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L’information, point d’entrée de la mobilité porte-à-porte

Le porte-à-porte, un objectif partagé

Encart 4 Ecosystèmes d’affaire

1.2.4 L’information, point d’entrée de la mobilité porte-à-porte

Pour réaliser un déplacement, il existe une pluralité de combinaisons possibles de modes de transports. Pour comparer les options disponibles, les critères retenus sont en général le temps de trajet et le prix, qui sont les deux grandes composantes du coût généralisé pour l’individu. Ils sont parfois complétés par le bilan d’émissions CO2 qui ne représente pas directement un coût pour

l’usager mais pour la collectivité. Les outils numériques permettent à leurs utilisateurs de mieux arbitrer entre vitesse, confort et prix. Par exemple, un horaire plus favorable ou un trajet plus long mais plus confortable peuvent être privilégiés par rapport à un trajet plus rapide ou moins cher. De plus, il rendent possible une certaine adaptation de la mobilité en réponse aux imprévus intervenant pendant le déplacement (Adoue, 2016; Aguiléra & Rallet, 2017). En revanche, les applications qui fournissent de l’information multimodale, y compris en temps réel, ne sont pas suffisantes pour faire changer les pratiques modales habituelles (Pronello et al., 2017). Elles doivent être conjuguées à des stratégies plus larges de gestion de la mobilité incluant le développement de l’offre de transport ainsi que des mesures portant sur le partage de l’espace public entre les modes.

Le grand nombre de modes et d’opérateurs possibles étend considérablement le nombre d’options possibles pour réaliser un même trajet. Des systèmes d’information performants sont donc nécessaires pour que les individus puissent avoir connaissance des diverses options et puissent les comparer entre elles. Des comparateurs, souvent spécialisés sur un mode donné, permettent de choisir entre différents opérateurs ou prestataires même sur des marchés très fragmentés. On peut recenser assez facilement de nombreux comparateurs de taxi et VTC, des comparateurs d’autocars ou de billets d’avion. Les systèmes d’information multimodale qui nous intéressent ici comparent les modes et les combinaisons de modes entre elles. Il existe de nombreux systèmes d’information multimodale (SIM) aux caractéristiques différentes (champ géographique, couverture modale), proposés par différents types d’acteurs, selon des modèles économiques variés. En 2017, la Commission Européenne dénombrait plus de 160 systèmes fournissant un service aux échelles locales, régionales, nationales et internationales (Commission Européenne, 2017). Elle notait dans le même temps que malgré la quantité importante de prestations disponibles, le niveau de service fourni restait en revanche limité. La tendance générale qui peut être observée est d’offrir la possibilité de réserver et d’acheter les titres de transport correspondants. Le consortium All Ways Travelling notait en 2014 qu’aucun système d’information multimodal n’offrait de solution globale pour l’information et la réservation (All Ways Travelling, 2014, p. 139).

Les centrales de mobilité proposées par les territoires : un périmètre qui tend à s’élargir

En France, presque toutes les régions disposent d’un système d’information multimodale (AFIMB, 2015) tout comme de nombreuses agglomérations et de nombreux départements. Ces systèmes ne sont pas interopérables entre eux puisqu’ils ne permettent pas de calculer un itinéraire entre deux points situés sur les territoires de deux SIM distincts. En revanche, cette diversité cache une relative uniformité des technologies sous-jacentes, au moins au niveau français, puisque les trois quarts des systèmes d’information multimodale régionaux utilisent en fait le calculateur Navitia développé par Kisio Digital (anciennement Canal TP), filiale de Keolis et donc dans le groupe SNCF. L’autre acteur important du calcul d’itinéraire en France est Cityway, filiale de Transdev. De plus, le regroupement des régions suite à la mise en application en 2016 de la réforme territoriale donne lieu à un regroupement des systèmes existants. Le dialogue entre les calculateurs d’itinéraires locaux ou avec d’autres systèmes est donc non seulement techniquement possible grâce aux interfaces applicatives mais nécessite un effort somme toute limité eu égard au nombre restreint de technologies effectivement utilisées. Par ailleurs, même si à l’échelle européenne le manque d’interopérabilité entre les services d’information et l’absence d’interfaces de programmation (API) standardisées sont soulignés, des avancées ont été constatées au niveau des Etats membres, particulièrement en France, Allemagne et Grande-Bretagne (Commission Européenne, 2017).

