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Eléments de définition de la notion de modèle économique

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 7 Eléments de définition de la notion de modèle économique

Pour (Magretta, 2002), un modèle économique doit répondre aux questions suivantes : qui est le client et à quoi accorde-t-il de la valeur ? Il doit aussi répondre aux questions que se pose le chef d’entreprise : comment gagne-t-on de l’argent avec cette activité ? Quelle est la logique économique sous-jacente qui explique comment il est possible de fournir de la valeur aux clients à un coût approprié ? Pour (Teece, 2010), un modèle économique est avant tout un modèle conceptuel plus qu’un modèle financier. Il décrit « comment une activité crée et délivre de la valeur aux clients. Il met en outre en évidence l’architecture des revenus, coûts et profits qui est associée avec les activités de l’entreprise qui délivre cette valeur »41.

Le modèle économique se focalise donc sur les éléments suivants : la proposition de valeur à des clients, les activités nécessaires pour réaliser cette valeur (ce qui comprend les activités au sein de l’entreprise mais aussi les relations avec l’ensemble des parties prenantes) et la répartition des coûts et revenus qui en découle. Demil et Lecocq (2008, 2010), qui ont contribué à préciser cette définition, ajoutent que le modèle économique s’appuie sur des ressources et des compétences que détient ou maîtrise l’entreprise. Ils insistent sur la dimension organisationnelle du modèle économique qui le distingue du

modèle de revenu, « puisqu’il s’agit de mettre en place la structure adaptée aux objectifs de génération de revenus » (Demil & Lecocq, 2008, p. 115). Pour un même modèle

économique générique, différents modèles de revenus spécifiques peuvent donc être envisagés.

Construire un modèle économique consiste à mettre en œuvre une approche système qui, même si elle adopte le point de vue d’une entreprise particulière, ne doit pas négliger les autres acteurs. Au contraire, un modèle économique doit se focaliser sur la manière selon laquelle la valeur est créée pour toutes les parties prenantes (Zott et al., 2011). Les parties prenantes étant entendues comme l’ensemble des acteurs, autres que les actionnaires de l’entreprise, qui ont une influence sur elle ou qui sont influencés par ses décisions et dont les attentes sont à prendre en compte par les décideurs (Bonnafous-Boucher & Dahl Rendtorff, 2013).

De nombreux auteurs soulignent la proximité du concept de modèle économique avec la stratégie tout en montrant en quoi il complète les approches stratégiques traditionnelles (Demil & Lecocq, 2008). Le modèle économique est un outil qui se veut plus opérationnel et qui est plus proche d’une vue entrepreneuriale de la stratégie d’entreprise. Il permet d’accompagner la réflexion stratégique

41 Nous traduisons de la version originale : « A business model articulates the logic and provides data and other evidence that demonstrates how a business creates and delivers value to customers. It also outlines the architecture of revenues, costs, and profits associated with the business enterprise delivering that value. »

tout en incorporant des éléments de réflexion habituellement disjoints (marketing, techniques de fixation des prix, organisation, finance, etc.). L’approche par les modèles économiques permet de décrire comment de nouveaux entrants déstabilisent des secteurs et quelles sont les possibilités de réaction et d’adaptation pour les acteurs en place (Demil et al., 2015). C’est précisément l’origine et l’objet du présent travail de décrire comment l’environnement de la mobilité est déstabilisé du fait de l’irruption de logiques porte-à-porte personnalisées et comment le groupe SNCF peut choisir d’y répondre.

On trouve dans la littérature sur les modèles économiques différentes propositions de structure générique. Elles sont surtout utiles dans les études de cas pour décrire les composantes des modèles analysés et les interactions qui les relient. Kollara (2017, p. 106) fournit une récapitulatif utile des principaux cadres de représentation des modèles économiques. Différents auteurs en ont par ailleurs proposé des cadres de représentation visuelle, de manière à les rendre facilement appropriables par les acteurs opérationnels (Lecocq et al., 2006; Osterwalder & Pigneur, 2010). Ce type d’outil sera exploité de deux manières dans notre travail : nous utiliserons la description en trois grands blocs – Ressources et Compétences ; Proposition de Valeur ; Organisation – proposée par (Lecocq et al., 2006) pour présenter les modèles économiques types du porte-à-porte. Cette description présente l’avantage d’être suffisamment simple et flexible pour s’adapter à celle de modèles économiques génériques. Par ailleurs, nous avons utilisé la représentation proposée par Osterwalder et Pigneur, le

business model canvas, pour l’animation de réunions de créativité au sein de SNCF qui ont permis de

conceptualiser des modèles économiques du porte-à-porte pour certaines de ses fonctions critiques.

