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5.2 1998-1999 : Guerre de libération du Sud ou guerre de consolidation du pouvoir ?

Cadre 13 : Faire une géographie de la survie

6.3 Un bilan humain et matériel important

Les problèmes de survie ne s’arrêtent pas à la signature du cessez le feu. La population en 2000 se trouve dans une situation critique, soumise à la malnutrition et l’absence de soins depuis 2 ans. Les entreprises comme les administrations sont fermées. Les villes ont été saccagées et vidées de leurs habitants. Le pillage et la destruction des habitations et de nombreuses infrastructures touchent fortement les populations, entrainant une forte décapitalisation. La plupart des gens ont perdu une maison, un emploi, un membre de leur famille, ou bien ont été touchés via la déscolarisation des enfants ou le manque de soins.

Il y a eu la destruction de la maison à Komono, et l’interruption de l’école (des enfants). J’ai deux grands frères qui travaillaient à Boplac et qui ont perdu leur travail. Viviane, E_276, Omoye.

La destruction notamment des réseaux de transports empêche la reprise économique et la mise en place de secteurs sociaux minimum, ou l’arrivée de l’aide internationale. Les zones rurales sont d’autant plus touchées que les secours sont absents, que les familles, séparées, sont souvent sans nouvelles des leurs, et que l’enclavement rend difficile les stratégies individuelles de reprise d’une activité économique. Les stratégies de survie continuent donc au sortir des guerres, alors que la situation sanitaire, sociale et économique est catastrophique.

6.3.1 Malnutrition, viols : des populations traumatisées

Outre les morts liées directement aux combats, la malnutrition, les maladies et les blessures en forêt ont causé de nombreux décès. Le SIDA (CNLS, 2003), très fortement propagé par les viols commis par les hommes en arme, est également à l’origine de nombreux décès, vu les circonstances dramatiques et l’absence de soins possibles (Le Pape et Salignon, 2001).

On enterre les gens sans cercueils… Gilbert, E_168.

Le plus grave problème est celui de la malnutrition généralisée des populations. Le manque de soins et de nourriture est responsable de nombreux décès. D’après le système de vigilance nutritionnelle mis en place par l’UNICEF et ACF, parmi les personnes rentrant des zones sinistrées (Pool, Niari, Bouenza et Lékoumou), 17,5% souffraient de malnutrition sévère et 17,4% de malnutrition modérée, contre 0,5% et 4,5% dans les populations vivant dans les zones non conflictuelles (PNUD, 2002, p. 61). La prévalence de la malnutrition serait encore en 2005-2006 de 60,04% de la population totale84.

Les viols ont été au Congo comme ailleurs une arme de guerre. Le rapport d’Amnesty International en 1999 mentionne qu’« en avril et mai 1998, les forces fidèles au président Sassou, notamment les « Cobras » et d'anciens soldats du gouvernement rwandais, avec l'appui de soldats des gouvernements de l'Angola et du Tchad, auraient tué plus de 100 civils non armés et violé des femmes à Mouyondzi, dans la région méridionale de la Bouenza. Les homicides auraient été commis en représailles au meurtre d'un policier et d'un représentant du gouvernement par la milice des « Cocoyes ». Les forces

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Données de la délégation de l’Union Européenne au Congo

Chapitre 6 : Des guerres contre les civils

gouvernementales auraient brûlé de nombreuses maisons et pillé des biens privés ». Dans un compte-rendu fait par le HCR-Gabon en 2001, il est mentionné le cas d’un jeune militaire qui « a évoqué les sévices et les viols que les membres de sa famille avaient subis de la part des Cobras dans la Bouenza, parce que lui était "Cocoye" ».

Les viols sont recensés tant du côté des forces de Sassou que du côté des milices Cocoyes ou autres.

Avec l’arrivée des Angolais à Dolisie, les filles sont devenues des cibles, pour avoir des infos, pour livrer les frères combattants. Les filles qui sortent avec des angolais se font tuer par les congolais. Mathilde, E_085.

Ils [les miliciens Ninjas] venaient du Pool, ils voulaient à manger, ils font des pillages, des viols. Yamba, E_128.

Surtout Dolisie a été touchée : il y a eu des tueries, des viols, des destructions de maisons… E_042.

Les viols ont fait qu’il y a eu une augmentation de la séropositivité, et de nombreux enfants. DD Femmes Bouenza, E_132.

