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Les fonctions du porte-à-porte du point de vue des voyageurs

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 5 Principes de segmentation clientèle

1.3.2 Les fonctions du porte-à-porte du point de vue des voyageurs

Les grandes fonctions du porte-à-porte : interlocuteur unique et continuité de service

Organiser la mise bout à bout de plusieurs modes de transport nécessite de coordonner différents fournisseurs de services. Plus l’offre de solutions de mobilité est importante, plus la probabilité qu’il existe une combinaison crédible répondant aux besoins et préférences de chaque individu est élevée. En l’absence de service porte-à-porte, le voyageur devra lui-même rechercher les différentes solutions possibles, construire sa solution de bout en bout et s’assurer de son bon déroulement. Inversement, le porte-à-porte doit permettre à l’individu de s’adresser à un point de contact unique couvrant tous les maillons de son déplacement et doit assurer que la réalisation effective du trajet sera possible dans tous les cas, indépendamment des discontinuités inhérentes à l’intermodalité – donc en minimisant les ruptures de charges, et en dépit des éventuels aléas. Le porte-à-porte doit donc répondre à deux principales fonctions : disposer d’un interlocuteur unique et d’une continuité de service tout au long du déplacement intermodal, de sa préparation et de son suivi a posteriori. Une information agrégée sur l’ensemble des offres de transport disponibles susceptibles d’être mises bout à bout pour réaliser le trajet souhaité permet la comparaison entre les différentes options. Mais informer sur l’offre et permettre le paiement et l’accès aux moyens de transport ne résout la question du porte-à-porte que dans la mesure où l’offre de transport existe pour répondre au projet de déplacement et où le voyageur est suffisamment autonome pour surmonter les difficultés inhérentes à l’utilisation combinée de plusieurs moyens de transport. Dans le cas contraire, le porte- à-porte doit répondre à d’autres fonctions qui rendent possible et facilitent le déplacement.

Certaines fonctions constituent des conditions nécessaires pour qu’une offre soit pertinente

Il existe une préférence d’usage de l’automobile par rapport aux transports en commun pour les déplacements du quotidien (Kaufmann, 2000, 2003). On peut supposer qu’il en est de même pour la longue distance. Cela se traduit par le fait que l’utilisation des solutions alternatives à la voiture

particulière résulte d’un second choix qui est déterminé avant tout par les conditions d’utilisation de l’automobile. Les solutions intermodales sont retenues lorsque l’usage de l’automobile est rendu particulièrement pénible par des conditions de circulation ou de stationnement difficiles. On peut tirer deux implications de cette observation. La première est qu’une offre porte-à-porte ne sera attractive par rapport à la voiture particulière que dans la mesure où les politiques d’accès à l’espace public sont cohérentes avec elle. La deuxième est que les performances du porte-à-porte doivent se rapprocher autant que possible de la référence qu’est la voiture particulière. En d’autres termes, elle doit correspondre au plus près aux valeurs de nos sociétés. De nombreuses études permettent d’éclairer les valeurs associées à la mobilité (Kaufmann, 2003; a’urba & 6-t, 2014). Plusieurs groupes distincts aux valeurs contrastées peuvent être identifiés. D’une manière générale, l’automobile est associée à la rapidité et à la liberté, c’est-à-dire à l’autonomie et à la flexibilité qu’elle permet en toutes circonstances. Par ailleurs, l’automobile est jugée confortable et représente un environnement privé rassurant. Au contraire, le temps passé dans les transports en commun représente parfois un coût important. C’est particulièrement vrai pour les mobilités quotidiennes dans les grands centres urbains mais concerne aussi la mobilité longue distance. Les technologies de l’information peuvent atténuer la pénibilité des trajets en permettant la réalisation d’une palette d’activités en situation de mobilité. Mais, comme le montre Adoue (2016) pour le RER parisien, le temps passé dans les transport ne devient que rarement productif et reste fondamentalement perçu comme un temps perdu. Il permet en revanche de recréer un environnement privé à l’intérieur des transports collectifs. Les questions du confort et de la possibilité d’utiliser le temps de trajet ne doivent donc pas être négligées. Dans le cas de trajets intermodaux, la satisfaction associée à l’ensemble du trajet ne correspond d’ailleurs que partiellement à celle portant sur le tronçon principal du déplacement. Susilo et al. (2017) montrent que dans la plupart des cas, la perception des interconnexions importe plus que la qualité du trajet principal.

