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Une stratégie du local vers le global

Les modèles types du porte-à-porte : retour aux définitions

3.3 Le modèle distribué

3.3.2 Une stratégie du local vers le global

Le modèle distribué articule les mobilités locales dans un réseau porte-à-porte

Concevoir une offre de service de mobilité porte-à-porte consiste à interconnecter différents réseaux de transport public ainsi que les offres de nombre d’entreprises privées. Dans le cadre d’un modèle distribué, l’opérateur de mobilité est en quelque sorte celui qui fournit les connecteurs qui serviront à interconnecter les différents réseaux et fournisseurs de services.

Les territoires cherchent à combiner le plus efficacement possible l’ensemble des offres de mobilités qui irriguent leurs territoires. En France, les autorités organisatrices locales et régionales ont pour mission de coordonner toutes les offres de transport, publiques ou privées, dans un système de mobilité cohérent. Les institutions n’en ont cependant pas les moyens seules. Ne serait-ce qu’au niveau de l’information transport, la Commission Européenne constate que, contrairement à ce que pourrait laisser croire la multiplication des systèmes d’information multimodale, l’interopérabilité des systèmes d’information est loin d’être acquise (Commission Européenne, 2017). Comme nous l’avons vu en 1.2.4, une partie de l’offre de transport est mal couverte par les systèmes d’information transport. C’est en particulier le cas des micro-acteurs de mobilité locale en raison de leur caractère diffus, hétérogène et parfois artisanal. Ils recèlent pourtant un potentiel important de complémentarité avec les grands réseaux de transport étant donné leur nombre et leur dissémination sur l’ensemble du territoire (voir l’exemple de Velocomotion en 2.5.3). De plus, leur modèle économique propre est déjà en place. Du point de vue des autorités organisatrices et des

114 « RideAustin is a community driven non-profit ridesharing company », http://www.rideaustin.com/, consulté le 12 juin 2017.

exploitants de réseaux de transport public, ils présenteraient donc l’avantage d’apporter des solutions dans des zones où les coûts d’amélioration de la desserte sont excessifs. Dans cette logique d’amélioration de l’efficience des systèmes de transport, l’Union Européenne compte rendre obligatoire pour tous les opérateurs de transport, les gestionnaires d’infrastructure et toutes les autorités organisatrices de transport, la mise à disposition d’une information transport extrêmement détaillée selon des formats permettant l’interopérabilité des systèmes d’information (Commission Européenne, 2017). Tous les types de transport seraient concernés, y compris les transports privés, planifiés ou non : taxis, navettes routières, navettes maritimes, location de vélos, autopartage, covoiturage, vélos en libre-service. Cependant, tous ces acteurs ne disposent pas pour l’instant des compétences et des moyens de mettre en œuvre une telle obligation. Cette lacune représente une opportunité pour un opérateur de mobilité porte-à-porte. Son action auprès des acteurs locaux permettrait ainsi de renforcer l’applicabilité de la réglementation.

La capacité d’interconnecter toutes les offres de mobilité locales avec les principaux réseaux de transport représenterait un avantage concurrentiel pour un opérateur de mobilité. Pour cela, il doit capter l’information concernant ces modes. Pouvoir les distribuer et fiabiliser leur usage représente donc un objectif important. L’opérateur de mobilité a donc intérêt à contribuer à la structuration de ces acteurs de micro-mobilité et à faire en sorte qu’ils adoptent des modes d’organisation et des systèmes d’information qui soient compatibles avec les contraintes d’agrégation des offres. C’est ce que nous représentons dans la figure 13. Le modèle distribué permettrait alors de tirer parti d’une offre locale déjà en place mais sous exploitée. Il répond donc potentiellement aux problématiques des zones peu denses.

Figure 13 – Structuration et interconnexion de l’offre de transport dans un modèle distribué

Source : auteur

Une offre porte-à-porte distribuée s’appuierait sur des initiatives ponctuelles qui ont des modèles économiques locaux en place. Mais comment inciter les acteurs locaux à participer au système

promu par l’opérateur de mobilité ? Et comment aller au-delà d’une simple juxtaposition d’offres de niche ?

Plusieurs conditions nous semblent devoir être remplies. Premièrement, tous les acteurs doivent partager une vision commune de la gestion de la mobilité sur le territoire. Ils ne doivent pas non plus avoir l’impression d’être dans une relation déséquilibrée avec certains acteurs qui pourraient abuser de leur poids ou de leur position dominante. La stratégie d’écosystème doit répondre à ces objectifs. Deuxièmement, les outils utilisés par l’opérateur de mobilité doivent répondre à des besoins spécifiques des acteurs locaux de manière à ne pas créer de coût d’adoption supplémentaires. Par exemple, des logiciels de gestion d’activité peuvent être proposés à des opérateurs de transport. En échange de la fourniture de ce service, l’opérateur de mobilité pourrait obtenir en temps réel l’intégralité des informations relatives à leur offre. En ce qui concerne la distribution, les outils de type blockchain ouvrent des perspectives intéressantes de gestion décentralisée du porte-à-porte. Ils pourraient permettre de faire baisser drastiquement le coût des transactions et d’établir des relations de confiance entre des acteurs très différents les uns des autres (voir 2.5.4). La cohérence d’ensemble du réseau porte-à-porte distribué est garantie par l’opérateur de mobilité. Cela passe par la définition des normes et des standards qui sont adoptés par les membres des écosystèmes territoriaux. Les standards d’interopérabilité des systèmes d’information multimodale, de distribution et de billettique y occupent naturellement une place de premier rang.

