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Le porte-à-porte sur la longue distance : une juxtaposition de partenariats bilatéraux difficile à unifier

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 4 Ecosystèmes d’affaire

1.2.3 Le porte-à-porte sur la longue distance : une juxtaposition de partenariats bilatéraux difficile à unifier

Une intégration métropolitaine avancée mais des difficultés sur la longue distance

Il est difficile d’installer des systèmes de porte-à-porte à l’échelle de la longue distance pour au moins deux raisons : l’une tient à la question de la gouvernance tant les acteurs sont nombreux.

L’autre problème, majeur, réside dans la difficulté de faire se rencontrer l’offre et la demande : le porte-à-porte est en effet particulièrement utile aux populations dispersées et aux zones peu denses qui ne bénéficient pas d’un bon accès aux réseaux massifiés. Or en raison du faible niveau de demande sur ces territoires, les opérateurs commerciaux sont peu enclins à y déployer des offres porte-à-porte (Aparicio, 2011, 2012). La question de la desserte se pose donc en de nouveaux termes : le porte-à-porte doit-il relier toutes les portes ou seulement une sélection ? Cette question rejoint celle de la desserte des zones périurbaines qui se pose aux collectivités publiques. Plusieurs alternatives s’offrent aux opérateurs longue distance. Ils peuvent choisir de s’appuyer intégralement sur l’offre de transport public locale. La responsabilité de la desserte revient alors aux autorités organisatrices locales et à leurs délégataires. Ils peuvent aussi chercher à compléter l’offre existante par une offre propre, au risque que cela soit perçu comme une concurrence agressive par l’AO locale, ou en nouant des partenariats ad hoc avec des opérateurs locaux. Enfin, troisième possibilité, la responsabilité est transférée aux individus en incitant à l’utilisation, partagée ou non, de moyens de transport individuels pour rejoindre les modes lourds. Les coopérations entre opérateurs longue distance complètent le panel des offres porte-à-porte en élargissant le périmètre géographique couvert.

Combiner le train et les transports publics locaux : les tickets « section urbaine » et la question de l’interopérabilité billettique

En Europe existent plusieurs exemples de billets combinés permettant aux voyageurs de circuler sur les réseaux urbains de part et d’autre d’un trajet en train.

En Allemagne, la Deutsche Bahn propose en complément de trajets longue distance (> 100km) des billets qui incluent la partie en transports publics locaux pour se rendre à destination depuis la gare ou pour rejoindre la gare. Le City Ticket développé en collaboration avec l’association des entreprises de transport allemandes VDV permet ainsi aux abonnés détenteurs de la BahnCard de voyager dans 123 villes allemandes, en bus, sur le réseau régional S-Bahn, en tramway ou métro (U-Bahn) avec le même ticket33. L’option existe aussi indépendamment de la Bahncard (sans intégration billettique) avec l’offre « City Mobil » qui permet d’acheter, en même temps que le billet de train un billet de correspondance valable dans les transports en commun régionaux. Le CityTicket existe en Autriche et en Suisse34 de la même manière qu’en Allemagne.

En Grande-Bretagne, le pass PlusBus, lancé en 2002, peut être acheté avec un billet de train. Se présentant sous la forme d’un ticket papier journalier, il donne accès de manière illimitée aux bus et tramways, quels que soient les opérateurs, dans l’aire urbaine desservie par la gare de départ ou d’arrivée35. PlusBus est donc un système de distribution intégrée de billets de train et de car. Il est

33 Source : site internet de la DB : http://www.bahn.com/i/view/FRA/fr/prices/germany/cityticket.shtml consulté le 16 février 2015.

34 Le City-Ticket proposé par les CFF comprend en plus du trajet entre le lieu de départ et le lieu de destination choisis, une carte journalière pour le trafic local sur le lieu de départ et/ou le lieu de destination : www.cff.ch/abonnements-et-billets/billets-suisse/billets-ordinaires/city-ticket.html , consulté en septembre 2015.

disponible dans 290 villes de Grande Bretagne. PlusBus résulte d’un partenariat regroupant les cinq opérateurs majeurs de bus et de train de Grande-Bretagne et les associations d’opérateurs ferroviaires (l’ATOC : Association of Train Operating Companies) et routiers (CPT (Confederation of

Passenger Transport) et ALBUM (Association of Local Bus Managers)).