Pour qu’une solution porte-à-porte soit pertinente pour un individu, plusieurs conditions doivent être remplies : en premier lieu, la disponibilité d’un moyen de transport pour se déplacer de A à B : la solution porte-à-porte doit permettre d’accéder à destination dans un temps satisfaisant, avec un confort donné, à un coût acceptable. Dans le cas des réseaux de transports publics, le niveau de desserte est supposé répondre à cette fonction. Pour les trajets en train, les offres « premier et dernier kilomètres » sont censées pallier l’inconvénient du trajet gare à gare et offrir une solution quelle que soit la destination. Cette fonction concerne aussi la disponibilité de places de stationnement dans le cas d’une connexion voiture-transports collectifs et la disponibilité de véhicules ou de points de dépose non occupés dans le cas de véhicules en libre-service. La réalisation de la fonction de disponibilité conditionne la possibilité de réaliser son projet de déplacement. Il s’agit donc d’une fonction critique.

Une solution porte-à-porte doit aussi satisfaire à une condition d’accessibilité, c’est-à-dire être adaptée à certains besoins spécifiques (déplacement à plusieurs, avec des enfants en bas âge, en situation de fragilité physique ou cognitive, etc.). Elle doit aussi être compatible avec des contraintes individuelles temporelles et pratiques : des contraintes horaires sur le départ et l’arrivée existent, le retour ou la poursuite du déplacement doivent être possibles, la réalisation d’un programme d’activité sur place doit être pris en compte (il n’est pas indifférent, par exemple lors d’un séjour, de disposer d’un moyen de transport sur place).

L’analyse par les activités, comme le rappelle Orfeuil (2000),trouve son origine dans les travaux de Hägerstrand (1970) qui ont apporté quelques contributions importantes : dans cette perspective, la mobilité doit être considérée comme une demande dérivée de la réalisation d’un programme d’activités. Il en résulte des enseignements méthodologiques : la séquence des déplacements doit être prise en considération. Le déplacement pris isolément n’est pas une catégorie suffisante pour la compréhension de la mobilité. Il faut s’intéresser aux rythmes, aux cycles individuels. A minima, il faut prendre en compte l’aller et le retour : une solution de déplacement qui « fonctionne » ne sera pas pertinente pour un individu si le retour n’est pas possible. Les autres activités sur la journée (ou sur la semaine) doivent aussi être prises en compte. Ces programmes sont bien entendu partiellement flexibles et adaptables en fonction des possibilités offertes de réalisation.

Construire son itinéraire porte-à-porte

L’information qu’un service de transport existe n’est à elle seule pas suffisante, voire peut provoquer un sentiment de déception fort si elle n’est pas suffisamment complète ou fiable. Déployer des efforts importants pour vérifier que le service est effectivement disponible au moment où l’on souhaite s’en servir, au risque de découvrir qu’il n’en est rien et qu’il faut trouver une autre solution, est un écueil à éviter. Les moteurs de recherches tendent tous à fournir une information la plus précise possible, jusqu’au temps réel et à concrétiser, à valider la possibilité du déplacement par l’achat et la réservation des services correspondants qui tendent à devenir une fonction aussi critique que la fonction d’information. En l’absence de guichet unique, l’individu doit acheter séquentiellement tous les trajets et ce faisant est exposé à la variabilité des prix et de la disponibilité sur les autres maillons non encore achetés.

L’individu doit pouvoir accéder aux différents réseaux ou modes de transport qu’il doit emprunter lors de son déplacement : valider les titres de transport ou accéder aux véhicules individuels. L’observatoire des mobilités digitales de Keolis confirme d’ailleurs que, pour ce qui concerne l’usage du smartphone en situation de mobilité, l’information, la vente et la validation sont perçues comme des prérequis par les voyageurs (Keolis & Netexplo, 2016). Dans le cas de déplacements préparés en avance, si une modification s’avère nécessaire, elle doit être répercutée sur tous les éléments constitutifs du déplacement. Par exemple, dans le cas d’un trajet en train suivi d’une location de voiture et dont la date serait modifiée, les deux éléments doivent pouvoir être modifiés de manière couplée. Cette logique qui considère le déplacement intermodal comme une unité de base s’étend aussi aux réclamations en cas d’aléa survenant au cours du déplacement et qui peut donner lieu à des compensations dans le cadre de garanties. Ces différentes fonctions ont part à la préparation du déplacement ou à l’après-déplacement. D’autres fonctions concernent la réalisation physique du déplacement.

