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politique congolais de l’Indépendance aux élections de

1960-1963 Fulbert Youlou

4.1.2 La décennie 1980 : un pays fragilisé par de nombreuses crises

La vulnérabilité politique du pays est forte malgré un fort contrôle du PCT sur les populations. Pendant ses 23 ans de pouvoir (1968-1991), le monde a changé, accroissant la vulnérabilité économique et sociale du pays. Ces bouleversements aboutissent à la remise en cause du monopartisme en 1991.

La situation macro-économique, le prélude des guerres

Les conflits au Congo se sont produits dans un contexte de crise économique et financière. À partir de 1979 et de l’accession au pouvoir de Denis Sassou Nguesso, la compagnie pétrolière Elf joue un rôle de plus en plus important dans la politique congolaise. La présence du pétrole accroit les tensions pour l’obtention du pouvoir et du contrôle de la rente. Le pétrole fait espérer en un décollage économique rapide, avec l’élaboration notamment du plan quinquennal (Cadre 6), le plus connu, de 1982-1986, évalué à 3000 milliards de FCFA. Mais celui-ci, constitué à l’aide d’emprunts extérieurs, constitue un gouffre financier sans précédent. En outre, il n’y a pas de réel décollage, les projets sont autant d’« éléphants blancs ». Le plan quinquennal ne profite pas aux populations et les régions du Nord du pays sont privilégiées par ces investissements. L’argent du pays constitue au contraire une rente qui favorise le clientélisme, et le contrôle de la rente devient le principal enjeu de la compétition politique.

Cadre 6 : Le Congo, depuis l’indépendance, a connu différentes phases institutionnelles : « En dehors du plan quinquennal de développement économique et social 1982-1986 qui a modifié le tissu économique et social par le nombre et la qualité des réalisations, aucun autre programme n’a marqué la vie nationale de façon significative » (République du Congo, 2000, p. XVII).

Chapitre 4 : La « montée des périls » : les pays du Niari dans le jeu politique congolais de l’Indépendance aux élections de 1992

servirent de base à l’économie congolaise dans une période marquée par les rêves liés au pétrole, vient la période des Plans d’ajustement structurels : le premier en 1985, suivi du PASR : programme d’ajustement structurel renforcé, en 1987-1988.

Un Programme d’action économique et sociale (PAES) est programmé pour 1990-1994, mais il n’a pas été réalisé à cause de la Conférence Nationale. De nouveaux PAS sont lancés en 1995 et 1996 (PNUD, 2006a).

Chronologie :

Avec la chute des revenus pétroliers (contre-choc pétrolier) en 1985, la dette du Congo et le service de la dette s’accroissent considérablement. Cette situation se double d’une mauvaise gestion de la fonction publique, par exemple avec le recrutement automatique de tous les diplômés. Les effectifs de fonctionnaires sont pléthoriques43, ils représentent 87,5% du budget de l’État en 1990 (Yengo, 2006, p. 51) qui n’arrive plus à assurer leur traitement.

À partir des années 1980, la succession de plusieurs plans d’ajustement structurels accompagne une période de déclin économique importante : crise d’ajustement, libéralisation du commerce, baisse des recrutements dans la fonction publique (Diata, 1989). Les différentes réformes macro-économiques mises en œuvre ont en effet imposé des restrictions budgétaires drastiques à l’État et au secteur privé mal préparé.

Une crise sociale qui bouleverse le champ politique

L’État, obligé de se désengager des charges sociales directes a décidé l’arrêt des recrutements automatiques dans la Fonction Publique, et a procédé à de nombreux licenciements. La baisse de l’emploi a été également très marquée au niveau des entreprises, du fait de la réduction des subventions et des investissements publics puis des privatisations effectuées. Les sociétés d’État, telle que l’OCER (Office Congolais de l’entretien routier), sont déstructurées (1300 agents débauchés) et l’essentiel des services publics arrêtent de fonctionner. Ces mesures ont entrainé l’appauvrissement des populations. L’enquête ORSTOM de 1987 (programme NUTED) montre par exemple de gros problèmes de sous-nutrition des enfants (Cornu et al, 1990). C’est donc bien à une très forte augmentation de la vulnérabilité sociale à laquelle on assiste dans les années 1980, avec notamment un accroissement significatif du chômage et la fin du mythe de l’ascension sociale par l’école (Devauges, 1987 ; Dorier-Apprill, 1993).

