• Aucun résultat trouvé

Quelques précisions sur la notion d’intégration

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 3 Quelques précisions sur la notion d’intégration

Dans le contexte des transports, l’intégration peut être envisagée à différents niveaux. L’intégration de l’information fait référence au regroupement des informations relatives au transport en un même point. L’intégration horaire consiste à mettre en cohérence les horaires des services de transport. L’intégration physique renvoie à la faisabilité physique de la connexion entre deux modes. L’intégration tarifaire s’atteint par la mise en place de tarification commune à différents modes. L’intégration billettique permet l’utilisation de titres de transport communs à différents réseaux. Au-delà de ces niveaux d’intégration qui sont relatifs au système de transport, on peut aussi en parler relativement au mode de gouvernance des systèmes de transport. L’intégration peut renvoyer alors à la mise en cohérence de la fourniture, de la gestion et de la tarification de l’usage des infrastructures. On parle aussi d’intégration institutionnelle lors du regroupement de plusieurs autorités organisatrices de transport ou d’intégration politique lorsque les objectifs des politiques de transport sont mis en cohérence avec ceux des autres politiques, urbanisme en premier lieu mais aussi santé, politique sociale, développement socio-économique ou objectifs environnementaux (Preston, 2012).

Dans le contexte de la stratégie d’entreprise et de l’économie industrielle, le terme d’intégration fait référence au choix de positionnement stratégique des entreprises dans une chaîne de valeur. La question de l’intégration verticale est celle de l’arbitrage entre faire et faire-faire, de la maîtrise des différents maillons d’une même chaîne de valeur. L’intégration verticale vise à améliorer la position concurrentielle de l’activité principale de l’entreprise en permettant d’effectuer des économies d’échelle, en réduisant les coûts de transaction avec les fournisseurs et les distributeurs ou en élevant des barrières à l’entrée. L’intégration peut-être complète ou partielle. Dans la quasi-intégration, l’entreprise pèse fortement sur ses fournisseurs et ses distributeurs sans les intégrer directement. La question de l’intégration horizontale est relative à la diversification des activités de l’entreprise qui permet de renforcer la position concurrentielle de l’entreprise en réalisant des économies d’envergure, en accroissant son pouvoir de marché et en répartissant les risques (Leroy, 2004). Réfléchir au niveau d’intégration industrielle d’une entreprise revient à poser la question du périmètre optimal de l’entreprise. C’est l’objet des théories de la firme et en particulier de la théorie des coûts de transaction développée par Oliver E. Williamson. Il existe des formes intermédiaires qualifiées d’hybrides, entre l’entreprise intégrée et les relations de marché.

Enfin, dans le contexte de l’analyse économique d’une offre de produit ou de service du point de vue de ses fonctionnalités pour l’usager, l’intégration est synonyme d’ajout de fonctionnalités à un même dispositif technique. Le téléphone portable combine ainsi les fonctions de téléphone, d’appareil photo, de dictaphone, de chronomètre, d’agenda, et bien d’autres encore. Plus généralement l’intégration fait référence à l’enrichissement d’une offre par de nouveaux services. Si l’on considère les processus de constitution de l’offre et de réalisation du service proposé, l’intégration renvoie à l’implication plus ou moins grande d’un opérateur dans la réalisation d’une solution adaptée au besoin spécifique d’un client. « Le degré d'intégration d'un bouquet exprime la part prise par son

offreur dans la production des effets utiles recherchés pour le client. Plus le degré d'intégration est élevé, moins le client contribue à la production des effets utiles » (Moati et al., 2006, p. 20).

Si l’on considère le système de transport comme un ensemble de services séparables les uns des autres, la conception de l’intégration dans les transports est cohérente avec la définition du degré d’intégration d’un bouquet de services. L’intégration verticale est un moyen de la réaliser mais ce n’est pas le seul. L’économie numérique permet de proposer des bouquets de services très intégrés avec des niveaux variés d’intégration industrielle.

En Europe, des approches contrastées pour un transport public sans couture

En France, comme dans de nombreux autres pays européens, l’organisation des transports collectifs est du ressort des collectivités publiques. Il est désormais acquis que la mobilité des individus ne s’arrête pas aux frontières institutionnelles. Au cours d’un déplacement porte-à-porte, les individus se heurtent donc à des discontinuités lors du passage d’un réseau à un autre. C’est pourquoi différentes formes de coopérations entre collectivités ont été développées comme les syndicats mixtes de transport dits SRU en France ou les communautés tarifaires de transport (Verkehrsverbünde) en Allemagne. En France, une grande partie de la coopération se fait de manière moins institutionnalisée par le biais de conventions multipartites. C’est le cas par exemple en Bretagne avec la carte des déplacements Korrigo (voir en annexe). Pour une revue des différentes formes de coopération entre autorités organisatrices de transport et une comparaison instructive des situations en France et en Allemagne, on pourra se référer au travail réalisé par le Certu (Certu, 2012).

En Allemagne, un projet assez ambitieux qui pourrait être qualifié de porte-à-porte consiste à combiner l’information multimodale et à assurer l’interopérabilité géographique des systèmes billettiques. Cela signifie qu’un voyageur pourra, avec son application locale, demander un itinéraire d’un point A à un point B dans le pays et acheter des titres de transport. L’interopérabilité est assurée par spécifications faites par l’association des opérateurs de transport (Verband Deutscher Verkehrsunternehmen, VDV) et partagées au niveau national. Chaque autorité organisatrice possède son application à partir d’un noyau commun appelé Kern-application22. Ce système nécessite par ailleurs l’existence de chambres de compensation qui répartissent les flux financiers entre les différentes autorités organisatrices. Dans un pays décentralisé comme l’Allemagne, par opposition à un pays centralisé comme la France, les acteurs du transport public ont ainsi réussi à se mettre d’accord pour assurer l’interopérabilité.