La difficulté de ce type de solution réside dans la contrainte d’acceptation de la solution par tous les réseaux concernés. La diversité des modes de validation et de contrôle constitue un obstacle majeur. Certains acteurs cherchent à développer de nouveaux standards technologiques de manière à pouvoir généraliser ce type de solution (et ce faisant imposer leur propre standard). C’est par exemple le sens de Wizway solutions, la société commune qui réunit SNCF, RATP, Orange et Gemalto pour le développement d’une solution basée sur la technologie Near Field Communication (NFC). Plus généralement, c’est le sujet de l’interopérabilité des systèmes billettiques dont il est ici question. L’interopérabilité rend possible l’utilisation d’un système billettique sur plusieurs réseaux. C’est un sujet de préoccupation aussi bien pour les opérateurs de transport, les autorités organisatrices, les Etats qui veulent coordonner les politiques de transport et les fournisseurs de technologie et les opérateurs de télécommunications qui y voient un potentiel important pour le développement de leurs activités. En France, l’Agence française pour l’information multimodale et la billettique (AFIMB) a été chargée de coordonner les efforts de définition de standards d’interopérabilité. Au niveau européen, des institutions existent dans chaque Etat membre et travaillent sur ce sujet : ITSO (Integrated Transport Smartcard Organisation) en Grande-Bretagne, VdV en Allemagne, OV-Chipcaart aux Pays-Bas, le réseau Calypso en Belgique et France. Des espaces de discussions européens ont été mis en place comme la Smart Ticketing Alliance (STA) créée en 2014 qui regroupait l’Union Internationale des Transports Publics (UITP), ITSO, VdV, l’AFIMB et Calypso.

Les solutions permettant de combiner un trajet en train et un titre de transport urbain, qu’elles soient facilitées par le développement technologique ou qu’elles soient mises en œuvre de manière plus rudimentaire, visent à rendre plus attractif le trajet en train en simplifiant l’accès aux réseaux de transport locaux qui permettent de couvrir le premier et le dernier kilomètre. Elles se basent donc sur l’offre de transport existante et permettent de ce fait de fournir à moindre coût une solution de mobilité porte-à-porte. Trouver un modèle économique nécessite de résoudre la question du partage des coûts d’investissement dans les outils billettiques et informationnels unificateurs. La volonté de chacun des acteurs d’en garder la maîtrise complète ne doit pas être sous-estimée.

Des accords entre opérateurs longue distance et opérateurs locaux

En France, les accords entre opérateurs ferroviaires et réseaux urbains ne sont pas généralisés de la même manière que chez ses voisins mais il existe depuis longtemps quelques cas d’accords de commercialisation entre SNCF et les Conseils Départementaux. Ils permettent à l’usager d’acheter un billet de car en complément d’un trajet en train pour rejoindre certaines destinations, principalement touristiques et de bénéficier de services complémentaires. A titre d’exemple, un accord de commercialisation lie SNCF et le département de la Gironde pour la desserte de la station

balnéaire de Lacanau-Océan à proximité de Bordeaux. Il permet aux voyageurs qui viennent de Paris d’acheter en avance le billet du car départemental au prix public augmenté d’une commission qui couvre les coûts de distribution. SNCF est donc en mesure de proposer à la vente une destination touristique importante tandis que le département et son délégataire bénéficient d’une plus grande visibilité. D’un point de vue opérationnel, la connaissance anticipée du nombre de passagers qui viennent du train permet à l’exploitant de car de mieux gérer les flux de passagers en période estivale. De son côté, le voyageur achète les titres de train et de car en une seule transaction et bénéficie de services supplémentaires : la garantie d’avoir une place assise dans le car à l’arrivée du train, ou la garantie d’être replacé dans un autre train en cas de retard sur le car, et inversement. Grâce à ce type de solution, le voyageur est en mesure de bénéficier d’un service « dernier kilomètre » à un coût très bas puisqu’il profite pour le car d’un tarif fortement subventionné par la puissance publique.

Il existe d’autres accords moins intégrés qui consistent à promouvoir l’usage des transports publics vers les destinations touristiques. Altibus, le distributeur des navettes à destination des stations de ski de Savoie et Haute-Savoie, mène une expérimentation avec SNCF : une fois terminé l’achat du billet de train, le client SNCF se voit proposer sur le site Internet des offres permettant de rejoindre en autocar la station de ski, avec un lien vers le service de réservation d’Altibus. En amont de cela, les clients peuvent rechercher directement les stations de ski sur le moteur de recherche de voyages- sncf.com.

