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post-conflit

2.3 Les dessous d’une complexe cartographie de terrain

2.3.1 Une cartographie presque inexistante au Congo

Nous disposions au démarrage de cette thèse de deux types de données cartographiques : tout d’abord une cartographie au 1 :1 000 000 du Congo, réalisée par l’IGN France en 1993. Ensuite, d’une ensemble de planches au 1 :200 000, réalisées par l’IGN (colonial) dans les années 1950-1955. Ces deux sources sont à la base du SIG créé à partir de 2006 au LPED. L’intégralité des limites administratives, de l’hydrologie, de la voirie, des localités etc. a été peu à peu vectorisée au LPED par les chercheurs et étudiants de « l’équipe Congo ».

La recherche de terrain a permis de compléter ces sources par la cartographie congolaise locale, plus récente, mais lacunaire. En effet, les élites locales et les administrations déconcentrées et décentralisées ont rarement une carte valable de leur région, et les projets sont en grande parte tributaires de cette cartographie sommaire.

CARTES 3 :CARTES DE BOKO-SONGHO, FAITES RESPECTIVEMENT PAR L’INSPECTEUR ET L’INFIRMIER DU DISTRICT.

Dans l’exemple ci-dessus (Cartes 3), on peut voir quels sont les outils dont disposent les cadres du district de Boko-Songho. La première est une photographie du cahier de l‘inspecteur de l’enseignement primaire ; il y a dessiné les axes du district et a élaboré ainsi des « tournées » qu’il parcourt à pied et à vélo, afin de visiter régulièrement les écoles du district. La seconde carte est placardée sur un mur du centre de santé intégré (CSI) de Boko-Songho ; c’est une photocopie d’une carte dessinée sur une feuille A4. La cartographie dont disposent les cadres du district est ainsi très limitée, elle est avant tout fonctionnelle, résultant de la pratique du terrain ; ces acteurs n’ont jamais vu de carte à l’échelle du territoire qu’ils couvrent.

On retrouve cette cartographie sommaire dans la quasi-totalité des districts de la région (et du Congo), et ce à différentes échelles : plans de villes, districts, mais aussi départements.

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

CARTES 4 :CARTES DES DISTRICTS DE MABOMBO (BOUENZA),YAMBA (BOUENZA),ZANAGA (LÉKOUMOU), KIBANGOU (NIARI).

CARTES 5 :CARTES DES DISTRICTS DE MAYOKO ET LOUVAKOU

Chapitre 2 : Méthodologie d’une géographie du post-conflit

On voit ici (Cartes 4) plusieurs exemples de cartes de districts « officielles ». La plupart du temps, il s’agit commandes faites par les sous-préfets à une personne connaissant bien la zone, et qui dessine le district tel qu’il est perçu ; parfois, il peut s’agir de la réutilisation d’une carte faite à une autre échelle, tel l’exemple de la carte de Zanaga où une carte sommaire du département de la Lékoumou a été reprise, le district de Zanaga étant simplement délimité en bleu. Souvent, cette cartographie ajoute une information utile pour l’utilisateur/le commanditaire de la carte : les écoles, les centres de santé ou le recensement des villages. Certaines de ces cartes sont illisibles à force d’avoir été utilisées, copiées, recollées (Cartes 5, Mayoko). D’autres sont protégées et peuvent constituer la fierté d’une sous préfecture, telle celle de Louvakou, encadrée, et réalisée par un cartographe professionnel.

À l’échelle urbaine, on retrouve le même type de représentations (Cartes 6). La « ville » de Bambama (2319 habitants en 2007) a ainsi élaboré son propre schéma directeur, relativement élaboré. Ce type de représentation cartographique est emblématique de la présence d’une personnalité de la ville ayant sans doute fait de la géographie ou de l’aménagement. Rares sont ces représentation urbaines dans les districts. En dehors des communes (Dolisie, Nkayi et Mossendjo), nous n’en avons trouvé qu’à Bambama, Komono (où sont indiqués, de manière assez sommaire, les différents quartiers), et à Loudima.

Dans les communes, il existe d’autres types de cartes, mais tout aussi lacunaires (Carte 7). Ces plans papiers, déjà datés, sont souvent les seuls supports aux politiques de la ville. Nous disposons pour notre part de quelques plans plus précis (1/1000e à Dolisie) mais anciens, et surtout d’orthophotos de 2006 pour Dolisie et Nkayi, mais ces documents restaient en 2009-2010 inaccessibles aux directions municipales dépourvues de moyens. La situation n’est pas meilleure au niveau des services départementaux. Les Cartes 8 sont deux exemples de la cartographie de la Direction départementale de l’enseignement général du Niari, basée à Dolisie. De nouveau, les cartes sont faites à la main, les indications qui y figurent sont uniquement fonctionnelles : axes, circonscriptions et établissements.

