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La recherche au sein de SPE, une démarche

1. L’entrée sur les terrains de recherche

1.1. Négociation des attentes mutuelles

L’ouverture des terrains de recherche s’est effectuée par la porte d’entrée des SPE. Le projet de recherche aurait pu être construit différemment, de manière à entrer via les opérateurs privés. Avant le dépôt du projet, nous avons testé la pertinence et l’intérêt d’étudier les partenariats dans le champ de l’emploi et de la formation. Pour ce faire, des contacts ont été pris auprès d’opérateurs privés bruxellois et wallons pour découvrir les projets d’accompagnement et de formation des demandeurs d’emploi mis en place avec les SPE. Le caractère nouveau et innovant des projets a été pris en considération pour procéder à leur choix, comme la formule des bureaux sociaux d’intérim à Bruxelles par exemple. Des contacts ont également été pris avec quelques agents du Forem.

Réaliser des entretiens avec les acteurs de terrain sur les projets et le partenariat n’a posé aucun problème. En revanche, la technique de l’observation participante, comme le fait d’être présent aux réunions entre les parties-prenantes, a été refusée par l’ensemble d’entre eux. Elle semble pourtant essentielle dans le cadre de l’étude des relations partenariales. Le fait de ne pas avoir accès à ces données nous est apparu comme le signe d’avoir ouvert la mauvaise porte pour entrer sur le terrain mais aussi comme le témoin de choses « cachées ». Pourquoi les acteurs ne veulent-ils pas de la présence d’un chercheur ? Qu’ont-ils à cacher ? Il a été décidé dans le projet de recherche d’entrer officiellement par les SPE pour découvrir la « boîte noire » du partenariat.

Dans le projet de recherche initial, plusieurs critères ont été mobilisés pour procéder au choix des terrains de recherche belges et étrangers. Premièrement, le critère européen/non-européen. Le projet de recherche s’est construit entre autres suite à la lecture de la convention 181 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) ; celle-ci invitant les SPE et les agences privées de placement à collaborer pour une meilleure transparence du marché de l’emploi. Nous avons souhaité comparer des pays soumis à cette convention avec d’autres n’y étant pas astreints. La Suisse n’est pas concernée par celle-ci. Il nous a semblé opportun de la choisir.

Deuxièmement, le critère de centralisation/décentralisation du pays. Au sein des pays européens, nous avons souhaité sélectionner un pays décentralisé et un pays fortement centralisé. Ainsi, la Belgique (décentralisée et pilarisée) et la France (centralisée) ont été retenues. Troisièmement, le critère de la langue est intervenu afin de permettre la comparabilité des cas. Barbier (2005, p.354) montre que les mots ne recouvrent pas les mêmes choses s’ils subissent une traduction. Par exemple, né dans un contexte précis suite à des recherches en sociologie de la famille et de la pauvreté en France, le terme « précarité » est difficilement transposable dans une autre langue. Il est traduit en anglais sous par le mot « precarity » alors que seul le vocable « precariousness » existe au dictionnaire. Pour procéder à une comparaison entre les objets étudiés19, nous avons privilégié les régions francophones des différents pays sélectionnés.

Ouvrir des terrains de recherche nécessite d’avoir un réseau suffisamment étendu pour contacter les bons agents au sein des SPE. Ce n’était pas notre cas. En conséquence, nous avons mobilisé les réseaux de nos deux directeurs de thèse pour rencontrer les « bonnes » personnes auxquelles présenter notre projet de recherche. Dès le démarrage du projet, des démarches ont été entreprises auprès du Forem en Région wallonne et d’Actiris en Région bruxelloise. Du côté du Forem, une rencontre s’est organisée, le 17 mars 2011, avec un des agents du service des relations partenariales (SRP) du siège central. À travers la discussion, la faisabilité et l’intérêt pour le

19 Nous nous sommes rendu compte au fur et à mesure de la recherche que chaque terrain possède des termes différents pour désigner une même réalité mais aussi des dénominations similaires pour indiquer des réalités différentes. Il est nécessaire de trouver des « équivalents fonctionnels » (Barbier, 2005, p.360) même si les différents SPE sont francophones.

projet ont été testés. Nous avons également profité de cet échange pour prendre connaissance du protocole à suivre afin d’introduire le projet auprès de l’Office de l’Emploi. Notre interlocuteur nous a conseillé de l’envoyer à l’administrateur du SPE pour obtenir son aval par rapport à la présence d’un chercheur dans son organisme.

