• Aucun résultat trouvé

politique congolais de l’Indépendance aux élections de

Cadre 7 : Biographie succincte de P Lissouba

5.1 Des violences qui accompagnent le gouvernement Lissouba

Reprenons un instant notre chronologie, arrêtée après l’élection de Pascal Lissouba à la présidence de la République du Congo, grâce à une alliance avec le PCT de Denis Sassou- Nguesso.

Le non respect de cette alliance par Lissouba devenu président (qui refuse des postes ministériels au PCT) se solda par un renversement d’alliances, puisque le PCT s’allie alors au MCDDI, ces deux formations unies devenant majoritaires à l’Assemblée nationale. La dissolution de cette dernière par le tout nouveau président entraine une crise politique qui s’aggrave avec l’armement des milices privées, l’appel à la « désobéissance civile » par l’opposition et l’érection de barricades.

5.1.1 La guerre « fratricide » de 1993-1994

Le premier conflit débute en 1993 avec les élections législatives anticipées de mai. Au premier tour, la mouvance présidentielle est majoritaire (62 sièges de députés), pour 49 à l’alliance URD-PCT. L’opposition dénonce des fraudes, quelques affrontements ont lieu. Les résultats du second tour confortent la majorité présidentielle (69 sièges) ; l’opposition décrète aussitôt la désobéissance civile dans le pays. Dans les jours qui suivent, des barricades sont dressées à Brazzaville. En juin, des institutions parallèles sont mises en place par l’opposition. Après le 7 juillet, les bandes armées sèment la terreur dans la ville ; les milices Ninjas et Cobras quadrillent les quartiers de Brazzaville, et les Ninjas chassent les populations Niboleks de Bacongo et Makélékélé. Les Aubevillois répliquent. Un arrêt des hostilités signé le 26 juillet entre un représentant de la mouvance présidentielle et B. Kolélas prévoit le désarmement des milices privées (Cobras et Ninjas). Le 31 juillet 1993, l’Accord de Libreville règle le conflit électoral et le désarmement. L’assemblée nationale nouvelle (65 sièges pour la mouvance présidentielle, 57 pour l’UDR-PCT) est convoquée le 15 octobre mais est boycottée par l’opposition.

Le conflit reprend en novembre : le 3 novembre, les FAC pilonnent les quartiers Sud de Brazzaville (pro-Kolélas) sous prétexte de mater les milices armées de l’opposition. C’est le véritable début de la guerre de 1993 et l’entrée dans le conflit des milices Zoulous. Les combats opposent les Ninjas de Bernard Kolélas aux Zoulous. On assiste alors à un chassé croisé de populations dans les quartiers Sud, les milices procédant à de nombreux tests linguistiques comme référent identitaire permettant d’identifier « l’ennemi ». Les « Niboleks » sont chassés de Bacongo qui devient le fief de B. Kolélas ; les « Tcheks » sont en retour chassés de Diata, Mfilou, Moutabala, Makazou (Cartes 30). Les tensions (assassinats, pillages) se soldent par un blocus militaire du quartier de Bacongo et durent jusqu’à fin janvier 1994.

Le 30 janvier 1994, le Comité parlementaire interrégional, qui regroupe les députés du « Niboland » et du Pool, rédige un cessez-le-feu qui met fin au conflit. La solution vient donc non pas de la capitale mais des régions, impliquées à ce moment là dans la résolution du conflit.

Chapitre 5 : Une décennie de guerres dans les pays du Niari

CARTES 30 :LA GUERRE DE 1993-1994 À BRAZZAVILLE (IN DORIER-APPRILL,2001, P.102).

Ce conflit contredit l’opposition « fondatrice » Nord-Sud, puisque il a lieu uniquement entre les ressortissants du Sud, dont la plupart appartiennent même à une même ethnie Kongo. Ce conflit, éminemment politique, a cependant été primordial dans le sentiment d’une identité commune « Nibolek ». Par conséquent, les conflits entre les Ninjas et les milices Niboleks à Brazzaville ont des répercussions dans les régions d’origine des milices, le Pool et les pays du Niari, alors même qu’il n’y a pas encore milices proprement dites dans ces régions. Les violences commises sont le fait des populations civiles pour la plupart.

On peut également relever quelques oppositions internes aux pays du Niari : ainsi, des témoignages concordants affirment qu’en 1993, les Bembé (de Mouyondzi) se sont battus contre les Zoulous (E_102). Une opposition des gens de Mouyondzi contre les Cocoyes et les Aubevillois est également mentionnée dans Rupture Solidarité Congo-Brazzaville (1999, p. 116).

Dans mes entretiens, le conflit de 1993 est devenue flou, tant il a été occulté par celui de 1998-1999. La honte a aussi empêché certains de parler. Ceux qui malgré tout ont pu en parler mentionnent systématiquement la fuite des populations Laris, et le pillage et l’incendie de leurs maisons. En effet, le conflit se traduit à partir de juillet 1993 par un départ massif des ressortissants du Pool.

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

À Dolisie, la fuite des gens du Pool est très souvent mentionnée (E_023, 049, 227, 228, 239…). Colombe ou Jacqueline ont par exemple dû retourner dans le Pool pendant les violences en raison de leur origine (E_065 et E_263).

En 1993, on est partis d’ici avec mes parents car mon père est lari (du Nord de Mindouli). (Colombe, E_065).

