• Aucun résultat trouvé

Tension entre le monde domestique et le monde connexionniste

Le renouvellement de la collaboration : un déf

2.5. Tension entre le monde domestique et le monde connexionniste

Différents registres de justification interviennent dans cette épreuve selon qu’elle est vécue du point de vue de l’opérateur ou de celui des agents de l’Office de l’Emploi. La question du renouvellement inquiète les opérateurs. Certains d’entre eux mettent en place des stratégies. Soit ils demandent simplement des informations aux agents sur le lancement du prochain appel à projets soit ils pratiquent le « surbooking ». Dans le cas de la demande d’information, les agents s’attellent à leur faire parvenir une réponse. Ils peuvent se référer à un vade-mecum réalisé par le siège central avec les réponses types à fournir à l’opérateur en fonction de sa question. Ils vont aussi donner des conseils aux opérateurs pour la rédaction de leur dossier de candidature. Cette attitude relève du registre connexionniste. Les agents cherchent à maintenir les liens avec les opérateurs. Ils sont, néanmoins, limités dans leur intervention vis-à-vis des opérateurs car ils doivent être justes.

À partir du moment où l’agent ne s’en tient pas aux réponses prédéfinies, il déroge à ces valeurs. Donner un avis sur le dossier de candidature mais aussi fournir plus d’informations ou de conseils à un opérateur relève d’une attitude protectrice. L’agent adopte l’attitude du « protecteur » du monde domestique. La mobilisation du registre domestique dénature la relation partenariale. L’opérateur n’est plus considéré comme le grand du registre connexionniste, c’est-à-dire un partenaire, mais comme le petit du registre domestique, celui qu’il faut protéger afin de maintenir le lien. Le registre domestique de type familier est au service du monde connexionniste mais la relation devient fortement asymétrique entre les parties-prenantes.

Du côté du Forem, les opérateurs recourent au « surbooking » de dossiers. Quand les agents ont des soupçons, ils vérifient la viabilité de l’organisme à mettre en œuvre tous les projets déposés. Ils se réfèrent à leur bon sens pour évaluer la faisabilité des projets. Les agents en direction régionale

ont connaissance de la pratique du « surbooking » chez certains de leurs opérateurs. Ils n’apprécient pas ce type de stratégie mise en place pour s’assurer un conventionnement avec le SPE. Bien souvent, ils tempèrent la « gourmandise » des opérateurs en réduisant d’office le nombre de dossiers de candidature ou de sessions de formation. Face à ces attitudes opportunistes, les agents adoptent une attitude « autoritaire » en mettant un terme à l’acte risqué entrepris par l’opérateur. Ce type de réaction engendre, tout comme ci-dessus, une asymétrie de la relation partenariale.

Par contre, quand l’épreuve se situe du côté du SPE, les mondes de justification mobilisés par les agents sont différents. La question du renouvellement de la convention apparaît quand la collaboration avec l’opérateur pose problème. Les agents cherchent des éléments objectifs pour refuser le dossier de candidature de l’opérateur si celui-ci en dépose un lors d’un prochain appel à projets. Stopper la collaboration signifie une déconnexion des liens entre l’opérateur et l’Office. Les agents récoltent un ensemble d’informations sur l’opérateur afin de justifier la rupture de la connexion. Ces informations alimentent « l’étiquette réputationnelle » de l’opérateur.

Conclusion

L’étape de l’évaluation du projet est secouée par deux épreuves (cf. tableau 9) qui sont la mesure des résultats et le renouvellement de la convention de partenariat. La première épreuve est vécue par les opérateurs comme un mélange de « pari » et de « défi ». La manière dont l’Office procède à la mesure des résultats n’est pas toujours très claire pour certains opérateurs. La mesure des résultats peut aussi être perçue comme une mise en danger par les opérateurs ne parvenant pas à répondre aux exigences de l’Office de l’Emploi en la matière. Cette épreuve peut s’expliquer par les modalités de financements définies par chaque SPE.