L’organisation du porte-à-porte se base ici sur l’interconnexion, organisée localement, entre des offres longue distance et des offres locales préexistantes. L’intégration de la distribution des titres de transport sert de fondement au porte-à-porte. Les contrats entre les agents peuvent au cas par cas prévoir des garanties supplémentaires pour le voyageur de manière à lui assurer une plus grande continuité de service. De ces deux caractéristiques résultent deux limites importantes à la généralisation de ces systèmes : premièrement, l’interconnexion des systèmes de distribution a un coût qu’il faut répartir entre les acteurs et suppose un certain degré d’informatisation et d’uniformisation des interfaces qui n’est pas toujours acquis. La seconde est liée à la multiplicité des acteurs locaux. Multiplier les accords locaux revient à multiplier les coûts de contractualisation.

Des bouquets de services pour fiabiliser l’accès aux modes lourds

Conscients que l’absence de porte-à-porte constitue un frein à l’utilisation des modes massifiés (train et avion), les principaux opérateurs développent des offres ad hoc de service destinées à fiabiliser l’accès aux gares et aéroports. SNCF propose ainsi toute une panoplie de services relativement intégrés visant à couvrir le premier et le dernier kilomètre de part et d’autre d’un trajet en train : VTC ou taxi (iDCAB), covoiturage (iDVROOM), autopartage (Zipcar, Wattmobile), location de véhicules entre particuliers (Ouicar). Ces services sont disponibles dans les principales gares françaises et accessibles notamment via une application mobile dédiée (iDPASS)36. Ils sont développés avec des

partenaires de longue date (Zipcar est une filiale d’Avis, partenaire de SNCF pour la location de

36 Ce descriptif correspond à la situation entre 2015 et 2017. L’offre de service et les applications mobiles associées sont amenées à évoluer en fonction du succès rencontré, des analyses d’usage et des changements d’organisation internes à l’entreprise.

voiture), au sein de filiales (iDCAB) ou de start-up dans lesquelles l’entreprise a une participation (Wattmobile) ou qu’elle a fini par intégrer complètement (iDVROOM, Ouicar).

On retrouve la même logique en Allemagne. Deutsche Bahn propose un large éventail de services de transport complémentaires au train et facilement accessibles via son site internet : vélo en libre- service (avec call a bike, filiale de la DB), location de voiture, autopartage (avec Flinkster, filiale de la DB), service taxi (en coopération avec Taxi Deutschland e.G. – regroupement de grandes fédérations de taxis en Allemagne)37, etc. L’entreprise fédérale ferroviaire suisse, les CFF, propose aussi différents

produits destinés à fournir un service porte-à-porte « sans couture » : parking+rail, autopartage, location de vélos et vélos électriques, vélos en libre-service, stationnement vélos sécurisé, service de taxi en gare. Chacun de ces services est supposé générer individuellement des revenus et l’ensemble doit permettre d’augmenter les revenus du train en induisant du trafic (CFF, 2016). On retrouve cette tendance au développement d’offres porte-à-porte chez d’autres opérateurs ferroviaires européens. D’autres exemples sont NS aux Pays-Bas38 ou LEO Express en République Tchèque39. On trouve aussi

ce type de proposition dans le secteur aérien. La compagnie aérienne low cost filiale d’Air France, Hop!, propose sur son site internet une sélection de services visant à améliorer l’accessibilité automobile de l’aéroport et à fiabiliser le parcours entre le domicile et l’aéroport : réservation de parking à l'aéroport, service voiturier ou réservation de VTC. Les services sont développés et assurés par des partenaires extérieurs et permettent de bénéficier dans certains cas de tarifs préférentiels. Les opérateurs se constituent ainsi une offre propre de porte-à-porte indépendante des réseaux de transport public et quasi intégrée. Essentiellement basée sur le mode routier, elles partent du principe d’une segmentation fonctionnelle des modes : la voiture pour les trajets terminaux et le train ou l’avion pour les trajets longue distance. Ce faisant, le coût pour le voyageur est plus élevé que dans les solutions se basant sur les réseaux de transports subventionnés par la puissance publique.

37

La Deutsche Bahn a mis en place, en coopération avec Taxi Deutschland e.G. – regroupement de grandes fédérations de taxis en Allemagne – une hotline commune : « Veuillez indiquer à la boîte vocale le nom de la commune dans laquelle vous vous trouvez. Vous serez alors directement mis en relation, sur demande, avec la compagnie de taxis la plus proche ». Source : http://www.bahn.de/i/view/FRA/fr/services/overview/taxi.shtml le 25 juin 2015.

38 NS propose une gamme de services porte-à-porte : location de vélo en gare, parking à vélo sécurisé et abrité, taxis combinés au train, location de voiture de courte durée. Des services spécifiquement dédiés aux professionnels sont disponibles : facturation directe auprès de l’employeur pour l’autopartage, les parkings automobiles en gare, la location de vélo, le taxi et les transports en commun. Source : http://www.ns.nl/en/door-to-door le 12 mars 2017.