Assurer la bonne réalisation du déplacement

Le passage d’un mode à l’autre doit pouvoir être réalisé dans de bonnes conditions. Cela suppose une connectivité suffisante entre les modes utilisés, c’est-à-dire que la connexion soit réalisable dans le temps et dans l’espace. De plus, plusieurs travaux notamment anglo-saxons montrent l’existence d’un coût de la rupture de charge (Guo & Wilson, 2011; Hine & Scott, 2000; Wardman & Hine, 2000).

L’analyse des perceptions subjectives par les usagers des ruptures de charges montre que pour le voyageur, le coût du temps de marche ou du temps d’attente est deux à cinq fois plus élevé que le temps passé dans le transport. Toutefois, Wardman et Hine (2000) montrent que cette perception négative de la rupture de charge peut être réduite par une meilleure information et une amélioration du confort du lieu d’attente. Les horaires doivent donc être compatibles et assurer un minimum de discontinuité dans le parcours. Le temps d’attente entre deux transports doit donc être pris en compte (temps minimum pour assurer la faisabilité de la connexion et temps maximum de manière à minimiser le coût généralisé pour le voyageur) ainsi que les horaires d’ouverture des prestataires de service tels que les loueurs de véhicule. L’espace physique ne doit pas être un obstacle à la réalisation de la connexion. Une distance trop importante entre les points d’arrivée et de départ peut constituer un obstacle rédhibitoire en particulier en cas de contraintes supplémentaires (bagages, enfants, fragilité physique, etc.). L’aménagement des pôles d’échange permet d’apporter une réponse à cette contrainte mais la mise bout à bout de modes privés (location de scooters et vélos, cars privés, etc.) avec les transports publics n’est pas toujours bien prise en compte.

Une connexion est faisable si les obstacles physiques ou le temps d’attente ne représentent pas un coût trop élevé pour le voyageur. Ceci définira son niveau de connectivité. Elle sera plus ou moins facilement réalisable selon le degré de lisibilité dans le passage d’un mode à l’autre. Une signalétique compréhensible et homogène entre les modes et les lieux aide le voyageur à s’orienter. D’autres dispositifs techniques comme la cartographie dynamique 3D ou le guidage sur smartphone peuvent apporter des compléments utiles. Plus simplement, la présence d’agents SNCF sur les quais pour guider les passagers en correspondance fournit une aide précieuse aux voyageurs. La lisibilité concerne le guidage, mais dépend aussi de l’homogénéité des modes de fonctionnement des différentes offres : la validation du titre de transport s’effectue-t-elle de la même manière entre deux réseaux, les conditions de location de véhicules en libre-service sont-elles comparables entre deux offres commerciales, etc. ? Une aide à la compréhension des spécificités des modes de fonctionnement peut être apportée ou contournée par des solutions basées sur la téléphonie mobile (application unique de paiement et validation par exemple). Ces dispositifs, parce qu’une majorité d’individus en possède, constituent pour les opérateurs des moyens privilégiés de communiquer de façon continue avec les clients de manière à les rassurer, à les informer et les orienter en cas d’imprévu et d’augmenter ainsi leur degré de confiance. Plus généralement, la confiance est un élément clé du porte-à-porte du fait de la multiplicité des services mis bout à bout pour un même déplacement et de la diversité des offres qui peuvent être mobilisées pour répondre à chaque besoin individuel. Les voyageurs doivent pouvoir être rassurés sur le professionnalisme des fournisseurs de transport ou de service. En amont, ils doivent être à l’abri du risque d’aléa moral qui pourrait subvenir s’il n’y a pas d’alternative pour aller au bout de la chaîne de déplacement. Pendant le déplacement, ils ne doivent pas avoir le sentiment d’être abandonnés à leur sort une fois la transaction réalisée.

