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5.2 1998-1999 : Guerre de libération du Sud ou guerre de consolidation du pouvoir ?

5.3 Une typologie du contrôle et de la conquête territoriale

Nous avons essayé de construire une typologie des territoires dans la guerre. L’échelle régionale, à un niveau intermédiaire entre échelle micro-locale et échelle nationale, prend ici tout son sens. Cette typologie n’est pas liée à une date particulière mais synthétise l’essentiel des enjeux territoriaux sur l’ensemble de la période 1998-2000.

77 Point (a) de l’accord, confirmé par la loi d’amnistie 20-99 du 20 décembre 1999. 78

Ensemble hétérogène formé (avec plus ou moins de tensions internes) des différents mouvements de guérilla du grand Niari (Cocoyes de la Bouenza, Lekoumou et Niari) et du Pool (Ninjas, Nsilulus). La multiplication des mouvements, alliances, les changements de noms permanents rendent la lecture du conflit relativement ardue.

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Extrait d’un entretien du colonel Emmanuel Boungouanza avec les journalistes de la presse internationale, http://congo-brazzaville.ifrance.com/congo-brazzaville/congo- brazzaville/interview_bounguanza_presse_internationale6.html

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Pour la guerre du Pool (2002-2004), voir Dorier et Joncheray, 2012, et Dorier et al, 2011 : rapports du PADEC dans lesquels a été réalisé un gros travail de cartographie sur le Pool.

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

Ici, les critères de la typologie adoptés sont de plusieurs ordres. En ce qui concerne les espaces occupés, il s’agit de savoir par qui ils le sont, selon que ce soient des hommes armés, dans le « camp » Sassou, ou bien par les Cocoyes (ou autres milices du « Niboland ») ou même Ninjas (Pool). Mais il faut aussi repérer les zones de combats, extrêmement disputées quelques soient les phases de la guerre, même si le contrôle est principalement du fait de l’armée dominante, à savoir les nouvelles FAC (ex-cobras) associées aux militaires et mercenaires angolais et rwandais (pour l’essentiel) ; les milices y font régulièrement des incursions (ex : axe CFCO). Il s’agit également de repérer les fronts, quelque peu stabilisés, favorisés par le terrain (le long du Niari, les ouvrages d'art tels à Pika-Songho ou Pont du Niari). Enfin, un certain nombre de « hauts-lieux » ont une influence particulière sur le cours de la guerre. Il s’agit de points de passage frontaliers, systématiquement associés à un marché, essentiels pour le ravitaillement des miliciens et les trafics en tout genre ; les zones militaires stratégiques comme le chemin de fer, la centrale hydroélectrique de Moukoukoulou et les transformateurs électriques, ou les ponts. Nous avons ajouté l’usine Saris, seule unité de transformation de la région dont l’outil de production a été préservé grâce à la présence des forces armées. Les villes, en tant que symboles de l’autorité de l’État, mais aussi en tant que lieu de concentration des richesses, sont aussi des hauts-lieux.

Chapitre 5 : Une décennie de guerres dans les pays du Niari

Conclusion

La décennie 1990 a vu se succéder au Sud du Congo plusieurs guerres des milices, très différentes en fonction des motivations et des acteurs qui les ont animées. Les territoires ont également été diversement touchés. En 1993 et 1997, la capitale Brazzaville a été la plus touchée, mais de nombreuses répercussions ont été perceptibles dans les pays du Niari, notamment du fait de départ de certaines populations, ou d’arrivées de déplacés internes. En 1998-1999, la guerre a particulièrement touché les pays du Niari, dans lesquels ont eu lieu de nombreux combats et bombardements, obligeant les populations à fuir dans les marges de la région ou à l’étranger. L’opposition des forces armées congolaises, alliées aux Cobras, Angolais, et à quelques factions de mercenaires, face aux milices Cocoyes et Mambas sous l’autorité d’officiers loyaux à Lissouba a suscité partout des violences et des exactions. Leurs principales victimes sont avant tout les populations civiles, prises en étau entre les différentes forces armées (FAC, milices et mercenaires), et qui ont tout perdu dans les conflits. Guerres ethniques, politiques, économiques ou de « libération », toutes ont pour point commun d’avoir manipulé et mobilisé des identités excluantes et d’avoir fait de la violence le principal moyen d’expression politique et économique.

Les récits de vie et récits des évènements faits par les populations interrogées permettent de compléter et approfondir nos connaissances sur les évènements ayant eu lieu dans les «Pays du Niari », fortement occultés. Ils permettent également, loin de chiffres englobants et impersonnels, de donner des visages, des noms aux victimes, et de faire ressortir tout le tragique des guerres. Comment reconstruire, revivre, si l’on nie la souffrance humaine?

C

HAPITRE

6 : Des guerres contre les civils

Les conflits dans les pays du Niari ont été largement occultés par les médias nationaux et internationaux du fait de l’impossibilité de se rendre dans la région, bouclée militairement. Les premières personnes « extérieures » à avoir pu rentrer dans les pays du Niari faisaient partie d’une mission de MSF en avril 2000. Le travail de reconstitution des faits constitue donc un enjeu fondamental pour la mémoire et la reconstruction de la région. Les récits des populations, qui mentionnent leurs difficultés de survie, leurs déplacements, leurs stratégies de ravitaillement, constituent à ce titre des témoignages exceptionnels.

Les guerres ajoutent leurs destructions aux crises préexistantes pour aboutir à un bilan catastrophique pour cette région, gravement sinistrée, et ses habitants. Lorsque la mission MSF arrive sur le terrain, c’est pour y trouver des villes détruites, des populations traumatisées originaires de tout le sud du Congo ; la majeure partie des ressources qui faisaient la richesse de la région sont désormais inexploitables.

Si les coûts économiques et sociaux du conflit sont bien détaillés dans le rapport de développement humain de la République du Congo (PNUD, 2002), intitulé Guerres, et

après ?, ce rapport ne donne pas de nuances régionales. La plupart des bilans réalisée sur

l’état des populations rentrant de leur fuite ont été faits à Brazzaville par Médecins Sans Frontières (MSF, 2000 ; MSF, 2003, Le Pape et Salignon, 2001 ; Le Pape, 2004), et concernent essentiellement des Brazzavillois et des populations déplacées du Pool.

Nous ferons place dans ce chapitre aux témoignages de la vie en guerre des populations et dresserons un bilan de la situation à la fin des conflits.

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