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La fiabilité, condition d’un porte-à-porte efficace

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 4 Ecosystèmes d’affaire

1.2.5 La fiabilité, condition d’un porte-à-porte efficace

L’assurance d’arriver à destination : responsabilité des acteurs et impacts financiers

Les calculateurs d’itinéraire informent les individus sur les options possibles pour réaliser un trajet porte-à-porte. Une fois l’information en main, le voyageur doit lui-même prendre en charge la mise bout à bout concrète des maillons de son trajet. L’auto-organisation de son trajet implique pour le voyageur de s’assurer lui-même de la possibilité effective d’enchaîner différents modes de transport (ceci inclut notamment les temps de transfert, la possibilité physique de les réaliser et les conditions restrictives d’accès à certains modes) et de gérer le risque de survenue au cours de chacun des déplacements d’aléas qui affecteraient le déroulement de l’ensemble du trajet. Pour chacun des maillons de son trajet, le voyageur et le fournisseur de mobilité sont liés par un contrat qui engage un certain nombre de responsabilités de la part de ce dernier : garantie d’arriver dans une enveloppe de coût, délai et confort donnée. Cet engagement peut s’exprimer par exemple par la mise à disposition de moyens alternatifs en cas de discontinuité dans la fourniture du service (comme des autocars de substitution en cas de panne du train) ou en cas de correspondance manquée, par la réallocation du voyageur sur le transport suivant ou par des compensations financières en cas d’impossibilité de fournir la prestation prévue. Ces garanties sont complexes à mettre en œuvre en situation de gestion de crise car la mise à disposition de moyens de transports alternatifs à ceux prévus initialement nécessite une coordination efficace avec d’autres fournisseurs de transport (opérateurs de réseaux urbains, taxis ou autres).

Le client qui a acheté un titre pour un déplacement comportant une ou plusieurs correspondances bénéficie de telles garanties. En revanche, dans le cas d’un trajet intermodal auto-assemblé, il n’y a pas de contrat de transport unique et le voyageur ne dispose pas de garantie quant à la réalisation du parcours complet. Le besoin de fiabilité se fera d’autant plus ressentir que le trajet réalisé présentera un caractère exceptionnel, c’est-à-dire qu’il sera occasionnel et en dehors d’un environnement connu. La longue distance est a priori particulièrement concernée. La fiabilité peut passer par une plus grande prise en charge du voyageur dans la réalisation de son trajet porte-à-porte. Un cas extrême est celui de l’agence de voyage qui au travers de packages organise et prend en charge intégralement le déplacement de l’individu jusqu’à décider elle-même des voies et des moyens utilisés. Mais la fiabilité n’est pas nécessairement incompatible avec une grande autonomie du voyageur. Elargir les garanties dont bénéficient déjà les passagers dans le cas de correspondances au sein d’un même mode présente des difficultés considérables étant donné la diversité des possibilités dans la composition d’un trajet intermodal. Cela nécessiterait de prendre en compte les probabilités d’occurrence d’aléa pour chaque type de transport mis bout à bout dans la chaîne modale. Les impacts financiers d’une telle offre devraient donc être examinés avec soin.

Droit des passagers : concept à réinventer dans le cas d’une chaîne intermodale

Les garanties dont les voyageurs bénéficient résultent soit de démarches commerciales décidées par les opérateurs, soit de l’application de la législation qui découle d’ailleurs en général de l’inscription dans la loi de démarches commerciales préexistantes. En Europe, le livre blanc des transports de 2001 a introduit l’objectif de protéger les passagers quels que soient les modes qu’ils utilisent. En

une dizaine d’années, un ensemble de textes ont été adoptés concernant les droits des passagers empruntant le train, l’avion, le bateau, le bus ou l’ autocar. Actuellement, chaque mode de transport est soumis à une législation spécifique. Avec la publication du livre blanc de 2011, la Commission a commencé une réflexion concernant les droits des passagers pour les transports intermodaux et a publié une communication qui décrit l’état actuel de la législation et donne sa vision pour son évolution (Commission Européenne, 2011a). Un tel droit intermodal des passagers devrait permettre, dans l’esprit de la Commission, d’une part de protéger les voyageurs dans le contexte de la libéralisation des services de transport en garantissant leur prise en charge de manière uniforme quels que soient les transporteurs et en facilitant le passage d’un transporteur à l’autre. D’autre part, il vise à favoriser l’adoption de pratiques intermodales en réduisant l’incertitude qui y est associée. Alors que la Commission estime qu’il y a un vide juridique à combler sur les voyages impliquant plusieurs modes, les opérateurs freinent autant que possible l’adoption d’une nouvelle législation trop contraignante comme le montre la position de la Communauté Européenne du Rail dont fait partie SNCF sur la communication de la Commission (Community of European Railway and Infrastructure Managers (CER), 2015). Les avancées se limitent pour le moment aux droits des passagers dans le cas de billets combinés préassemblés (Commission Européenne, 2016). L’absence de cadre législatif spécifique européen ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait aucune obligation dans le droit civil général et la jurisprudence pour un opérateur qui proposerait des services porte-à-porte intermodaux. Cet aspect pourrait être approfondi dans le cadre d’un travail juridique. Il nous semble en tout cas important de constater qu’il existe un espace disponible pour un éventuel opérateur de mobilité porte-à-porte pour construire une offre de service qui fiabiliserait la réalisation d’un trajet porte-à-porte.

