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Visions européennes du porte-à-porte : la Grande Bretagne et la Finlande

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 2 Visions européennes du porte-à-porte : la Grande Bretagne et la Finlande

L’objectif du porte-à-porte énoncé par l’Union Européenne a été décliné dans les politiques nationales de transport. Un bon exemple est celui de la Grande Bretagne qui a très tôt affirmé dans son livre blanc sur les transports l’objectif européen de tendre vers un système de transport intégré (integrated transport) qui devait offrir un transport sans couture (seamless journey) et porte-à-porte (door-to-door) en combinant le transport public et les autres modes de manière à restreindre le trafic automobile (Department for Transport, 1998). Plus récemment, la stratégie de la coalition au pouvoir entre 2010 et 2015 pour des transports intégrés et durables s’intitulait sobrement « Door-to-door » (Department for Transport, 2013). L’enjeu politique principal du porte-à-porte y est explicite : il s’agit de faire en sorte que les personnes puissent aller de A à B avec une empreinte environnementale plus faible. Pour cela, il faut rendre plus simple et plus commode la possibilité de réaliser des trajets porte-à-porte utilisant des moyens durables, de manière aussi simple et continue (seamless) qu’en voiture. Les moyens sont d’une part le guichet unique : fournir l’information pour planifier son trajet porte-à-porte, améliorer les options pour le choix du billet et pour le paiement de manière à réaliser une seule transaction pour l’ensemble du trajet (one-stop-shop). D’autre part, améliorer la continuité de service en améliorant les connections et l’efficacité du transport et en facilitant le passage d’un mode à l’autre.

La Finlande promeut également depuis quelques années l’idée d’un service de mobilité porte-à-porte qui permettrait de se passer intégralement de voiture, pour le local comme pour la longue distance. Au travers du programme Mobility As A Service, l’Etat finnois et son ministère des transports soutiennent la mise en place d’un véritable opérateur de mobilité porte-à-porte qui serait le guichet unique de toutes les mobilités. Dans cette vision, l’opérateur de mobilité, au moyen des outils digitaux, facturerait à l’usager les services de mobilité consommés à la manière d’un opérateur télécom qui fournit un abonnement unique pour plusieurs types de service (internet, téléphone fixe et mobile, télévision) et qui permet l’itinérance, c’est-à-dire l’usage des réseaux d’autres opérateurs. Cette démarche trouve son origine dans l’étude menée par Sonja Heikkilä au sein de l’agence finnoise de financement public (Heikkilä, 2014). La ville d’Helsinki a commissionné cette étude pour expérimenter sur son territoire la commercialisation par des tiers de services de transports publics et privés. Le concept de mobility as a service y est défini comme « un système dans lequel une gamme complète de services de mobilité est fournie au client par des opérateurs de mobilité »21 (Heikkilä, 2014, p. 8). Ces opérateurs agiraient

sur un marché concurrentiel. Plusieurs programmes pilotes de type Mobility as a Service ont été réalisés en Europe du Nord (Kamargianni et al., 2015). Le modèle proposé pourrait permettre de réduire drastiquement la place de la voiture individuelle dans les métropoles (Finger, 2017).

21 Nous traduisons del’anglais : « a system, in which a comprehensive range of mobility services are provided to customers by mobility operators ».

