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Proposition de formalisation des modèles économiques types du porte-à-porte

La problématique organisationnelle au cœur du modèle économique du porte-à-porte

2.1 Proposition de formalisation des modèles économiques types du porte-à-porte

remplit et des différents marchés sur lesquels il agit. Il sera nécessaire d’étudier la pluralité des enjeux qui traversent l’entreprise pour pouvoir envisager de quelle manière elle pourrait se positionner comme opérateur de mobilité porte-à-porte. A partir de cette analyse du contexte et des parties prenantes externes et internes, nous pourrons analyser l’adéquation des modèles économiques types décrits dans le premier chapitre aux différents enjeux identifiés.

Pour atteindre notre objectif, nous nous baserons essentiellement sur l’analyse de la littérature universitaire ou grise : articles de presse, communication publique d’entreprise, textes de lois, rapports et études de sociétés de conseil ou d’organismes parapublics, sites internet d’entreprises. Des entretiens semi-directifs avec des représentants de parties prenantes nous permettront de compléter notre analyse (voir la liste des entretiens réalisés, p. 278). Cette méthode de recueil de données sera surtout mise à profit dans l’analyse des enjeux pour SNCF. Nous avons en effet pu, du fait de notre position privilégiée d’observateur à l’intérieur de l’entreprise, avoir accès à de nombreuses personnes dans ses différentes entités.

2.1

Proposition de formalisation des modèles économiques types du

porte-à-porte

A partir de l’observation de l’existant, nous avons pu dégager trois modèles d’organisation suffisamment contrastés : le modèle intégré, le modèle de plate-forme et un modèle intermédiaire, le modèle distribué. Ces modèles sont à comprendre comme des idéaux-types au sens de Max Weber, c’est-à-dire des modèles stylisés construits à partir de l’observation de phénomènes épars que l’on ordonne en vue d’obtenir un modèle d’interprétation :

« On obtient un idéaltype en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue

unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. » (Weber, 1998, p. 181)

Pour les décrire, nous nous baserons sur la formalisation proposée par la description des modèles économiques de Xavier Lecocq et Benoît Demil (Lecocq et al., 2006). Un modèle économique repose avant tout sur des ressources et des compétences maîtrisées par l’entreprise. Il est constitué d’une proposition de valeur de laquelle découlent des sources de revenus et d’une organisation donnée dont dérivent les coûts. La viabilité du modèle dépend de la différence entre les coûts et les revenus. Nous nous limiterons toutefois dans ce chapitre à une description succincte de ces modèles. Dans le troisième chapitre, une discussion approfondie se basera sur l’analyse des jeux d’acteurs, de leurs enjeux et objectifs présentée dans le chapitre 2.

2.1.1 Types idéaux des modèles de porte-à-porte

Le modèle intégré

Les bouquets de service proposés par les grands opérateurs de transport nationaux, ferroviaires ou aériens, partagent plusieurs traits communs. Ils sont structurés autour d’un mode dominant, ou focal, qui constitue le cœur de l’offre. Les autres moyens de transport lui sont assujettis. Ils sont développés pour compléter l’offre de transport de l’opérateur de manière à fiabiliser l’accès au réseau focal et à étendre sa portée. Les offres complémentaires sont donc destinées à couvrir les premiers et les derniers kilomètres vers et depuis les points d’accès aux modes lourds. L’offre porte- à-porte est ici une offre de transport hiérarchisée allant du mode le plus lourd vers les modes les plus légers. Les offres institutionnelles de mobilité, métropolitaines ou régionales, constituent également des formes intégrées d’organisation du porte-à-porte. Les réseaux ont tendance à être hiérarchisés autour des modes les plus lourds et les offres de mobilité dites alternatives sont mises à profit pour rabattre sur les réseaux structurants de transport public. Ces différentes offres sont caractérisées avant tout par une intégration forte d’un point de vue industriel. En contrepartie, elles sont limitées à un périmètre donné sur lequel il est pertinent et possible d’atteindre un degré élevé d’intégration. Elles partagent donc les caractéristiques d’un modèle que l’on peut qualifier d’intégré. La proposition de valeur de l’offre porte-à-porte dans un modèle économique intégré est donc une proposition de solutions de transport. Elle s’appuie sur le mode de transport focal qui constitue la principale ressource du modèle. Les modes de transport complémentaires constituent les autres ressources clés du modèle que l’opérateur doit maîtriser. L’opérateur de mobilité doit en outre s’appuyer sur des outils permettant aux clients du mode focal d’accéder aux offres de transport complémentaires. Ces ressources concernent aussi bien les points d’interconnexion physique que les systèmes supports associés, d’information et de vente. Ce modèle permet aux clients finaux de bénéficier d’une bonne cohérence entre les modes proposés, à un prix qui doit couvrir le coût de production des différents maillons du transport (moins les éventuelles subventions dans le cas du transport public), celui de l’interconnexion et les marges prélevées par l’opérateur de mobilité.