Ces fonctions de continuité de service permettent toutes d’accroître la confiance des voyageurs lors de trajets intermodaux. Chaque rupture de charge présente en effet un risque lié au niveau de fiabilité de chacun des modes : un retard peut amener à manquer une correspondance, peut faire arriver après la fermeture du professionnel auquel un deux-roues a été loué, etc. La fiabilité du porte-à-porte concerne donc prioritairement les interfaces entres les modes. Elle consiste à fournir au voyageur l’assurance d’arriver à destination quels que soient les aléas survenant au cours de son déplacement intermodal. Elle constitue un véritable engagement de résultat. Il s’agit peut-être d’une

condition nécessaire au report modal dans la mesure où l’automobile jouit d’une fiabilité perçue maximale.

Une offre porte-à-porte répond à une sélection de fonctions de demande

La demande de porte-à-porte peut être décrite au travers des différentes fonctions que nous venons de passer en revue. Le tableau 2 en présente une synthèse.

Fonction de l’opérateur de mobilité

Fonction de demande Besoin Exemple d’offre

Interlocuteur Unique

S’informer Accéder à l’information avant l’achat, pouvoir comparer et choisir

Intégration de l’information. Comparateurs

Réserver et acheter Réserver et acheter les services Intégration de la distribution Intégration tarifaire

Moyen de paiement universel Facturation directe à l’employeur

Accéder Accéder aux services Intégration de la billettique, Support

universel

Modifier et réclamer Accéder à un service après-vente Service après-vente unique, modification de l’ensemble du trajet Garantie Bénéficier d’une garantie relative à

l’ensemble de la chaine intermodale

Droit des passagers Continuité de

service

Disponibilité Pouvoir réaliser tout trajet de A à B à tout moment et quels que soient A et B

Couverture du premier et du dernier kilomètre (desserte fine / offre combinée train + dernier kilomètre / Fiabilisation de l’accès aux gares, stations, du stationnement) Compatibilité Disposer de solutions compatibles

avec son programme d’activité

Services connexes au transport, offres combinées transport + activité Accessibilité Pouvoir accéder au service même en

situation de fragilité

Assistance aux personnes à mobilité réduite, service bagage, etc. Connectivité Passer d’un mode à l’autre

facilement

Amélioration des connexions (horaires, physique) Lisibilité Disposer d’une information continue

et de modes de fonctionnement similaires

Accompagnement, Standardisation (modes de fonctionnement, signalisation) Confiance Etre rassuré sur le professionnalisme

des prestataires

Intégration de l’information temps réel

Notation

Fiabilité Avoir l’assurance d’arriver Engagement de résultat, assistance et prise en charge lors des aléas

Tableau 2 - Les fonctions du porte-à-porte

Source : auteur

Nous avons identifié certaines fonctions critiques : information, achat, disponibilité et fiabilité. Il existe différentes manières de répondre à chacune de ces fonctions. Nous l’avons illustré dans plusieurs cas. Un opérateur de mobilité porte-à-porte doit choisir un périmètre de couverture

géographique et modal au sein duquel il mettra en œuvre sa solution. Un offre porte-à-porte répond donc de manière originale et sur un périmètre donné, à un sous-ensemble des fonctions de demande de mobilité porte-à-porte. Un opérateur de mobilité porte-à-porte peut choisir de ne pas se positionner sur certaines de ces fonctions et doit en tout cas identifier celles qu’il décidera de traiter dans son modèle économique. Ses choix de positionnement dépendront des compétences qu’il maîtrise et de ses ressources. Ajoutons que contrairement à ce que pourrait laisser croire une représentation sous forme d’un tableau empilant les fonctions les unes sur les autres, le porte-à- porte n’est pas une pyramide de fonctions qu’il s’agirait de remplir les unes après les autres. Par exemple, un opérateur possédant les compétences de l’assurance et de l’assistance pourrait choisir de se positionner uniquement sur les fonctions de garantie et de fiabilité. Un opérateur de transport qui voudrait offrir un engagement de résultat au sens fort pourrait s’appuyer sur de tels acteurs et sous-traiter les activités d’assistance.

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