Le modèle distribué s’inscrit dans les dynamiques de métropolisation

Nous avons vu dans le chapitre 2 qu’en France, les autorités organisatrices sont renforcées par la réforme territoriale dans leur position d’organisateurs de la mobilité porte-à-porte. Plus généralement, en France et dans le monde, les projets de mobilité sont au cœur des dynamiques de métropolisation. Les modèles public-privé sont historiquement au cœur de ce processus. C’est ce que montre Maxime Huré (2017) à partir de son analyse du développement des systèmes de mobilité partagée. Les grandes firmes accompagnent le mouvement de métropolisation en participant au développement des réseaux d’infrastructures urbaines. Maxime Huré montre que l’expertise de la mobilité, qui était historiquement produite par les associations d’usagers, se trouve désormais du côté des firmes. Une autre tendance est le développement par les métropoles de cartes multi- services qui permettent l’accès à la fois à des services de mobilité et de la vie quotidienne (cf. 1.2.2). La gestion de la mobilité intègre ainsi de plus en plus les trajets porte-à-porte et leur intégration dans les programmes d’activité des individus. Ces deux grandes tendances donnent à penser que les collectivités territoriales tendent à s’appuyer sur les grandes entreprises pour assurer une gestion d’ensemble de toutes les mobilités de porte à porte. Cependant, comme l’a montré l’attribution en 2017 du renouvellement du marché des Vélib’ parisiens à un concurrent de l’opérateur historique JC Decaux, les alliances ne sont pas nécessairement stables.

La contractualisation peut prendre différentes formes. En France, les autorités organisatrices lancent en général des appels d’offres pour mettre en œuvre des projets de territoire. Des contrats de délégation de service public sont alors mis en place. Certains contribuent à délimiter des territoires fonctionnels qui dépassent les frontières administratives. Un exemple récent est le syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ Métropole créé en 2009 qui regroupe Paris et une vingtaine de villes franciliennes pour offrir à l’échelle métropolitaine des services de mobilité partagée. En Europe du nord, un autre modèle que celui des appels d’offres rencontre du succès : celui de mobility as a service. Dans ce

schéma (voir encart 2, p. 31 et 1.2.2), les offres privées de mobilité sont en concurrence entre elles et coexistent avec les offres institutionnelles. Helsinki est la tête de proue de ce mouvement. Maxime Huré souligne à propos des services de mobilité partagée le rôle majeur des élus dans la structuration de ces nouveaux marchés et dans la régulation de l’activité des entreprises. Les grandes villes ont besoin des grandes firmes pour rencontrer le succès dans la compétition urbaine internationale, asseoir leur légitimité et renforcer leur pouvoir. Dans le même temps, les villes offrent aux firmes une vitrine qui constitue une ressource stratégique dans la compétition industrielle. Les firmes déploient leur activité dans différentes métropoles à l’échelle mondiale et constituent de la sorte de véritables réseaux d’offres standardisées. La même logique s’applique à la gestion de la mobilité porte-à-porte sur un territoire. De plus, la standardisation des offres proposées par les grandes firmes sur les territoires métropolitains permet de limiter les coûts de transaction pour un opérateur de mobilité qui souhaiterait les incorporer à son offre.

Le contexte est finalement propice au développement d’une activité d’opérateur de mobilité porte- à-porte à l’échelle métropolitaine. L’interdépendance entre les sphères publiques et privées montre qu’il est nécessaire pour un opérateur de mobilité porte-à-porte d’adopter une logique coopérative pour s’implanter dans les territoires et développer ainsi des actifs stratégiques. En France, le nouveau cadre d’organisation de la mobilité incite d’autant plus les AOM à établir de nouveaux modes de coopération avec les opérateurs. Le rôle d’un opérateur de mobilité porte-à-porte est de fournir les outils qui permettent d’articuler les nombreuses offres publiques et privées présentes sur les territoires.

L’opérateur de mobilité anime des écosystèmes territoriaux

Le groupe SNCF dispose d’une véritable implantation territoriale au travers de ses directions régionales ainsi que des implantations de Keolis. Il est localement un acteur économique majeur. Ainsi, dans la région Pays-de-la-Loire, le groupe SNCF est, avec environ 8500 collaborateurs, un des principaux employeurs. Il réalise annuellement 132 millions d’euros d’achat auprès de 1400 entreprises locales (SNCF, 2017a). Le groupe dispose d’une connaissance fine des situations locales et entretient des relations étroites avec le tissu économique et politique local. Une direction des affaires territoriales existe d’ailleurs dans chaque direction régionale de SNCF. Grâce à son ancrage local, SNCF prend une part active dans l’animation des écosystèmes territoriaux. SNCF est d’ailleurs à l’origine de nombreuses initiatives visant à dynamiser les relations entre acteurs locaux. Les clubs TGV animés par ses directions régionales sont un exemple caractéristique.

Les clubs TGV sont des initiatives destinées à rassembler les acteurs locaux autour de l’arrivée de nouvelles lignes à grande vitesse. Le premier a été créé en 2005 pour préparer l’ouverture du TGV Est-Européen. Le club TGV Rhin-Rhône a ensuite été créé en 2009. Pour préparer l’ouverture des LGV Sud Europe Atlantique (SEA) vers Bordeaux et Bretagne-Pays-de-la-Loire (BPL) vers Rennes, quatre clubs TGV ont été créés en Bretagne et un à Bordeaux115. Nous avons pu participer tout au long des

années 2015 et 2016 à des réunions du club TGV Bordeaux Gironde. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place pour traiter notamment les sujets du tourisme ainsi que des services de mobilité porte-à-porte. Les réunions regroupaient des représentants des sphères

115 Sites des clubs TGV Bordeaux-Gironde et Bretagne : http://clubtgvbordeauxgironde2017.eu et http://www.clubtgvbretagne.eu consultés en mai 2017.

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