Les miliciens avaient la volonté que tout le monde participe à la guerre : les hommes doivent aller au front sinon il y a des pillages, des viols, l’obligation à commettre l’inceste. PNDDR, E_031

L’étude faite par R. Lalou et al (2004) caractérise bien les faits et montre la place particulière qu’ont eues les villes de la vallée du Niari (Nkayi, Dolisie, Madingou) dans ces processus de violence (Figure 9).

FIGURE 9 :VIOLENCES SEXUELLES SUBIES PAR LES FEMMES DÉPLACÉES (2003).LALOU ET AL,2004, P.27.

Ainsi les cas de viols sont nombreux, mais hormis à Brazzaville ils ne sont pas pris en charge ni du point de vue médical ni psychologique. Il faut attendre le PCR (Projet de consolidation de la réconciliation par l’appui aux populations touchées par les conflits) de l’Union Européenne, qui se met en place à partir de 2009-2010 (E_324), pour que cette thématique soit abordée ; on peut également citer une enquête PNUD réalisée en mai 2009 pour le projet PRESJAR II (E_129), mais qui n’a pas eu de suite à ma connaissance.

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

Les témoignages (E_132, 136, 078) citent également une augmentation des viols après la guerre, du fait des mauvaises habitudes prises par les jeunes. C’est ainsi que nous avons pu voir des affiches de prévention à Dolisie en 2009 (elles n’existaient plus en 2010), affiches installées par l’IRC (mais nous ignorons tout de cette campagne de prévention).

PHOTO 18 :CAMPAGNE DE L’INTERNATIONAL RESCUE COMITY (IRC) CONTRE LE VIOL,DOLISIE,2009.

Pour Gilbert (E_168), l’arrêt des viols marque le véritable retour à la paix :

Aujourd’hui c’est la paix car on ne nous viole plus. Il n’y a plus de coups de feu (E_168, Gilbert).

6.3.2 D’importants pillages

Les pillages n’ont épargné personne, que cela concerne les zones de front ou les zones de repli des populations - qui sont aussi les zones de repli des milices. Ainsi, les pillages sont tant le fait des milices locales que des militaires extérieurs, mais ils sont aussi le fait des populations, qui parfois fuient en emportant des tôles prélevées sur des structures dont le propriétaire est absent (telle l’entreprise Ordon café à Sibiti, Ob_71), ou plus tard, comme au lycée de Sibiti ou dans la gare de Makabana où se sont les populations à la recherche de matériaux de reconstruction qui ont détôlé les bâtiments. Selon le sous- préfet de Mbinda, un développement du marché chinois du fer a été observé après la guerre : les sociétés chinoises achètent alors les ferrailles, carcasses,… et offrent une prime pour récupérer les rails (E_197).

[Au lycée de Sibiti,] les bâtiments ont été détruits surtout pour vendre les tôles (500 à 300 FCFA pièce). Il y a eu seulement le pillage. E_169.

À Makabana, la gare et les bâtiments étaient encore en bon état après la guerre, ce sont les gens qui ont, après la guerre, pillé pour récupérer le matériel. Les structures métalliques maintenant sont en train d’être démantelées puis vendues. Philippe, E_072.

La guerre n’est pas arrivée à Bambama. Mais il y a des jeunes gens incontrôlés qui ont fait les fous. La sous-préfecture a été détruite, il y a eu la destruction des archives, surtout des infrastructures de l’État. Ils ont voulu détôler le dispensaire, les gens s’y sont opposé. Ils ont volé le bétail, les volailles,… il y a eu de rares règlements de comptes mais pas de mort d’homme. SP Bambama, E_377

Chapitre 6 : Des guerres contre les civils

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

PHOTOS 19 :LA GARE DE MAKABANA ET LE « BUFFET DE LA GARE », À L’ABANDON (2009).BÂTIMENTS ET TÔLES ONT ÉTÉ BOMBARDÉS ET PILLÉS.

Ainsi, on peut noter plusieurs points récurrents dans les récits de pillages : une première rupture en 1997, des fermetures d’infrastructures, des premiers pillages. Ensuite, pendant la guerre de 1998-1999, un pillage systématique de la part des milices, qui prennent notamment le matériel roulant pour leur utilisation personnelle et qui revendent les matériaux volés à l’étranger (et notamment au Gabon) pour acheter des vivres et des munitions. Enfin, dans une troisième étape, les populations à leur tour pillent ce qui reste à prendre pour leur usage personnel, tel le pillage des fils de téléphone à la gare de Mossendjo pour se faire des étendoirs à linge !

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