Il faut remarquer la qualité artistique de certaines de ces cartes, dont nous espérons qu’elles ne disparaîtront jamais totalement au profit de cartes certes plus fiables mais plus impersonnelles.

Cette situation de « bricolage » cartographique n’est pas liée à l’absence de données et de cartes, mais plutôt à leur non diffusion. Les cartes IGN et CERGEC des années 1950 et de 1993 sont en effet très mal diffusées, même les préfectures ne les ont pas. Dans les années 1990, le Plan a également réalisé des cartes (Carte 7) mais la plupart ont disparu pendant les guerres. Cet état de pénurie qui caractérise les services déconcentrés et décentralisés est lié à l’extrême centralisation de l’information, les cartes présentant toujours des enjeux de pouvoir. Ainsi, au niveau national, les ministères de l’intérieur, du Plan et les Préfets disposent d’une cartographie officielle numérisée depuis 2006 (Carte 13), mais dont la diffusion reste très limitée.

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

CARTES 6 :« SCHÉMA DIRECTEUR DE LA VILLE (SIC !) DE BAMBAMA » ET PLAN DE KOMONO (LÉKOUMOU).

CARTE 7 :MONTAGE PHOTO DU PLAN DE MOSSENDJO (PLAN DIRECTEUR D’URBANISME, ANNÉES 1990 ?).

Chapitre 2 : Méthodologie d’une géographie du post-conflit

CARTE 9 :LA LÉKOUMOU SELON L’INTERNATIONAL PARTNERSHIP FOR HUMAN DEVELOPMENT (IPHD ANTENNE LÉKOUMOU,2009).

CARTES 10 :CARTES DU DISTRICT DE MOUYONDZI REPRISE SUR PAINT PAR LE PRODER SUD.

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

Il faut cependant noter que cette situation n’est pas figée. En effet, la Délégation Générale des Grands Travaux a financé la réalisation des plans des communes. D’autres cartographies se font et se diffusent. Enfin, l’accès de plus en plus fréquent à Google

Earth par les congolais eux-mêmes contribuent à contrecarrer la conception d’une

cartographie qui constituerait un domaine classé secret-défense réservé aux plus hautes instances de l’État.

Les services administratifs et décentralisés ne sont pas les seuls tributaires de cette cartographie sommaire. Les projets d’ONG ou d’autres institutions doivent également composer avec elle. La Carte 9 par exemple est la photographie de la carte de la Lékoumou peinte sur un panneau en bois dans les locaux de l’IPHD (International

Partnership for Human Development) à Sibiti. Cette carte est utilisée à la fois par les

membres de l’IPHD et par le public qui passe dans les locaux. Elle est cependant sommaire, peu juste selon les distances, mais elle a le mérite de bien rendre visible les axe principaux du département. En ce qui concerne le district de Mayéyé (en orange), je n’ai pas trouvé mieux.

Même des projets comme le PRODER Sud, projet financé par la Banque mondiale et disposant de moyens considérables (et d’ordinateurs), sont dépendants de cette cartographie dessinée. Le cartographe du projet m’a donné, en 2009, les cartes qu’il avait réalisées de quelques districts du Niari et de la Bouenza. Il s’avère que ces cartes sont directement issues des cartes papiers trouvées dans les districts. L’exemple de Mouyondzi (Cartes 10) montre que la carte du PRODER, à droite, est une version de la carte dessinée (à gauche) et retravaillée sur Paint, sans révision des distances, orientations etc.

Longtemps, les industriels étaient eux-aussi tributaires de la cartographie sommaire disponible dans les administrations. Ci-dessus (Cartes 11), nous pouvons voir le réseau Zain en 2006 et 2010. La première carte de cet opérateur est réalisée à partir de la carte officielle du département du Niari et de punaises colorées. Quatre ans plus tard, l’entreprise a réalisé sa propre cartographie à base de donnes géoréférencées obtenues sur le terrain par ses agents. Dans ce dernier cas, les entreprises ne souhaitent pas partager avec autrui les données récoltées sur le terrain avec leurs propres moyens.

2.3.2 L’élaboration d’un Système d’Information Géographique pour le Congo et les pays

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