Les solutions qui visent à fiabiliser les trajets existent depuis longtemps pour l’automobile

Les automobilistes bénéficient en général avec leur assurance obligatoire d’un contrat d’assistance qui leur permet d’être pris en charge en cas de panne du véhicule. Pendant que leur véhicule est dépanné, la possibilité leur est offerte de poursuivre le déplacement jusqu’à destination en taxi, véhicule de location, train ou autre. Ils peuvent aussi être pris en charge pour aller récupérer leur véhicule une fois réparé : le trajet jusqu’à leur voiture est organisé avec les moyens disponibles, qu’il s’agisse de taxi ou de transports collectifs. Les prestations sont toujours liées à la survenance d'un événement qui empêche le déplacement de se poursuivre. Les contrats d’assistance en cas de panne de véhicule ou d’accident constituent, dans un cas particulier, un véritable service porte-à-porte : le voyageur s’adresse à un unique interlocuteur qui lui permet de rejoindre sa destination quelle qu’elle soit, à tout moment et depuis n’importe quel endroit en utilisant les moyens de transport disponibles.

Ce service n’est pas organisé par la compagnie d’assurance de l’automobiliste mais par des sociétés d’assistance qui lui sont liées sous des formes diverses. Le client ou sociétaire de la compagnie ou société d'assurance bénéficie de droit des prestations de la société d'assistance avec laquelle travaille l'assureur. Ces sociétés d'assistance sont bien connues du public : Mondial Assistance, AXA Assistance ou Inter Mutuelles Assistance. L’assistance routière est leur métier historique et représente toujours la majeure partie de leur activité. Elles ont un numéro d'appel particulier qui permet au client d’être mis en relation avec une plate-forme d’assistance composée de personnel polyglotte suivant les pays concernés et qui recherche des solutions adaptées auprès de partenaires

ou directement au moyen d’outils utilisés par le grand public (systèmes d’information multimodale divers, Google, les Pages-Jaunes, etc.). Pour apporter dans tous les cas une solution porte-à-porte à leurs clients, elles s’appuient sur un réseau dense de prestataires locaux, sélectionnés et contrôlés régulièrement qui sont essentiellement des artisans taxis, groupement de taxis ou sociétés de transport en ambulance. Elles disposent d’accords avec des loueurs de véhicules, SNCF et des compagnies aériennes.

La garantie d’arriver à destination associée à l’usage de l’automobile individuelle s’est récemment adaptée à ses formes partagées : au cours de l’année 2016, les plates-formes de covoiturage ont ainsi mis en place différentes offres sécurisant le trajet porte-à-porte : sur la longue distance (avec Blablacar), le passager dispose du même service d’assistance permettant l’acheminement jusqu’à destination en cas de panne du véhicule. Pour des trajets pendulaires de courte distance (avec iDVROOM), le passager a la possibilité d’effectuer un retour anticipé en cas d’imprévu.

Dans le cas de déplacements en train ou en avion, il existe aussi des garanties optionnelles de ce type. Elles s’appliquent en cas d’événement à caractère exceptionnel. Elles sont liées à des garanties classiques (dédommagement en cas de modification ou annulation, rapatriement), certaines élargissent le champ de la prise en charge au pré-acheminement ou à l’arrivée, ce qui les rapproche d’un service de type porte-à-porte. Cependant, ces garanties s’appliquent aujourd’hui au trajet avec lequel elles sont achetées (par exemple un trajet en train) et ne s’appliquent pas à des déplacements intermodaux constitués de trajets achetés séparément les uns des autres. Une première solution pour fournir une garantie qui s’appliquerait à un trajet porte-à-porte complet réside dans la vente d’un package auquel une assurance pourrait être accolée. L’opérateur de mobilité devrait donc vendre l’intégralité de la prestation porte-à-porte. Une autre solution pourrait être envisagée : comme nous l’a confirmé une responsable projet d’une société d’assurance et assistance, l’assureur doit simplement connaître de manière anticipée quelles prestations doivent être couvertes par l’assurance : quels moyens de transport et quels montants engagés. Les outils numériques permettent aujourd’hui d’imaginer pouvoir sélectionner pour un déplacement porte-à-porte donné, par exemple au travers d’un calculateur d’itinéraire, l’ensemble des moyens de transport avec leur prix et de réaliser une cotation sur-mesure. Il est donc possible d’imaginer un modèle économique d’assurance du porte-à-porte indépendant aussi bien de l’opération de transport que de la vente des titres.

Leur modèle économique de type assurantiel est basé sur la mutualisation du risque. Deux conditions doivent donc être réunies : d’une part l’existence d’une base de clients suffisamment importante pour conserver un prix attractif (qui, dans le cas de l’assistance routière, est assurée par le caractère obligatoire de l’assurance automobile) et d’autre part une connaissance précise du risque d’occurrence des événements générateurs des prestations d’assurance. Pour mettre au point une offre appliquée à un trajet intermodal porte-à-porte, il serait donc nécessaire de recueillir les données de défaillance de tous les modes de transport à même d’être utilisés par un client. Il faudrait ainsi obtenir les données de retard pour les modes de transport planifiés (lignes de bus, train, etc.) ou de défaillance pour les transports non planifiés (location de véhicule). Cette condition n’est pas sans soulever des difficultés s’agissant notamment des réseaux de transports régionaux ou urbains qui devraient connaître précisément et communiquer à des tiers leurs niveaux de performance. Les possibilités modernes de recueil et d’analyse statistique de grandes quantités de données sont susceptibles d’aider à affiner les hypothèses pour la construction du modèle économique d’une

garantie d’arriver pour un trajet intermodal. Ces données devraient ponctuellement être également accessibles aux clients de l’offre en cas de survenue d’un aléa afin qu’ils soient en mesure de fournir un justificatif du sinistre à la société d’assistance.

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