La deuxième épreuve est assimilée tant par les opérateurs que par les services publics de l’emploi comme un défi. Perdre le conventionnement avec l’Office constitue pour les prestataires une mise en danger. Leur volume d’activité subit une diminution ainsi que leurs financements. L’étape du renouvellement de la convention est une épreuve pour les opérateurs à cause du système d’appel à projet et ses modalités pratiques. Du côté des SPE, la poursuite de la collaboration avec certains prestataires s’avère risquée en raison d’un manque de professionnalisme dans le chef de ceux-ci. Cette épreuve s’explique par la présence de comportements inappropriés chez l’opérateur, vis-à-vis, par exemple, de la gestion administrative du projet. Les opérateurs développent des stratégies pour faire face à ces deux épreuves. Pour garantir l’atteinte des objectifs, ils entreprennent des actes risqués comme le recours au « surbooking de candidats » (uniquement du côté du Forem) et au « trafic de publics illicites ». Certains opérateurs du Forem avouent aussi faire de la basse qualité en ce sens où ils fournissent à l’Office de l’Emploi des délivrables « médiocres ». Aucune précision n’est donnée par l’Office sur la qualité du délivrable. Certains opérateurs profitent de cette zone de flou.

En ce qui concerne l’épreuve du renouvellement de la convention, les opérateurs se contentent de demander des informations aux agents sur la sortie d’un nouvel appel à projets et sur la manière de rédiger leur dossier de candidature. Certains opérateurs wallons recourent au « surbooking de dossiers ». Ces stratégies sont plus spécifiquement mises en œuvre par les anciens opérateurs.

Face à l’épreuve de la mesure des résultats, les agents exercent des contrôles pour traquer les opérateurs qui pratiquent le « surbooking de candidats » (uniquement du côté du Forem) et des « trafics de publics illicites ». Ces pratiques étant plus développées du côté wallon, les agents du Forem procèdent systématiquement à des contrôles, ce qui n’est pas le cas du côté bruxellois. Ils rappellent les règles aux opérateurs qui entreprennent ces types d’actes risqués. Certaines directions régionales ont assoupli un peu la règle pour autoriser les opérateurs à pratiquer un peu de surbooking. Du côté d’Actiris, les agents informent et rassurent les opérateurs par rapport au fait que le financement de l’action de formation n’est pas lié aux résultats mais au recrutement des candidats.

Tableau 9 : L’analyse des épreuves liées à l’évaluation des projets

Étape Épreuves (du côté du Forem = F ;

du côté d’Actiris = A)

Formes logiques

Facteurs explicatifs Stratégies développées par

les opérateurs Types d’opérateur Intervention des agents du SPE Mondes de justification (SPE) Év alua tion des pr ojets

3.1. Résultats difficiles à mesurer Pari et Défi pour opérateur

Modalités de financement

Faire de la basse qualité (F) Faire du surbooking de candidats (= acte risqué) (F) Faire du trafic de publics illicites (= acte risqué)

Anciens opérateurs Contrôler Rappeler les règles Autoriser un peu de surbooking (F) Informer et rassurer (A) Civique Domestique

3.2. Renouvellement de la convention Défi pour opérateurs

Système d’appel à projets et ses modalités

Demander des informations Faire du surbooking de dossiers (= acte risqué) (F)

Anciens opérateurs Informer Récolter de l’information Mettre en garde si « surbooking » Domestique Connexionniste Défi pour SPE Éléments intrinsèques à l’opérateur

Face à l’épreuve du renouvellement du contrat de collaboration, les agents donnent de l’information aux opérateurs. Ils les contrôlent et les mettent en garde face à la pratique du « surbooking de dossiers ». Tout au long de la collaboration, les agents récoltent de l’information sur l’opérateur pour alimenter son « étiquette réputationnelle ». L’ensemble de ces informations peut être mobilisé par les évaluateurs en comité de sélection pour étayer leur décision à propos du dossier de candidature de l’opérateur. Les mondes de justification mobilisés dans ces deux épreuves sont différents. Pour faire face au problème des résultats, les agents se réfèrent au cadre et règles fixées par le cahier des charges de l’appel à projets. On peut observer la prédominance du monde civique. Par contre, dans l’épreuve du renouvellement de la convention de partenariat, les agents se réfèrent principalement au monde connexionniste et au registre domestique.

Chapitre 7

La circulation d’objets

Outline

Documents relatifs