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Le développement dans l’entreprise de deux modèles du porte-à-porte complémentaires

La problématique organisationnelle au cœur du modèle économique du porte-à-porte

Encart 12 Le rôle des coûts de transaction dans l’économie du porte-à-porte

2.6 Les enjeux du porte-à-porte pour SNCF : reflets de la diversité de l'entreprise

2.6.1 Le développement dans l’entreprise de deux modèles du porte-à-porte complémentaires

L’intermodalité, une mission de la branche Transport Public de SNCF

SNCF a exploité de longue date des modes de transport multiples pour le transport de voyageurs. Sa filiale de transports urbains et interurbains Keolis, créée en 2001, est spécialisée dans la multimodalité. La production d’offres intermodales combinant réseaux urbains, interurbains et régionaux, était une préoccupation de la branche Transport Public de l’entreprise. L’éditorial du rapport annuel 2004 par le président Louis Gallois en témoigne :

« Dans le Transport Public, les frontières s’estompent entre l’urbain, le périurbain et le régional, invitant à produire des offres intermodales, plus riches en termes de services. » (SNCF, 2004, p. 2)

La branche Transport Public a émergé dans l’entreprise en 2004 suite à une réorganisation des activités. L’entreprise comptait désormais quatre branches : Voyageurs France Europe (VFE), Transport Public, Fret et Infrastructure. La branche VFE regroupait les trains grandes lignes classiques et à grande vitesse ainsi que les activités de service liées à la distribution des titres de transport et aux gares. La branche Transport Public regroupait les activités de transport conventionné : transport régionaux, d’Île-de-France et transports urbains avec Keolis.

C’est vraiment à partir de 2006 que la dimension multimodale du groupe a été affirmée. Il s’agissait d’un élément nouveau que la nouvelle présidente Anne-Marie Idrac exprimait ainsi dans l’éditorial du rapport d’activité de 2006 :

« Le Groupe SNCF a tout pour réussir et tous les atouts de sa métamorphose. Enracinés dans le savoir-faire ferroviaire de 165 000 cheminots, nous proposons désormais des services de bout en bout pour la mobilité des personnes et des marchandises. » (SNCF, 2006, p. 15)

La préoccupation du bout-en-bout a commencé dès lors à devenir transverse au groupe. La branche Voyageurs France Europe a fait en sorte de limiter les ruptures de charge entre trains longue distance. Des services internationaux avec un billet et un tarif uniques ont été développés en coopération avec les opérateurs européens. Mais proposer des services intermodaux de bout en bout restait avant tout une mission de la branche Transport Public.

Des solutions partenariales pour répondre aux enjeux territoriaux du porte-à-porte

La branche Transport Public de SNCF est présentée dans le rapport annuel 2006 comme un « assembleur multimodal » (SNCF, 2006, p. 31). Pour cela, elle s’appuie sur ses filiales Keolis, de transport public urbain et interurbain, et EFFIA, exploitant de gares routières, de parcs de stationnement et développeur de systèmes d’information multimodale :

« Avec Keolis et Effia, le groupe SNCF dispose d’un atout stratégique. Il exploite tous les modes de transport, des bus aux métros et aux trains, et offre une palette de services d’intermodalité de plus en plus étendue. Le groupe entend valoriser ce potentiel d’assemblage et promouvoir le déplacement de bout en bout sans contrainte. » (Interview du directeur de la branche Transport Public (SNCF, 2006,

p. 51))

Les enjeux du porte-à-porte (du bout-en-bout) pour l’entreprise épousent donc en premier lieu ceux de ses clients, les autorités organisatrices. Le développement territorial et l’aménagement des territoires sont alors des enjeux au cœur du porte-à-porte. Le rapport annuel de 2006 enseigne qu’en outre, les solutions proposées devaient répondre à deux grandes demandes des autorités organisatrices : aborder le transport public par une dimension multimodale nouvelle à l’époque ; déployer des outils de billettique et d’information multimodale modernes (SNCF, 2006, p. 50). Les autorités organisatrices représentent les usagers dans le sens où elles émanent d’institutions élues. Le client auquel s’adresse l’offre de transport de bout en bout est vu au travers du prisme des institutions. Il est en ce sens un client institutionnalisé.