Pensés à l’origine uniquement dans le cadre de l’information sur les réseaux de transport en commun, les systèmes d’information multimodale mis en place par les collectivités s’enrichissent progressivement de nouvelles fonctionnalités. Elles concernent la prise en compte de nouveaux modes pour le calcul d’itinéraires intermodaux comme le vélo, le vélo en libre-service, le covoiturage ou l’autopartage (AFIMB, 2014a, 2014b, 2014c, 2014d) et tendent à intégrer, comme nous l’avons vu plus haut, l’usage de la voiture particulière. Ces nouvelles fonctionnalités restent donc pour le moment dans le cadre de la mobilité organisée ou co-organisée par la puissance publique, y compris pour l’autopartage ou le covoiturage, ou de la mobilité strictement individuelle. Par contre, les modes organisés et exploités par des structures commerciales privées, par exemple les services d’autocars interurbains, n’y figurent pas pour le moment. On verra que cette situation n’est pas gravée dans le marbre et qu’une ouverture des systèmes d’information multimodale territoriaux à des mobilités alternatives complémentaires au transport public est en mesure d’alimenter de nouveaux modèles économiques pour la mobilité porte-à-porte.

Les plates-formes d’information multimodale au service d’intérêts commerciaux

Pour obtenir une information qui intègre également les opérateurs privés, il suffit de se rendre sur des systèmes d’information multimodale qui ne dépendent pas de la puissance publique. Ces calculateurs ont en général une ambition d’exhaustivité : donner l’information transport en tout lieu et sur tous les modes existants. Ce souci d’exhaustivité s’explique par des modèles économiques basés sur l’audience des plates-formes d’information et se fait en général au détriment de la qualité des données et de l’information temps réel qui nécessitent toutes deux la mise en place de moyens considérables. Il en existe de nombreux qui sont plus ou moins exhaustifs. Tous ne proposent pas des trajets de porte à porte. Parmi ceux-là, le calculateur de Google constitue une référence

incontournable tant son usage est répandu40. Il constitue en France le guichet d’information

privilégié pour les transports, y compris pour les habitants des territoires qui pourraient pourtant préférer les sites territoriaux financés par l’argent public et dont la publicité est assurée localement. Le succès considérable de Google tient à sa forte audience auprès du public et aussi à sa stratégie vis- à-vis des collectivités et des opérateurs : Google leur offre des outils puissants (l’accès à l’interface cartographique, les fonctionnalités du calculateur Google Transit, le standard de données GTFS développé initialement par Google, la visibilité permise par Google) en échange de la fourniture des données de transport. Rome2Rio est un autre calculateur multimodal porte-à-porte remarquable par son niveau sans équivalent de couverture géographique et modale et par son niveau d’intégration de services complémentaires (réservation d’hôtels, points d’intérêt sur place, achat de certains titres de transport, réservation de taxi et location de voiture, etc.). Contrairement aux sites territoriaux, il ne dispose pas de l’intégralité de l’information horaire ni d’information en temps réel, ce qui le rend surtout attractif pour les parcours longue distance. Le modèle de revenus de Rome2Rio est basé sur les licences d’utilisation de son moteur de recherche et de sa base de données (à destination d’opérateurs ou d’agences de voyage) ainsi que sur des mécanismes plus classiques de l’économie numérique : ressources de la publicité et commission sur les transactions (All Ways Travelling, 2014). Enfin, les grands opérateurs de transport comme SNCF proposent leurs propres calculateurs porte-à- porte. Ces derniers privilégient l’offre propre de l’opérateur ce qui amène à produire des résultats qui parfois ne sont pas pertinents pour le voyageur.

Le reste-à-couvrir de l’information sur l’offre multimodale : un enjeu pour le porte-à-porte

Il existe donc une grande variété d’outils permettant de rechercher et de comparer des itinéraires porte-à-porte. Malgré cela, des zones sont encore mal couvertes. Par exemple les petites offres locales privées, à la frontière entre le transport et les activités touristiques ne sont pas répertoriées. C’est le cas des navettes offertes par des destinations touristiques ou des loueurs de scooters ou de vélo. Ça l’est aussi des systèmes de micro mobilité comme les vélos-taxis. C’est encore le cas des systèmes à la frontière entre transport et service public comme les services de location longue durée de moyens de transport proposés par certaines collectivités. De plus, même si les nouvelles mobilités tendent à être de plus en plus intégrées, elles le sont souvent en alternative multimodale (une solution en covoiturage ou en taxi pourra être proposée pour un trajet mais plus rarement dans une logique intermodale) et sont relativement mal intégrées dans les moteurs de recherche. Il y a donc ici un potentiel intéressant de développement de l’information sur la mobilité porte-à-porte. Le principal frein à l’agrégation de toutes les mobilités dans les calculateurs d’itinéraires réside dans la difficulté d’obtention de données complètes, fiables et à jour. Cette difficulté est particulièrement aiguë pour les offres à caractère plus ou moins artisanal qui ne s’appuient pas sur des systèmes d’information performants. Se pose donc la question de la manière d’obtenir et d’intégrer