1.1.8 La définition du porte-à-porte n’est pas figée, son modèle économique non plus Nous venons de voir que le porte-à-porte ne se définit pas de manière unique et qu’il en existe même plusieurs acceptions qui se sont succédé au cours du temps et qui continuent à coexister. Dans la plus récente, intermodale, le porte-à-porte consiste à utiliser préférentiellement une combinaison de modes de transport complémentaires pour répondre au mieux à un projet de déplacement, sans utiliser sa propre voiture. C’est sur cette conception du porte-à-porte que se base notre recherche de modèle économique. Il faut toutefois garder à l’esprit que les autres conceptions du porte-à-porte, fondées sur des solutions monomodales et routières, ne sont pas obsolètes pour autant et continuent à faire l’objet de nouveaux développements. De nouveaux services de bus dédiés, de transport à la demande ou de covoiturage à destination de différents segments de population (seniors, jeunes rentrant de soirée, étudiants, travailleurs pendulaires) apparaissent régulièrement. Dans certains cas, ces services tentent de se réinventer au moyen des technologies de l’information mais à ce jour, la pérennité des modèles reste encore à démontrer. Par ailleurs, les plates-formes d’intermédiation réduisent le coût des prestations de transport en facilitant le recours à des conducteurs non professionnels ou à des véhicules privés (voir 2.5). Le véhicule autonome, qui permet de se passer de conducteur professionnel est une autre voie étudiée pour faire baisser le coût du transport. Les progrès récents dans l’autonomisation des véhicules, les succès de certaines plates-formes et l’implication d’acteurs de poids témoignent de mouvements profonds, annonciateurs de changements importants à venir dans le monde de la mobilité. Le modèle économique du porte-à-porte intermodal s’en trouverait donc fortement impacté, de manière négative dans l’hypothèse d’un porte-à-porte monomodal basé par exemple sur le véhicule autonome seul, ou de manière positive en le combinant avec les modes de transport de masse. Comme nous l’avons vu plus haut, il convient toutefois de se montrer prudent. Il n’en reste pas moins que ces tendances devront être prises en compte dans les décisions stratégiques des opérateurs de transport. Pour un opérateur de mobilité porte-à-porte, les nouvelles offres de transport seront à intégrer au portfolio des solutions mobilisables par les usagers pour réaliser leur projet de déplacement et d’activités.

Déterminer le modèle économique du porte-à-porte nécessite de comprendre les activités en jeu pour articuler les différents moyens de transport les uns avec les autres ainsi que leurs coûts. La revue de littérature a montré que la mobilité porte-à-porte suscite un intérêt sans cesse renouvelé. Pourtant nous n’avons pas trouvé de travaux visant à définir le porte-à-porte, notion considérée à tort comme allant de soi. Nous avons montré qu’il existe différentes acceptions du porte-à-porte. L’approche que nous retenons dans ce travail est celle du porte-à-porte intermodal. De plus, alors que les évaluations économiques de tel ou tel mode de transport pris individuellement existent, la question d’une organisation économiquement pertinente du porte-à-porte pris dans sa globalité, c’est-à-dire du modèle économique du porte-à-porte, n’est pas abordée. Le présent travail vise donc à combler ces manques sur la conceptualisation du porte-à-porte d’une part et sur son organisation économique d’autre part.

1.2

Approches existantes du porte-à-porte (Etat des lieux)

Dans la conception qui prévaut aujourd’hui en Europe et qui est la nôtre dans ce travail, le porte-à- porte consiste finalement à combiner de manière optimale un ensemble de solutions de transport et de services de mobilité. Le principe du porte-à-porte est donc relativement simple et apparaît largement compris et accepté. Cependant, cette définition n’est pas opératoire puisqu’elle ne permet pas d’en déduire ce que doit être une offre de service porte-à-porte pour les voyageurs. Une revue de l’offre porte-à-porte existante nous permettra d’y voir plus clair dans la manière de l’organiser.

Nous allons voir dans cette partie que, contrairement à ce qu’aurait laissé croire une formulation simple du principe du porte-à-porte, il n’y a pas de définition généralement acceptée d’un service porte-à-porte. Bien au contraire, il y a une grande diversité de services qui y participent. A partir d’exemples de services porte-à-porte, nous montrerons ensuite qu’il est possible, par une démarche inductive, de construire une grille d’analyse simple permettant d’englober des éléments tout à fait hétérogènes. L’exposé visera à montrer la variété des approches.

1.2.1 L’idéal du transport sans couture

Une intégration des transports plus ou moins approfondie

Le porte-à-porte renvoie à la vision idéale d’un transport intermodal où il n’y aurait plus de discontinuité lors du passage d’un mode à l’autre ou d’un réseau à un autre, plus de rupture de charge. Cet idéal est désigné dans un langage légèrement jargonnant par les termes de transport

intégré ou sans-couture. La vision du transport intégré est celle d’un transport qui serait aussi fluide

que celui permis par l’usage de la voiture qui, si l’on excepte le stationnement, n’occasionne aucune rupture de charge. Il s’agit en premier lieu de simplifier l’usage des transports en donnant une apparence unifiée à différents réseaux. Pour cela, différentes solutions qui leur sont communes sont mises en œuvre à plusieurs niveaux : des plates-formes d’information communes centralisent l’information transport, des systèmes billettiques multimodaux sont souvent associés à une tarification unique, des systèmes de distribution unifiés permettent l’achat de titres d’un réseau via le canal de vente d’un autre réseau. Il y a donc différents niveaux d’intégration (voir encart ci- dessous).

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