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post-conflit

2.1 Encadrement, collaborations scientifiques et déroulement de la thèse

2.1.1 Encadrement scientifique

Ma thèse s’inscrit dans un ensemble de recherches menées par le LPED et des chercheurs partenaires sur la République du Congo depuis 2005. Ces travaux (qui se sont dans un premier temps concentrés sur les villes et plus particulièrement Brazzaville) ont permis la constitution d’une base de données conséquente, la réalisation de publications collectives, la mise en place de partenariats avec différentes organisations et administrations congolaises. Dès mon insertion dans « l’équipe Congo », j’ai ainsi pu accéder à un SIG et une base de donnés bibliographique, que j’ai ensuite contribué à enrichir. Ainsi, si ma thèse résulte d’un terrain personnel, elle s’inscrit dans une démarche collective impliquant enseignants, chercheurs IRD, étudiants de Master et doctorants, en France comme au Congo. Ma thèse est également réalisée en parallèle de deux autres thèses de géographie réalisées par des étudiants congolais accueillis au sein du LPED. Ces thèses portent également sur le post-conflit au Sud du Congo.

Depuis 2011, le LPED participe à travers l’axe de recherches « TRAMES » à la réalisation de plusieurs expertises commandées par le Ministère congolais des Affaires Sociales. L’axe TRAMES du laboratoire Nous avons notamment pu réaliser des diagnostics territoriaux de sept districts en situation de post-conflit (dont deux situés dans ma zone d’étude), et un ensemble cartographique conséquent. Ces diagnostics doivent être utilisés par le ministère pour la réalisation d’un Projet d’Appui au Développement Communautaire (PADEC), sur financement de la Banque Africaine de Développement (BAD).

En dehors des commandes d’expertises internationales, le cadre général de mon travail a été relativement peu contraignant, que ce soit pour ma thématique de recherche ou pour son financement. Ce dernier a été assuré pendant trois ans (2006-2009) par une allocation de recherche ministérielle et du monitorat ; puis pendant quatre ans (2009- 2013) par des postes d’ATER. Je considère que cette relative liberté a constitué une force me permettant d’adapter mon cadre de travail. L’inscription dans un laboratoire de sciences sociales pluridisciplinaire a pour sa part permis une ouverture d’esprit et de recherche fondamental, tout en me garantissant une totale indépendance de recherche.

Sur place, dans les pays du Niari, j’ai effectué seule la plupart de mes recherches, en utilisant les transports et hébergements locaux. Mon acquisition progressive de connaissances empiriques sur la région et son fonctionnement (notamment pour la logistique) ont permis une nette amélioration de mon efficacité au bout de quelques mois. J’ai au début pu bénéficier de précieux contacts obtenus grâce à l’aide de Mme Ofouémé-Berton ; le premier séjour à Dolisie en sa compagnie ainsi qu’avec Mme Dorier constitue en quelque sorte une visite fondatrice me permettant, par l’entremise de GAPS (Matha et Gérard Athanée, qui m’ont hébergé lors de mes séjours à Dolisie), de rencontrer les autorités administratives, politiques et militaires, assurant par là même la bonne marche de mes recherches. Ces premiers contacts ont ensuite été complétés et enrichis au fur et à mesure de mes pérégrinations personnelles. Le réseau constitué peu à peu m’a parfois permis de bénéficier d’un soutien logistique. Certains « projets » ont

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

également aidé à la réalisation de ma thèse, en acceptant ma participation à leurs missions, ce qui m’a permis d’enrichir mon travail. C’est le cas d’ENI Foundation20 lors