Le modèle de plate-forme

Les systèmes d’information multimodale qui ne sont pas associés à des opérateurs de transport ou à des territoires institutionnels sont basés sur des modèles économiques typiques de l’économie numérique, en particulier les modèles de marchés bifaces. On peut donc les qualifier de modèles de plate-forme. C’est l’intermédiation entre les utilisateurs finaux et les fournisseurs de service qui est valorisée. Les données acquises sur les pratiques des individus et le fonctionnement du système de mobilité constituent une source dérivée de valorisation. Les systèmes techniques sans contact, de paiement mobile ou de validation, constituent eux aussi une couche de service aux utilisateurs finaux qui peut se surajouter aux services de transport proprement dits. Fondés sur l’exploitation des effets de réseau indirects, ces modèles recherchent l’audience la plus large possible et visent à l’exhaustivité des offres de services proposées aux utilisateurs finaux. Leur principe de base est l’amélioration de la connaissance des offres disponibles par les clients. Ceux-ci peuvent alors produire eux-mêmes la solution qui leur convient à partir des éléments mis à disposition. Le degré d’autonomie du client final est donc plus élevé que dans le modèle intégré. La proposition de valeur pour le client final consiste en la fourniture d’outils rendant possible ou facilitant la contractualisation avec des prestataires de services dont les offres combinées répondent aux besoins de mobilité porte-à-porte. Ces offres ne se limitent d’ailleurs pas aux offres de transport mais peuvent concerner les activités qui génèrent le besoin de mobilité et les services complémentaires au transport. Les ressources et compétences clés sont donc celles liées à la maîtrise des outils techniques et à la gestion de l’information. La plate-forme joue le rôle de prescripteur qui rend possible la relation marchande. La neutralité vis-à-vis des fournisseurs de service affiliés est un trait partagé de ces offres. Elle est d’ailleurs une nécessité de ce type de relation triangulaire entre le prescripteur, le client et le fournisseur de service (Hatchuel, 2013). Le modèle de revenu diffère radicalement de celui du modèle intégré. La question de la rentabilité des services de transport ou leur niveau de fréquentation n’y est pas posée, bien qu’elle ne puisse être totalement éludée comme l’illustre le conflit récurrent entre Uber et les chauffeurs de taxi et VTC. C’est la fréquentation de la plate-forme elle-même qui constitue un enjeu. C’est pourquoi la confiance dans l’opérateur de mobilité est un élément clé du modèle.