39 Selon un article du journal Hospodarske Noviny du 25 janvier 2017, l’entreprise LEO Express souhaite diversifier son offre pour pouvoir assurer le transport de porte-à-porte. Différents services sont proposés ou en passe de l’être : minibus, autopartage, location de trottinettes, etc.

Des coopérations bilatérales fer-air pour mettre bout à bout des maillons longue distance

Le marché du transport longue distance est lui-même fortement segmenté par modes et les approches multimodales concernent l’interopérabilité de certains produits. Elles sont le résultat d’accords de coopération entre les acteurs en place (All Ways Travelling, 2014). Il existe de nombreux accords de ce type qui lient l’aérien et le ferroviaire et qui composent un paysage très fragmenté difficile à comprendre pour un voyageur. Sans être exhaustif, on peut ainsi trouver en France et en Allemagne les offres Air&Rail (ticket combiné entre Bruxelles et Roissy), TGVAir (ticket combiné entre Roissy ou Orly et le TGV), AIRail (coopération entre Lufthansa et Deutsche Bahn) ou Rail&Fly (coopération entre Deutsche Bahn et différentes compagnies aériennes) (ModAir, 2013). Ces différentes offres sont issues de coopérations de différentes natures : entre agence de voyage et opérateur ferroviaire (Rail&Fly) ; entre opérateur ferroviaire et transporteur aérien (Air&Rail ; AIRail) ; entre agence de voyage et transporteur aérien (TGVAir).

TGV Air est par exemple le résultat du partenariat entre la SNCF via sa filiale de distribution en ligne Voyage-SNCF.Com (VSC) et douze compagnies aériennes. C’est une offre qui se présente comme proposant « des billets combinés bout-en-bout » et qui permet en réalité d’acheter un billet combiné Train + Avion comprenant un vol international précédé ou suivi d’un trajet en TGV en France. L’achat des titres se fait de manière intégrée pour le voyageur qui peut acheter les deux parties du déplacement en une seule opération. En revanche, la tarification est juxtaposée puisqu’elle offre deux titres distincts sans avantage économique pour le client contrairement à une tarification combinée qui procure un avantage économique ou intégrée (un seul titre). Cet accord permet donc au client d’avoir à faire à un seul interlocuteur pour l’information bi-modale train/avion, la réservation, l’achat, la modification et l’annulation des titres. Il garantit une continuité de service en proposant la réaffectation sur un autre vol ou un autre train en cas de retard sur le maillon précédent. Il concerne une vingtaine de gares en France ainsi que Bruxelles mais ne permet pas de couvrir le dernier kilomètre.

L’activité clé pour cette proposition de valeur est la mise en relation des données entre le système de réservation ferroviaire et le système global de distribution (GDS) utilisé par les compagnies aériennes. La mise en relation de ces systèmes permet d’élargir les canaux de distribution des produits ferroviaires et aériens qui peuvent ainsi être vendus de manière simplifiée par les agences de voyage. La motivation pour les compagnies aériennes est d’étendre leur présence commerciale à des villes régionales en cohérence avec leur logique hub and spokes et de remplacer des vols moyen- courrier peu rentables par des trajets en train à grande vitesse. Pour l'opérateur ferroviaire, l’intérêt est à la fois de bénéficier du report modal de l’avion vers le train et de trafic induit (Chiambaretto et

al., 2013). Ce type d’offre interconnecte les réseaux des opérateurs participants mais se limite à ces

seuls réseaux commerciaux. Les trains régionaux (TER) ou ceux d’autres opérateurs, même filiales de SNCF comme Lyria, ne font pas partie de l’offre. Il vise à donner au voyageur l’impression d’un réseau unique.

Il n’est pas inutile de signaler enfin les coopérations intramodales : les opérateurs ferroviaires établissent pour les trajets transfrontaliers des accords de coopération qui peuvent se matérialiser dans des joint-ventures. La société Lyria qui exploite les trains internationaux reliant la France et la Suisse est par exemple détenue aux trois quarts par SNCF et au quart par les CFF. Le marché du transport aérien est quant à lui organisé internationalement pour permettre à une compagnie de vendre les billets d’une autre compagnie de manière transparente pour le voyageur.

La dispersion des moyens rend délicate la définition d’un modèle économique du porte-à- porte

Rendre possible un déplacement porte-à-porte nécessite de combiner des réseaux et des modes hétérogènes, tant du point de vue de leurs caractéristiques techniques que de leur organisation. Chacun d’eux repose sur des modèles économiques propres, hétérogènes ou concurrents. La difficulté pour le porte-à-porte est d’unifier les modèles économiques des différents partenaires.

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