Le modèle économique est un outil approprié à l’analyse du porte-à-porte

L’approche par les modèles économiques est particulièrement appropriée pour aborder la question du porte-à-porte qui implique de nombreuses parties prenantes et émerge dans un contexte de déstabilisation des acteurs traditionnels du transport par les nouvelles possibilités et attentes permises par le numérique. Au sein du groupe SNCF, fournir un service porte-à-porte est une des priorités principales identifiées par le plan stratégique d’entreprise. De nombreuses activités ont rapidement été mises en œuvre au sein d’un programme porte-à-porte transversal à l’opérateur (SNCF Mobilités). Le point de départ de notre travail se situe donc à un niveau intermédiaire entre stratégie et décisions opérationnelles et devait consister à répondre aux questions suivantes : quelle est la logique sous-jacente pour toutes les parties prenantes à l’ensemble des actions de type porte- à-porte ? Quelles sont les différentes possibilités dont dispose SNCF pour mettre en œuvre sa stratégie porte-à-porte ? Chemin faisant, la complexité foisonnante du porte-à-porte et la difficulté de ne pas pouvoir raisonner sur une offre précise nous incitera à revenir régulièrement à un niveau de questionnement stratégique. Notre analyse se portera donc sur la recherche de modèles économiques types pour le porte-à-porte. A l’issue du premier chapitre, nous proposerons trois modèles économiques types du porte-à-porte à partir de l’observation que nous avons faite de l’existant. Par définition, ces modèles génériques (Demil & Lecocq, 2008) se concentreront sur de grandes caractéristiques qui rendent possible la comparaison. Ces caractéristiques pourraient être ensuite déclinées dans des modèles spécifiques comportant une analyse plus fine des segments de clients, des modes de tarification ou des choix de positionnement dans la chaîne de valeur (choix entre faire et faire faire). Ce second niveau d’analyse concerne les choix propres qu’une entreprise fait à propos d’une ou plusieurs offres particulières. Il met en évidence les limites de la comparaison :

deux prestations porte-à-porte ne sont pas homogènes du fait des nombreuses combinaisons possibles de modes. Dans le deuxième chapitre, nous regarderons de plus près quelles sont les parties prenantes du porte-à-porte et nous nous attacherons à décrire les évolutions en cours. Nous nous attarderons sur SNCF dont on verra qu’il ne s’agit pas d’un acteur monolithique mais au contraire d’un groupe d’une grande complexité dont les composantes répondent à différents types d’enjeux et pour lesquels le porte-à-porte ne s’envisage pas toujours de la même manière. Les différents modèles économiques types du porte-à-porte apparaîtront plus ou moins adaptés selon la perspective retenue au sein de l’entreprise. Dans le troisième et dernier chapitre, nous développerons les modèles économiques types de porte-à-porte et en détaillerons les composantes principales : leur proposition de valeur, les ressources et compétences sur lesquelles ils se fondent, l’organisation nécessaire à leur fonctionnement. Nous en proposerons une vision critique et mettrons en exergue aussi bien leurs apports que les questions qu’ils soulèvent. A partir de là, nous montrerons que plusieurs trajectoires sont possibles pour l’entreprise. Nous développerons une solution théorique de modèle économique pour le porte-à-porte adaptée à sa complexité et apporterons des éléments complémentaires d’évaluation à partir d’un cas d’application développé au sein de SNCF, en lien avec le présent travail.

1.4.3 L’économie de plate-forme au cœur de l’économie numérique : nouvelles options pour le porte-à-porte

L’économie numérique au cœur du porte-à-porte

Le questionnement sur le renouvellement du modèle économique des acteurs traditionnels du transport est en grande partie amené par les changements induits par le numérique. En témoignent de nombreux rapports des grandes sociétés de conseil, parus au début de la décennie 2010, sur les services de mobilité connectée, sur l’intégration des services de mobilité au moyen des outils numériques, smartphone en tête, et sur la nécessaire prise en compte du déplacement porte-à-porte (Capgemini, 2009; Frost & Sullivan, 2013; Roland Berger, 2013; The family, 2016). Ces rapports insistent sur l’adaptation des entreprises à la transition numérique, c’est-à-dire sur les options stratégiques qui s’offrent à elles en ce qui concerne l’évolution de leur modèle d’affaire. L’économie numérique est particulièrement adaptée à la mise en place de modèles économiques multifaces, également appelés modèles de plate-forme, qui s’organisent autour d’une entreprise qui joue le rôle d’intermédiaire entre différentes catégories de clients-utilisateurs de la plate-forme (voir l’encart ci- dessous). Dans le domaine du transport, les réflexions qui étaient auparavant focalisées sur les questions de gouvernance des réseaux (Curien, 2005) traitent désormais de l’importance de la relation client et de la maîtrise des données de mobilité.

Les modèles économiques de plate-forme ne sont pas propres à l’économie numérique. Les cartes de paiement ou les consoles de jeux vidéo sont des exemples bien documentés de marchés bifaces. Ils y trouvent par contre un terreau très favorable du fait de l’intensité des effets de réseau qui amène souvent à des situations de quasi-monopole et qui expose l’écosystème à un risque de captation de la valeur par la plate-forme. Ce phénomène a été illustré par Uber en 2015 avec son choix unilatéral d’augmenter brusquement et fortement sa marge. Les grandes entreprises du numérique comme Google ou Apple ont toutes développé leurs écosystèmes autour de modèles multifaces. Les plates- formes logicielles, comme l’App Store d’Apple, qui servent de réceptacle à la mise à disposition de

ressources tierces fournies par des développeurs sont des cas d’application typiques des marchés multifaces dans le numérique.

Les outils numériques occupent désormais une place importante dans l’économie du porte-à-porte. Par ailleurs, les modèles économiques de plate-forme sont à la source des succès de l’économie numérique. On comprend donc pourquoi ces modèles suscitent de l’intérêt dans le domaine du transport et servent parfois de référence pour imaginer une solution à l’organisation d’une offre de mobilité porte-à-porte. Il faut cependant garder à l’esprit que dans l’usage commun, le terme de plate-forme fait en général référence à une interface numérique destinée aux clients finaux. Pour autant, le modèle économique auquel elle s’adosse n’est pas nécessairement multiface. Dit autrement, une application internet proposant un bouquet de services ne fonctionne pas forcément selon le principe des plates-formes économiques, en dépit de la dénomination courante de « plate- forme ». Dans cette thèse, nous restreindrons l’usage du terme de plate-forme à son acception économique, c‘est-à-dire aux marchés multifaces.

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