Le quartier Tahiti a été vidé de ses habitants (E_037, 039 ; Carte 31), ainsi que le quartier Bacongo, juste à côté, un des plus peuplés de la ville, dont de nombreuses maisons ont été détruites (E_042).

CARTE 31 :LES QUARTIERS DE DOLISIE À DOMINANTE LARI TOUCHÉS EN 1993.(QUARTIERS NON OFFICIELS, DESSINÉS AVEC COLOMBE À PARTIR DU PLAN DE LA MAIRIE ; LES LIMITES EXTÉRIEURES DE LA VILLE NE REFLÈTENT

PAS LE CARACTÈRE ÉVOLUTIF DE L’OCCUPATION.)

PHOTOS 13 :MAISONS DÉTRUITES AU QUARTIER BALUMBU ET QUARTIER CAPABLE DE DOLISIE (PHOTOS MBOUNGOU,1995).

Chapitre 5 : Une décennie de guerres dans les pays du Niari

On retrouve le même phénomène dans une autre ville, Mossendjo, où le Quartier 6, alors le plus dense de la ville, aurait été vidé de ses habitants laris en 1993 (E_227, 228, Carte 32).

CARTE 32 :QUARTIER DE MOSSENDJO À DOMINANTE LARI TOUCHÉ PAR LES GUERRES EN 1993(LES Q9 ET Q10 NE FIGURENT PAS SUR LA CARTE.SOURCE :E_228 ET PLAN MAIRIE).

PHOTOS 14 :LE Q6 DE MOSSENDJO, ABANDONNÉ PAR LES POPULATIONS LARIS EN 1993, TOUJOURS EN PARTIE À L’ABANDON (CLICHÉS 2010).

Des pillages et fuites de populations Laris sont également signalés (de manière non exhaustive) à Mayoko et Mbinda (E_198), Loudima et la vallée du Niari (Bouenza) (E_184, 036, 122), Sibiti (E_169), Mayéyé (Ihoundou, E_143).

À Loudima, la fuite des religieuses (E_179) qui occupaient l’ancien camp de la Swapo occupé depuis par l’école Notre-Dame de la Namibie a été également vécue comme un traumatisme par les populations, puisque c’est ici le climat d’insécurité qui a fait fuir les sœurs. C’est après cet évènement que le centre a été affecté à la formation des bottes rouges/ Cocoyes. C’est donc bien l’ensemble du « Niboland » qui est concerné par cette « chasse aux Laris », ce qui contribue à créer un climat d’insécurité qui enfonce un peu plus la région dans la crise.

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

La conséquence la plus importante pour la région de ce conflit de 1993-1994 dérive du départ en masse des Laris des Pays du Niari. Ces derniers étaient très nombreux dans les administrations et dans l’agriculture, notamment maraichère, destinée à alimenter le marché urbain des grandes villes de la vallée, et de Brazzaville et Pointe-Noire. Leur fuite a entraîné l’abandon de nombreux périmètres de cultures vivrières, engendrant une baisse de la production agricole dans la vallée du Niari, affectant la vallée et les approvisionnements des deux grandes villes (cf. E_122). Clémence Ditengo (E_023) qui réalise une thèse sur le foncier à Dolisie, signale par exemple après la guerre de 1993 de nombreuses ventes de terres dans le périmètre maraicher de Dolisie de la part de propriétaires Laris. Depuis, cette zone a été entièrement construite.

En 1993 il y avait plusieurs fermes à Dolisie, fermées en 1993 à cause des conflits Laris / autochtones. (E_049)

Le départ des fonctionnaires Laris, cadres administratifs, enseignants ou soignants, a entrainé une dégradation des services, notamment dans les zones urbaines, et jusqu’à ce jour la situation n’a pas été rétablie.

Les impacts de 1993 ? il y a eu des déplacements des populations et des cadres du Pool. C’est depuis 93 à Sibiti qu’il y a un déficit en enseignants et personnels de santé. (DD Plan Lékoumou, E_169)

Peu de témoignages signalent des décès de Laris ; ils étaient souvent liés par des liens familiaux avec les populations locales. Cependant, quelques meurtres ont été évoqués, voir même un massacre de Laris qui auraient été jetés à la rivière enfermés dans un conteneur (E_089). Un autre témoignage dit des Zoulous qu’ils étaient « très méchants ; ils ont tué les laris. Ils pilent les bébés laris dans le pilon » (E_102). On retrouve des récits symétriques à Mfilou (Dorier-Apprill, 1998). Il est difficile de savoir quel crédit accorder à ces témoignages très minoritaires et souvent indirects. Il existe une forme de fantasmagorie (Bazenguissa-Ganga, 1996, p. 24, parle d’« intoxication psychologique ») sur ce genre d’évènements, destinée à convaincre les deux camps de la nécessité de cette guerre fratricide ; le crédit à accorder à ce type d’information est donc relativement limité.

Les pillages nombreux dans la ville sont également à l’origine du départ de certains commerçants portugais, tels Clémente ou « Petit pois », qui semblent avoir marqué la vie de la ville, et sont plusieurs fois mentionnés dans les entretiens (E_227 ; 037). Ces derniers étaient en outre certainement déjà pénalisés par la fermeture de la COMILOG.

Cadre 10 : Les effets collatéraux de la guerre de 1993 sur les populations étrangères et le

Outline

Documents relatifs