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profondément politiques

Cadre 8 : Le défrichage forestier autour de Léfoutou, sur les sommets ferrugineu

3.4 Des foyers de peuplement ruraux et urbains

3.4.3 La constitution d’un réseau de villes moyennes

Le dynamisme des activités agricoles, forestières, industrielles et la possibilité de communications relativement aisées ont permis le développement du seul réseau de moyennes et petites villes du pays, avec la présence de trois des 4 communes du pays (outre Brazzaville et Pointe-Noire) : Dolisie, Nkayi et Mossendjo, et de plusieurs autres villes moyennes telles Sibiti ou les gares le long des voies ferrées : Makabana, Loudima, Madingou. Agrovilles ou villes industrielles, toutes ont contribué à doter les pays du Niari d’un réseau urbain relativement équilibré (Carte 20).

En dehors de Brazzaville et Pointe-Noire, qui rassemblent la majorité de la population (46% en 1984, 56,5% en 2007), Dolisie et Nkayi, villes de l’or vert et du sucre, parviennent à attirer de nombreuses populations. Avec leurs 79 852 et 46 727 habitants en 1996 (RGPH provisoire), les 2e et 3e villes du pays possèdent 4,88 % de la population nationale (cette proportion est restée stable depuis l’indépendance). Elles exercent une influence sur une aire assez vaste, allant jusqu’aux frontières du Gabon pour Dolisie et de la RDC pour les deux (Mboyi, 1996). Situées sur le CFCO, elles exercent également le rôle de relais commerciaux actifs pour le ravitaillement de Pointe-Noire et Brazzaville, en captant les productions nombreuses de leurs arrières pays. Dolisie (ex Loubomo), troisième ville du pays, en plus d’être un relais entre Brazzaville et Pointe-Noire, est en situation de carrefour avec les routes du Cabinda et du Gabon. L’entreprise SOCOBOIS assurait jusqu’en 1992 de nombreux salaires mais finançait également des institutions telles les Assurances et Réassurances du Congo (ARC) ou le Conseil départemental. Autour de quelques entreprises phares comme la COMILOG ou SOCOBOIS gravitaient de nombreux entrepreneurs étrangers qui travaillaient dans le bois, le commerce ou la fourniture de services aux expatriés (la SARRE, boulangerie française, étendait ses activités sur tout le bas Niari). La ville de Nkayi (ex Jacob) s’est construite autour du complexe de la SIAN, qui comprend en 1963 plus de 2500 travailleurs (Vennetier, 1963). Elle a connu un développement important jusqu’à nos jours. Ces deux villes polarisent toujours aujourd’hui les activités et les populations de la région, malgré de profonds bouleversements pendant et depuis les guerres.

Il existe également dans les pays du Niari un semis de petites et moyennes villes, nées des dynamiques rurales mais qui ont permis l’apparition de la vie urbaine (Villien-Rossi, 1978, p. 259). Ces villes fonctionnelles organisent l’espace régional et servent de relais urbain entre les villages et les centres ruraux et les grandes villes (Mboyi, 1996). La plupart de ces villes (les deux exceptions notables sont Mouyondzi et Sibiti) sont en situation de carrefour entre le chemin de fer et des axes routiers ou un arrière pays agricole ou forestier. Ces villes ont des fonctions administratives (Mossendjo, Madingou, Sibiti, Mouyondzi), industrielles (Mossendjo, Makabana, Loutété, Mbinda), de relais agricole (Bouansa, Loudima, Mouyondzi, Mont-Bélo) ou commercial (Sibiti).

Au cours des années 1980, la croissance de ces centres urbains secondaires est importante, ce qui amène l’INRAP à consacrer une page complète à ce phénomène unique sur le territoire congolais (Figure 6).

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

Chapitre 3 : Les pays du Niari, des territoires fonctionnels et profondément politiques

Mossendjo, la capitale du Chaillu forestier (région assez peuplée), est dès 1910 un centre collecteur des produits de traite (ivoire et caoutchouc) d’un vaste hinterland (Mboyi, 1996b, p. 247) et devient en 1911 un poste administratif. Elle connait son apogée au début des années 1980 grâce à l’arrivée de la COMILOG, des forestiers et des entreprises agro-industrielles d’État (11310 habitants en 1974, 16458 en 1996) ; elle devient alors la 4e ville du Congo. Mais la ville, à la veille des guerres, était déjà en crise en raison de l’épuisement des forêts et de la chute des cours du bois à partir des années 1980 ; scieries, entreprises et commerces ont fermé, tout comme les multiples entreprises d’État : scierie, ferme avicole (SONAVI – Société nationale d’aviculture), huilerie, mais également le centre de formation aux métiers du bois et les entreprises industrielles liées au bois (SIBOM - Société industrielle des bois de Mossendjo). La suspension des activités ferroviaires de la COMILOG en 1991 a aggravé la situation en entravant les dernières sociétés forestières actives.