En France, le programme Mobilité 2.0 devait aboutir à une information multimodale cohérente au niveau national et à une interopérabilité des systèmes billettiques locaux. Son annonce avait été faite en février 2014 par Frédéric Cuvillier, alors ministre délégué aux Transports23. Sa mesure la plus

22 Site internet du VdV, service eTicket: https://oepnv.eticket-deutschland.de/en/products-and-services/vdv- core-application/ consulté le 11 juillet 2017.

23

importante concernait un calculateur d’itinéraire multimodal national24. En parallèle de ces travaux

sur un calculateur d’itinéraire distribué, il avait été prévu de mettre en place une application billettique commune pilote qui devait être opérationnelle dès 201425. La stratégie Mobilité 2.0 était portée par l’Agence Française pour l’Information Multimodale et la Billettique (AFIMB) dont la création remontait à 2009. Deux années après l’annonce gouvernementale de la stratégie Mobilité 2.0, la Cour des comptes relevait dans un référé au premier ministre que « le projet de calculateur

[était] de facto abandonné » et que l’AFIMB « créée pour piloter ce projet [était] restée inactive »

(Cour des comptes, 2016). Une nouvelle démarche dans laquelle l’Etat n’est plus directement à la manœuvre a été préférée. Nommée Mobilité 3.0 en référence à la démarche précédente, elle est portée par les acteurs du secteur des transports intelligents regroupés dans l’association ATEC ITS, avec le soutien des ministères en charge des transports et de l’économie (ATEC ITS, s. d.). Au niveau national, il n’y a finalement pas de vision unifiée et partagée par l’ensemble des acteurs publics d’un système de transport sans couture. L’intégration des transports est surtout envisagée sur les périmètres des autorités organisatrices, à l’échelle des agglomérations ou parfois des régions.

1.2.2 Approches métropolitaines pour un transport intégré.

La structure d’organisation entre les acteurs du transport, l’histoire de la construction du système de transport, les rapports de force entre les acteurs en présence constituent des particularités propres à chaque territoire. Elles expliquent que la voie vers une intégration poussée du transport ait pu ici passer tout d’abord par l’intégration billettique, là par l’intégration tarifaire ou ailleurs par l’intégration de l’information. Les différents niveaux d’intégration constituent différentes entrées qui sont privilégiées en fonction des situations locales. Nous allons en voir quelques exemples qui nous permettront de dégager des problématiques clés du porte-à-porte.

24

La mission de développement du calculateur d’itinéraire national s’inscrivait dans la continuité des travaux de l’AFIMB. Elle avait pour mission de promouvoir au plan national l‘harmonisation et la continuité des systèmes d'information multimodale et de billettique et devait jouer un rôle opérationnel avec des moyens financiers propres (PREDIM, 2009). Elle avait déjà engagé des travaux sur l’information multimodale de porte-à- porte focalisés sur les déplacements interrégionaux. L’annonce gouvernementale de la stratégie Mobilité 2.0 était elle-même en ligne avec le rapport Lemoine sur la transition numérique (2014) qui préconisait au gouvernement de « lancer un pass mobilité universel pour permettre à chaque individu […] de se déplacer d’un point A à un point B sans discontinuité de son parcours ». Ce projet comportait deux chantiers distincts. Le premier concernait le billet dématérialisé unique utilisable sur tous les services de transport. Le second devait aboutir à un service d’information multimodal exhaustif et s’enrichissant des apports de la communauté des utilisateurs.

25 Site internet du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

La métropole de Lyon : la gestion de l’information multimodale comme socle à l’intégration des transports publics et du transport routier

En droite ligne avec la vision intermodale du porte-à-porte, la communauté urbaine de Lyon, devenue en 2014 métropole du Grand Lyon, a voulu revoir sa gestion de l’information mobilité pour mieux utiliser les réseaux existants et pour pouvoir les connecter entre eux. Elle a ainsi décidé en 2011 la mise en place d’une centrale de mobilité qui consistait d’une part à « rassembler en un seul

lieu l’ensemble des informations concernant les services de déplacements aujourd’hui très éclatés » et

d’autre part à « développer des services innovants d’information sur les déplacements pour les

habitants de la Communauté urbaine et ceux étant en transit sur le territoire » (Grand Lyon, 2011).

Cette stratégie a été mise en œuvre entre 2012 et 2015 au travers du projet Optimod’Lyon et s’est poursuivie avec le projet Opticities visant à tisser un réseau de villes européennes autour de la mise en place d'un standard d'organisation pour la mobilité urbaine et de standards techniques pour la collecte et la réutilisation des données de mobilité. La métropole lyonnaise a réuni autour d’elle pour le projet Optimod treize partenaires publics et privés, avec des règles de collaboration formalisées dans une convention de partenariat (Grand Lyon, 2012), dans une démarche d’écosystème d’affaire (voir encadré ci-après). L’objectif formulé initialement était de soutenir la politique publique de mobilité urbaine du Grand Lyon tout en renforçant la santé de l’écosystème dans son ensemble. La collectivité se positionnait donc en pivot de cet écosystème pour coordonner l’innovation autour de sa vision stratégique de la mobilité mais ne cherchait pas à être elle-même le point d’entrée unique de la mobilité pour les usagers de ses réseaux.

Outline

Documents relatifs