin 1997 « d’armée républicaine » (in Rupture-Solidarité, 1999, p. 197).

Avec une telle situation de non règlement de la situation des forces armées, la non réintégration des militaires et officiers de carrière qui avaient soutenu le président Lissouba ou s’étaient abstenus de participer à la guerre de 1997, le maintien de la présence angolaise, l’absence de jugement des dérapages accomplis par les forces armées quelles qu’elles soient, la situation reste insurrectionnelle à la fois à Brazzaville et dans les régions Sud du Congo dans lesquelles se sont repliés militaires et miliciens pro- Lissouba. On peut se demander dans quelle mesure le pouvoir a cru à cette paix déclarée unilatéralement et ne montrant aucun signe de réconciliation ou d’unité nationale.

5.2 1998-1999 : Guerre de libération du Sud ou guerre de consolidation du

Outline

Documents relatifs