d’une mission de sensibilisation à la vaccination dans le district de Kibangou ; du PAGEF (Projet d’Appui à la Gestion Durable des Forêts du Congo), pour une mission de contrôle de deux sociétés forestières dans le Nord-Ouest de la Lékoumou (Omoye) ; de MPD (Mining Project Development), en accompagnement de l’équipe chargée du « social » du consortium minier, pour des missions de sensibilisation des autorités des districts de Bambama et Zanaga aux problèmes fonciers posés par la future mine. J’ai également reçu, plus ponctuellement, l’aide des responsables institutionnels et de certaines personnes ressources (le sous préfet de Bambama, le député de Loudima, l’abbé de Mbinda, le commissaire de police de Mossendjo…) ou de sociétés (DMC Mining, MPD, Egis BCEOM…) pour les transports ou le logement. À noter également l’attention constante et globalement bienveillante des autorités administratives, policières et militaires, qui parfois ont pu me bloquer dans mes déplacements et mes projets de recherche mais qui ont toujours été attentives à mon bien-être et ma sécurité (Cadre 1).

Cadre 1 : Un exemple de veille discrète : le train Mbinda (24/03/2010, Ob_41)

Récit du voyage en train de Mbinda à Mossendjo (train réputé dangereux et surtout très inconfortable ; cf. cadre 21 en Partie 3).

[Au début du voyage] Il y a une flaque de « tombé »21 à mes pieds et j’ai des bouts de singe fumé qui me tombent sur la tête, vu que mon voisin de gauche (qui n’occupe pas son siège) a chargé dans les rangements au dessus de moi un peu de viande de chasse.

[Plusieurs heures plus tard] À côté de moi, depuis le début du trajet, s’est assis un jeune en habits militaires. Il s’agit là d’un exemple d’ «éléments incontrôlés », ex-miliciens ou « jeunes désoeuvrés » qui vivent de petits trafics et sont tolérés dans ce train car sous contrôle des forces armées et hors des villes. Le système des « cabris » leur permet de prendre sous leur protection des personnes qui les rétribuent un peu contre la possibilité de ne pas payer leur billet de train. C’est alors que mon vrai voisin, celui à la viande de brousse, revient ; il s’agit en fait du chef de train qui devient furieux et va chercher les militaires officiels (et armés). Ils chassent le jeune avec leurs chicottes et avec cette expression emblématique : « Va là où tu es assis ! ». Le chef de train s’en retourne faire ses rondes en criant à tous que sa place doit rester libre et en priant les militaires de veiller à cela, ce qui fait que je me retrouve dans la situation extraordinaire d’avoir une place libre à côté de moi alors que de nombreuses personnes sont assises par terre ou debout dans le train.

2.1.2 Définition et évolution de la problématique

Ce travail de recherche sur le Congo-Brazzaville a débuté en juillet 2008 à l’occasion de la réalisation de posters sur les conflits pour le Festival International de géographie de St Dié les Vosges d’octobre 2008, intitulé « Entre guerres et conflits : la planète sous tension ». Ces posters (Dorier et al, 2008, mis en ligne sur le site du festival : http://fig-st- die.education.fr/galleries/index.php?/category/170) ont été réalisés au sein de l’équipe Congo du LPED et en partenariat avec R. Ziavoula et Y. Ofouémé-Berton, qui ont ensuite joué un rôle crucial dans la définition de mon sujet de thèse et le déroulement de cette

20 ENI Foundation est une fondation autonome qui a pour but de réaliser des opérations de développement

humain, essentiellement à l’égard des enfants, en Italie et dans les pays concernés par les activités du pétrolier italien ENI.

Chapitre 2 : Méthodologie d’une géographie du post-conflit

dernière. Le thème des conflits était ainsi pour la première fois abordé au sein du laboratoire, mais il n’émergeait pas du néant. Comme cela arrive souvent (cf. Redon, 2008), le sujet est parti d’un intérêt personnel de ma directrice de thèse. Celle-ci a fait sa thèse au Congo, et a depuis suivi attentivement les évolutions de ce pays, et notamment les « troubles socio-politiques » des années 1990 qu’elle a cartographié et analysé dans des articles scientifiques et à travers la revue « Rupture » (créée par une association de chercheurs et de militants associatifs). Le sujet du FIG de 2008 présentait ainsi l’opportunité de faire le point sur la situation de ce pays, sur la base de sources souvent originales : les derniers séjours effectués par E. Dorier au Congo (2006-2007) pendant lesquels elle a pu interroger des déplacés Brazzavillois dans le Pool ; des travaux de Master effectués en 2007 et 2008 à Brazzaville et Pointe-Noire ; et des rapports d’ONG. Surtout, l’expérience personnelle du géographe R.-E. Ziavoula, enseignant-chercheur en géographie, partenaire du LPED et lui-même déplacé pendant les guerres, a été prépondérante. Pendant les semaines de son exode, il a en effet effectué des relevés de terrain qui ont permis d’engager une réflexion sur les conflits. R. Ziavoula a également participé à l’élaboration des posters.