40 Au démarrage du projet Optimod’Lyon, la métropole avait réalisé une enquête dont une question concernait les sites internet utilisés pour les déplacements dans l’agglomération. Google Maps était cité par 68% des répondants, après le site du réseau de transport TCL cité par 75% des répondants. Les sites suivants n’étaient cités que par moins de 30% des répondants (Mappy, Viamichelin). Les sites de TER, de la métropole (Onlymoov) et de la région (Multitud) ne l’étaient que par 13%, 7% et 1% des répondants respectivement. (Résultats de l’enquête voirie – Mobilité urbaine vague 2 - janvier 2013, Grand Lyon, 2015, p. 12).

l’information de toutes les mobilités. Dans un second temps, d’autres questions devraient être traitées : sur quels critères comparer les possibilités entre-elles ? Comment prioriser une solution par rapport à une autre ?

L’information sur la demande : prendre en compte au plus près les besoins de mobilité

La multiplicité des offres disponibles impose de faire un tri dans la restitution qui en est faite aux individus pour être en mesure de proposer des réponses pertinentes. Pour être efficient, le porte-à- porte doit répondre au plus près à une demande latente. Son modèle économique doit cibler précisément les clients et leurs besoins. Pour cela, les outils numériques sont d’une aide précieuse. Différents mécanismes peuvent être mis en jeu. Tout d’abord, la remontée d’information par la multitude, ou crowdsourcing, permet de solliciter à une échelle très large et de manière presque instantanée les besoins individuels. Des offres adaptées peuvent être mises au point en réponse à ces données d’entrées. Les lignes de bus de l’entreprise Leap à San Francisco sont ainsi crowdsourcées. Les calculs d’optimisation et de gestion de flotte en temps réel permettent d’améliorer l’attractivité du transport à la demande : les itinéraires et les taux de remplissage sont optimisés, la prise en compte des demandes se fait de manière instantanée. L’entreprise Padam à Paris, initialement destinée aux noctambules qui cherchent à rentrer chez eux en fin de soirée, s’est orientée de cette manière vers les trajets domicile-travail.

En outre, les technologies numériques permettent d’appairer de manière extrêmement efficace l’offre et la demande. On trouve ainsi dans de nombreux secteurs une grande quantité de sites internet fonctionnant sur le principe de la place de marché. Ainsi, une offre est tout d’abord déposée, par exemple un besoin de déplacement pour un jour et un nombre de personnes donnés. Différentes offres ou devis sont proposés en réponse. L’offreur peut choisir l’offre qui lui convient le mieux. Il en existe pour rechercher des transports en minibus, en autocar ou en taxi et VTC. Ce principe d’appariement, lorsqu’il se fait en « temps réel » et sur mobile, permet de produire des services qui répondent instantanément aux besoins de déplacement des individus. C’est le cas des services de covoiturage instantané et des plates-formes de mise en relation entre individus et chauffeurs (que ces derniers soient professionnels, comme pour toutes les plates-formes de VTC en France, particuliers comme dans le cas du service Uberpop de l’Américain Uber, ou les deux comme chez le Chinois Didi Kuaidi).

Les services en ligne permettent en outre aux individus de déclarer leurs préférences individuelles, de noter les prestations et de laisser des commentaires. Ces fonctions, qui se sont généralisées ces dernières années, permettent aux offreurs de mieux répondre aux attentes et d’améliorer leur service. Les données non déclaratives générées lors de l’utilisation de services numériques sont sans doute encore plus riches d’enseignement. L’analyse statistique de grandes bases de données et leur croisement permettent, certes non sans difficultés opérationnelles, d’acquérir une connaissance extrêmement fine des demandes non exprimées. Par exemple, un projet mené par SNCF a montré que les requêtes de calculateurs d’itinéraire mettent en évidence la demande réelle de mobilité (Rémy et al., 2016). Associées aux données descriptives de l’offre de transport, elles permettent d’identifier les endroits où l’offre multimodale est mal adaptée pour répondre à la demande. Cette connaissance peut permettre aux opérateurs d’adapter leur offre de transport et d’identifier les potentiels pour une offre de mobilité porte-à-porte.

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