Le modèle distribué

Parmi les nombreuses offres que nous avons recensées et qui participent au porte-à-porte, certaines ne partagent les spécificités ni des modèles intégrés, ni de plate-forme. C’est le cas de l’accord entre la société Altibus et SNCF, des accords de commercialisation entre SNCF et les départements ou encore des tickets section urbaine. Dans ces exemples, il n’y a pas d’intégration industrielle des offres. Par contre, ils illustrent l’effort d’interconnexion d’un réseau donné, ici celui de SNCF, avec des offres situées, c’est-à-dire organisées localement. Dans de tels modèles, ce n’est ni le développement d’offres de transport, ni le développement d’une offre de service au client final qui est primordial, mais plutôt l’organisation d’une interface structurée entre des offres existantes et complémentaires. C’est pourquoi on les qualifiera de modèles distribués. Ce modèle requiert une démarche de coopération entre les différents agrégateurs d’offres de mobilité qui se mettent en réseau. La plate-forme le.taxi lancée par l’administration en octobre 2016 constitue un exemple de modèle distribué. Le.taxi n’est pas une application destinée au client final mais une plate-forme qui

fédère les applications des taxis et des centrales de taxi45. Elle permet l‘accès des clients à l'offre de

taxis via des services tiers : applications de réservation de taxi mais aussi moteurs de recherches ou applications de mobilité. Il s’agit donc d’un outil au service de la structuration d’une offre donnée et de son intégration dans des systèmes destinés à répondre aux besoins de mobilité porte-à-porte. Les ressources clés du modèle concernent la maîtrise technique de l’outil. Les compétences, au-delà de celles d’ordre technique, sont relatives à l’animation et à la structuration d’acteurs multiples et indépendants les uns des autres. L’intérêt de ce modèle réside dans la possibilité d’intégrer de nouveaux acteurs dans l’équation économique du porte-à-porte et de replacer dans le jeu la capacité publique de subventionner certains maillons de la chaîne porte-à-porte.

2.1.2 Modèles économiques et porte-à-porte : des apports mutuels

Malgré une grande hétérogénéité de l’offre porte-à-porte, l’approche par les modèles économiques nous permet d’arriver à une grille de lecture simple et englobante avec trois modèles-types d’organisation dont nous donnons une vue de synthèse au tableau 3.

Modèle Intégré Distribué Plate-forme

Proposition de valeur Transport Services

intermédiaires

Services finaux

Critère Continuité du service

de transport

Qualité de l’interconnexion

Exhaustivité de la couverture

Organisation Verticale, centralisé Modèle coopératif Marché biface

Tableau 3 – Les trois modèles économiques types du porte-à-porte

Source : auteur

La capacité à mettre en place avec succès l’un ou l’autre de ces modèles dépend de leur adéquation avec les intérêts des différentes parties prenantes. On cherchera dans ce chapitre à identifier ces acteurs, à comprendre leurs enjeux et à évaluer la pertinence des modèles envisagés par rapport aux enjeux des différents acteurs.

Le modèle intégré correspond à un modèle naturel pour un opérateur de monopole historique tel que SNCF. Le modèle de plate-forme correspond à une organisation typique de l’économie

45 Source : http://le.taxi/ consulté le 3 mars 2017. Les conditions générales d’utilisation décrivent ainsi le.taxi : c’est un « système d’information opéré par la mission Etalab au sein du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), pour le compte du ministère de l'intérieur. » Ses utilisateurs sont d’une part « les prestataires de géolocalisation de taxis qui assurent au quotidien une médiation client-taxi au travers d'un outil de géolocalisation qui leur est propre, dits "opérateurs taxis" ; [d’autre part] les moteurs de recherche et, plus généralement, les applications disponibles sur téléphone mobile, ou tout autre canal (mobilier urbain, commande manuelle…) dits " moteurs de recherche" ».

numérique. La réflexion sur le porte-à-porte amène à imaginer un troisième type de modèle qui dépasserait la logique de plate-forme pour prendre en compte les spécificités de la mobilité, à savoir le fait qu’elle soit une demande dérivée d’activités et son lien avec l’économie des territoires. On verra dans le chapitre 3 comment aller vers la concrétisation de ce type de modèle qui reste, à ce stade, conceptuel.

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