C’est ainsi qu’ont émergé les premières ébauches de mon sujet de thèse. Celui- ci s’est donc constitué à tâtons, au fur et à mesure qu’évoluaient mes connaissances du terrain et l’encadrement institutionnel.

Mes compétences me poussant plus vers de la géographie rurale, nous fûmes amenés à élaborer une première problématique portant non pas sur le conflit (passé), mais sur les évolutions des zones rurales en situation de post-conflit au Sud du Congo (zone touchée par l’essentiel des conflits). Par la suite, en raison de la présence de nombreuses villes moyennes sur mon terrain qui ne pouvaient être occultées en raison de leur importance dans les enjeux politiques, géopolitiques, géohistoriques, géo socio-économiques ou de développement de la zone, la problématique a évolué, passant d’une géographie rurale stricto-sensu à une problématique beaucoup plus vaste reprenant ces différents thèmes, et dont la quintessence est signifiée dans le terme de « Niboland », qui est à la fois un territoire et une idéologie politique.

Ainsi ma thèse, qui aborde l’étude des évolutions socio-économiques et recompositions territoriales post-conflit dans une région du Congo, permet d’éclairer les logiques territoriales et les logiques d’acteurs de ces pays. Elle constituera également un instrument d’aide à la décision pour l’aménagement du territoire et pour la conduite de projets dans une logique de consolidation de la paix.

2.1.3 Définition des lieux de l’étude

Une première approche du sujet prônait la comparaison de trois espaces en post-conflit : les Plateaux et le Pool Nord, le Pool Sud et les pays du Niari, inégalement touchés par les conflits, mais dont nous savions qu’ils avaient été impactés, directement ou non.

En mars 2009, le choix du terrain a été redéfini en concertation avec Mme Yolande Ofouémé-Berton, Professeur CAMES à l’université Marien-Ngouabi. Les pays du Niari, fortement touchés par les guerres, mais sécurisés et pour lesquels n’existaient que peu de données, paraissaient adapté à un terrain de thèse.

Choisir comme terrain d’étude un ensemble de régions administratives arbitrairement regroupées est critiquable ; mais l’expérience m’a montré la pertinence de cette décision malgré la taille de la région et les difficultés de transport qui en découlent. En effet, ce

1ère partie : Construire une géographie du conflit et du post-conflit dans les pays du Niari

choix a obéi à une représentation qui fait de cette zone un ensemble cohérent (quand bien même cela est tout à fait inexact). Ce sont donc les représentations des populations congolaises (puisque pour ma part le Congo m’était totalement inconnu quelques mois plus tôt), portées par les médias du pays et les livres de géographie post-coloniaux (Vennetier, 1966, Sautter, 1966, INRAP, 1985), qui ont été à la base de mon choix. La justesse de ce choix se lit de fait dans le poids qu’ont eu ces représentations comme catalyseurs des conflits et du post-conflit.

La chronologie de mise en place de mon sujet et les discussions qui ont mené à sa définition tout comme la définition de mon terrain d’étude, m’ont permis d’ouvrir ma recherche et d’avoir une vision plus nuancée de mon sujet. Loin de prétendre à l’exhaustivité qu’aurait pu entrainer la définition d’un terrain plus restreint, cette expérience et ces tâtonnements me permettent des comparaisons, des variations d’échelles et un recul qui évitent les écueils de la monographie descriptive.

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