Dans les pays du Niari, les populations sont fortement touchées par cette crise économique et sociale. La fermeture des entreprises publiques (OCC, OCV, OCER..)

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Sur 3 millions d’habitants, il y aurait plus de 70 000 fonctionnaires en 1990 (73 187 agents civils et militaires cités par Yengo, 2006, p. 51).

1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Plan triennal Plan quinquennal Plan d’action du redressement économique et social 1erPlan quinquennal Plan triennal DSRP Intérimaire DSRP PIPC Plan décennal PAS 85 et 90 Indépendance Période socialiste Guerres Conférence nationale

2ème partie : Une géohistoire des conflits dans les pays du Niari

entraine l’arrêt de la commercialisation des produits de la région. Le déclin est rural, il est aussi urbain puisque les fonctionnaires sont durement touchés. Dès avril 1990, la réduction du budget de l’État suite aux PAS se traduit par exemple par 777 licenciements à la sucrerie du Congo (Suco, future Saris, à Nkayi).

La région est très politisée : outre Brazzaville et Pointe-Noire, les villes des pays du Niari sont les seules à être citées comme actives pendant les grandes grèves de 1990 (Yengo, 2006). À Dolisie, ce sont les enseignants en grève qui manifestent ; les affrontements avec les forces de l’ordre font 14 blessés. Des manifestations de lycéens à Sibiti font trois blessés. « À la suite de ces mouvements, les établissements scolaires et universitaires de Brazzaville, de Pointe-Noire, Loubomo44, Mossendjo et Sibiti sont fermés par le gouvernement. » (Yengo, 2006, p. 59).

En septembre 1990, face à la croissance des tentions sociales et à l’incompréhension des dirigeants, la Confédération syndicale congolaise annonce son indépendance vis-à-vis du PCT, appelle à la grève générale et réclame la tenue d’une conférence nationale, à l’image de la « Conférence nationale des forces vives de la nation » de février 1990 au Bénin. La grève générale est suivie par tous, les villes se transforment en « villes mortes » et le pays est paralysé. Le gouvernement suspend alors les mesures du FMI mais les grèves continuent. Après l’entrée des églises (comme dans le Zaïre de Mobutu) dans le processus, le pluralisme politique est instauré. On assiste alors à la création de nombreux partis politiques, qui se fondent essentiellement sur la proximité (sociale, âge, emploi, région, ethnie..). Les populations sont alors fortement impliquées, y compris de manière violente puisque face à l’armée prête à réaliser un coup d’État, des barricades sont dressées et l’armée doit reculer. « Les barricades deviennent l’un des lieux d’apprentissage des pratiques politiques qui émergent au moment même où la capacité de l’armée à contrôler les alternances politiques se neutralise » (Bazenguissa-Ganga, 2001).

Le président D. Sassou Nguesso annonce lors de son allocution de fin d’année (1990) la tenue d’une Conférence nationale de février à juin 1991. Devenue souveraine le 10 mars (elle a la maîtrise de ses décisions et est exécutive), elle entérine la fin de plus de 25 ans de monopartisme et le passage à une économie libérale.

La Conférence Nationale est le point de départ d’un état d’instabilité politique. Non seulement elle n’a pas permis de résoudre les problèmes du passé, mais elle en a exacerbé d’autres. Ainsi, alors qu’il n’était plus fait officiellement référence à l’ethnie dans les années 198045, on observe une revitalisation de l’ethnicité à partir de la Conférence Nationale. Avec l’élection de Mgr. Kombo au praesidium de la Conférence nationale et celle de Milongo comme premier ministre, ce sont deux Laris qui accèdent au pouvoir. Lors de cette conférence, « les luttes de pouvoir internes au « Sud » se nourrissent d’une mémoire de conflits pour l’hégémonie ethnique ou régionale au sein de cet espace » (Tonda, 1997, p. 260).

La CNS fragilise le pays en ce qu’elle conforte des divisions et soumet un modèle de modernité politique auquel les élites et la population sont mal préparés, dans un contexte d’effondrement de l’État. En même temps, les anciennes élites gardent les rênes du

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Nom de Dolisie entre 1975 et 1991.

Chapitre 4 : La « montée des périls » : les pays du Niari dans le jeu politique congolais de l’Indépendance aux élections de 1992

pouvoir, évacuant l’espoir d’un renouvellement de la classe politique. Cela crée un contexte de nouvel État propice aux tensions et à la mobilisation des groupes partisans (Bonzon, 1967).

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