Makabana, siège de la COMILOG Congo, apparait avec ses 6754 habitants en 1974 comme une vraie ville, plus que Jacob (Nkayi) ou Mossendjo (Villien-Rossi, 1978, p. 323), du fait de son dynamisme et de ses nombreuses infrastructures. Chacun de ses 9 quartiers est organisé autour d’une entreprise et porte son nom ou celui de son propriétaire : CITRA, Congo-Bois, Sathoud Olivier, Quartier industriel… Dans la Bouenza, des villes comme Loutété ou Bouansa, pourtant sans aucune fonction administrative, se développent autour de leur gare. À Loutété, c’est la présente de l’unique cimenterie du Congo qui dynamise la ville, en sus des activités liées au débouché de la route vers les chantiers miniers de Mfouati et Boko-Songho. Bouansa constitue quand à elle le point de rupture de charge avec le très dynamique bassin agricole de Mouyondzi. Quand à Sibiti, chef-lieu de la Lékoumou, ses fonctions administratives sont la seule base de son développement, et sa position avancée vers les régions enclavées de la Lékoumou. À l’extrémité du seul axe doté d’une voie goudronnée en 1986 (avec la route Loutété-Mfouati), elle est un lieu de fixation des populations en transition entre la Lékoumou et la vallée du Niari ; la présence des chantiers de la Socobois, de l’IRHO (institut de recherche des oléagineux) et de Grand Bois constituent un léger salariat complémentaire aux fonctionnaires qui permettent en ville une circulation monétaire.

PHOTOS 10 :LE CINÉMA DE MOSSENDJO EN 2010 ;ANCIENS ÉTABLISSEMENTS PORTUGAIS À DOLISIE, RUE CIALVADINI.

Les activités industrielles liées à l’exploitation des ressources minières, forestières et agricoles ont favorisé le salariat et par là même dynamisé les villes, puisqu’une grande

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

partie des salaires étaient dépensés sur place. Makabana, Dolisie, Mossendjo, Nkayi, Loudima, Sibiti, Loutété étaient alors des villes prospères dans lesquelles il était relativement aisé de se rendre ; toutes bénéficiaient d’activités propres permettant à une certaine partie de la population de vivre relativement bien, de bénéficier de loisirs tels cinéma, piscines, échanges culturels et sportifs.

M.-L. Villien-Rossi associe par exemple la réussite des forestiers aux investissements réalisés dans les bars à Dolisie (comme « bois du Congo »), taxis et autocars à Brazzaville. Ils sont aussi les propriétaires d’hôtels-restaurants à Mossendjo (« le « Louéssé palace »), de boucheries, du cinéma, d’immeubles, de chambres à louer. Ce dynamisme a attiré d’autres commerçants : il y avait en 1972 à Mossendjo huit boutiques de portugais, et deux entreprises commerciales venant de Dolisie et Pointe-Noire. Certes, ces activités étaient fortement liées à la présence sur place d’expatriés (à Cidolou, Socobois, SUCO ou COMILOG), mais la population congolaise en profitait aussi à travers les services proposés.

Conclusion

Les pays du Niari se sont rapidement constitués en tant que carrefour de communications et pôle industriel incontestable dans le pays. La multiplicité des hommes et des territoires de la région ont constitué un atout permettant un développement diversifié. La région est donc le résultat d’un processus relativement long de construction économique et politique. C’est avant tout une région fonctionnelle au centre des circulations des hommes et des biens.

Se trouvant en situation privilégiée et bénéficiant de secteurs économiques forts, le développement social fut important grâce aux nombreux emplois de la région et aux activités connexes.

Cependant, la mise en valeur économique de la région est principalement une affaire d’initiatives privées à capitaux étrangers, ce qui entraine une fragilité du secteur économique. Face à un contexte économique national difficile à la fin des années 1980, et quand, au niveau régional, la COMILOG cesse brutalement ses activités au début de la décennie 1990, c’est tout l’axe du chemin de fer qui périclite; Makabana notamment est d’un coup reléguée de ville moyenne très dynamique à une ville fantôme. Face à cette situation de crise, l’insertion des pays du Niari dans la conflictualité du débat politique congolais s’appuyant sur une factice homogénéisation de la région a entrainé la région dans les guerres des milices des années 1990.

Il nous faut retenir ici la distinction et l’entremêlement de plusieurs catégories d’analyse qui permettent de définir les pays du Niari et qui répondent à notre problématique. En effet, les pays du Niari se définissent tour à tour comme une région administrative, politique, identitaire et fonctionnelle. Par conséquent, les répercussions sur chacun de ces domaines peuvent avoir un impact sur les territoires. Les guerres du Congo, en s’appuyant sur une identité sublimée des pays du Niari et en mettant à mal à la fois ses caractéristiques politiques et fonctionnelles, ont fondamentalement transformé la région.

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