En cohérence avec ces grandes orientations, TER a travaillé à partir de 2007 sur le sujet du porte-à- porte. Conséquence des enjeux territoriaux, l’angle adopté était plutôt rural75. Ceci avait donné lieu à

la promotion de l’intermodalité train plus vélo. Des aménagements destinés à embarquer les vélos dans les trains ont été prévus. L’incitation à laisser son vélo à la gare et à en louer un à l’arrivée a

75

ensuite été privilégiée. Pour la location de vélo, la recherche de partenaires locaux avait été préférée au développement de solutions maison. Dans cette lignée de recherche de solutions locales et partenariales, des initiatives de covoiturage ont été soutenues. L’offre de covoiturage de proximité Ecosyst’m en est un exemple. Elle s’appuie sur un collectif associatif local et cherche à répondre aux enjeux d’accessibilité de communes mal desservies par les transports en commun76. Le rapport

annuel d’activité de 2009 nous apprend aussi que des partenariats avec des opérateurs de bus ou de cars locaux ont été signés en Île-de-France de manière à garantir les correspondances en fin de journée. On voit que pour répondre aux enjeux des territoires, des modèles partenariaux avaient été privilégiés lors de cette première époque du porte-à-porte, alors appelé bout-en-bout, à SNCF. Il s’agissait cependant de services bien souvent à caractère expérimental qui se sont confrontés à la difficulté de la généralisation.

Le basculement vers un porte-à-porte intégré pour améliorer l’attractivité du train

Après sa nomination à la tête de l’entreprise, le président Pepy affirme la nécessité de répondre à la demande des clients de disposer d’un transport de bout en bout. Il s’agit d’un élément central pour l’entreprise qui apparaît dès l’avant-propos du président dans le rapport d’activité annuel de 2009 :

« Les clients veulent un transport de bout en bout, SNCF investit aussi sur le tram, le bus, le vélo et autres modes de transport doux ». (SNCF, 2009, p. 3)

Cette phrase illustre le choix de partir des nouveaux usages et d’adapter l’offre en conséquence. Les services de bout en bout ne s’adressent donc plus seulement à un client institutionnalisé mais à un client usager. Le changement de la figure du client réoriente le panel des solutions envisagées. Le covoiturage, le vélo et l’autopartage font désormais partie des solutions à mettre en œuvre pour développer le porte-à-porte. Les offres proposées peuvent dès lors s’adresser au client d’une manière indépendante de l’institution. Leur priorité n’est donc plus la réponse aux objectifs des territoires institutionnels mais l’adéquation aux usages.

C’est à cette période que le « porte-à-porte » est devenu un concept à part entière. Il figure dans le rapport annuel de 2009 comme un des éléments saillants de la stratégie de l’entreprise :

« Pour renforcer l’attractivité du train, SNCF complète son offre et invente le transport porte-à-porte en élargissant son champ de compétences à d’autres modes. » (SNCF, 2009, p. 25)

Les termes choisis (investir, élargir son champ de compétences) suggèrent que l’orientation retenue est celle d’un modèle économique plutôt intégré. Elément nouveau mis en évidence dans cette dernière citation, la compétitivité du train devient un enjeu supplémentaire du porte-à-porte. Cette évolution s’inscrit dans un contexte de crise du modèle économique historique de SNCF qui était basé sur la rentabilité du TGV (SNCF, 2009, p. 7). La branche Voyages, ex-VFE, affine donc sa conception du « voyage de bout en bout ». Elle consiste à accompagner le client tout au long de son

76 Site internet du collectif « le durable a son village » : https://www.ledurableasonvillage.com/ecosystm- covoiturage-et-monaie-locale, consulté le 12 mars 2017.

voyage (SNCF, 2009, p. 71). Pour cela, la branche développe plusieurs axes : les innovations techniques dans la relation avec le client, l’apport d’information aux voyageurs pendant les situations perturbées, l’accessibilité des gares et des trains ainsi que l’amélioration des correspondances entre les trains sur des trajets internationaux (SNCF, 2009, p. 75-76).

La lecture du rapport annuel de 2009 montre qu’en dépit de cette évolution, le porte-à-porte dans une logique intermodale reste en premier lieu l’affaire de la branche Transport Public, entre-temps rebaptisée Proximités. Mais un mouvement s’est initié vers un porte-à-porte qui doit s’atteler à une des priorités de l’entreprise : la rentabilité des TGV et de la branche Voyages. Le basculement s’est accompli avec le plan stratégique d’entreprise « Excellence 2020 ». Le directeur de cabinet de la présidence de SNCF au moment de son élaboration expliquait qu’à l’origine de l’axe porte-à-porte, il y avait en effet « une position défensive de Voyages qui [avait] peur de la désintermédiation par des

nouveaux acteurs »77. Les décisions successives de l’autorité de la concurrence montrent en effet une levée progressive des barrières à la distribution des billets de trains par des tiers (Autorité de la concurrence, 2014b; Conseil de la concurrence, 2009). Le porte-à-porte comme objectif stratégique de l’entreprise est donc né d’un risque identifié sur la distribution des billets TGV, celui de la captation de la valeur par les acteurs du numérique. L’enjeu principal était la sauvegarde de l’activité ferroviaire à grande vitesse.

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