Une première réunion s’est organisée, le 5 avril 2011, avec le directeur des services de relations partenariales qui nous a annoncé l’acceptation du projet. Une deuxième réunion a été planifiée, le 1 juin 2011, avec le directeur (temporaire) et les chefs de projets du service partenariats d’insertion pour préparer l’entrée sur le terrain. L’accord de l’administrateur ne signifie pas que le projet est vendu, loin de là ! Il faut négocier le projet avec les différents acteurs de terrain. Ceux-ci souhaitent quelque chose en échange du temps consacré au chercheur. Une aide leur a été proposée au niveau de la réalisation de leurs tâches quotidiennes (rédaction de comptes-rendus, avis sur des documents, etc). Les agents ont accepté même si, dans les faits, ils n’ont pas été très exigeants en la matière. Par contre, recevoir les articles scientifiques rédigés à l’issue de la recherche et une présentation des résultats les intéresse. Le terrain a débuté au mois d’août au siège central du Forem.

Du côté d’Actiris, une rencontre s’est organisée, le 28 mars 2011, entre le directeur du département partenariats, les responsables des différents services du département, un des directeurs de thèse et le chercheur. Lors de la présentation du projet, les agents ont manifesté des réticences par rapport au devenir des données récoltées et par rapport au fait d’être évalués par le chercheur. Le projet de recherche n’a pas cet objectif-là. Un autre élément favorisant l’attitude de réticence est le fait pour l’Office de ne pas avoir d’administrateur depuis deux ans, ce qui n’aide pas les agents à prendre des initiatives.

Lors de la discussion, les agents ont marqué leur souhait d’obtenir les résultats intermédiaires de la recherche, ce qui a permis la validation des données et des premières pistes d’analyse. Ils ont également souhaité avoir un retour sur les impressions des opérateurs par rapport à leur collaboration avec l’Office. La comparaison avec d’autres SPE, étrangers notamment, les intéresse tout particulièrement. En fin de réunion, ils ont marqué leur accord en précisant la possibilité de démarrer le terrain seulement en septembre. Afin d’accélérer la familiarisation avec le milieu, le directeur nous a conseillé de participer au

« stage d’immersion » organisé pour les agents nouvellement engagés au sein du SPE. Ce stage de trois jours, effectué début du mois de juillet 2011, nous a aidé à cerner rapidement le fonctionnement de l’Office.

Dès le mois d’avril 2011, nous avons pris contact avec Pôle Emploi (siège central à Paris) dans l’optique d’y effectuer un terrain de recherche au premier semestre 2012. Nous obtenons seulement un rendez-vous le 17 juillet 2011 avec le directeur de la direction stratégie, veille et affaires internationales. Suite à cette rencontre, il nous conseille d’organiser une entrevue avec les deux responsables des services en charge des opérateurs privés. Le 4 novembre 2012, une réunion s’organise avec les deux responsables qui manifestent un réel intérêt pour le projet. La négociation est intense car l’un d’entre eux souhaite, au-delà des résultats de l’étude, notre participation à la construction d’un appel d’offres ou d’un outil de travail. Apporter une aide nous semble réalisable mais porter la casquette d’agent de Pôle Emploi pendant plusieurs mois pour mettre en place un tel dispositif nous paraît fort ambitieux et compliqué. Finalement, nous arrêtons l’idée de fournir un simple « coup de main ». Au sortir de la réunion, il ne reste « plus qu’à » définir les modalités pratiques comme la date précise du séjour de recherche.

Le « plus qu’à » se transforme progressivement en un long chemin périlleux pour le chercheur où les échanges de courriels traduisent une fermeture lente mais certaine du terrain. L’envoi de courriels et les appels téléphoniques ne changent rien au fait que l’entrée sur le terrain est toujours postposée de six mois en six mois sous prétexte de changements organisationnels, de modifications du cadre légal mais aussi de congés prolongés des responsables en question. Finalement, le verdict tombe, enfin et hélas, le 12 mars 2013. La réponse est négative car, comme l’avance un des responsables, « la période

n’est pas propice à votre accueil dans les conditions optimales au sein de l’établissement ». À peine entrouverte, la porte de Pôle Emploi se referme au

nez du chercheur. Attendre les conditions optimales mais pour combien de temps encore ? Un service public de l’emploi peut-il connaître un moment de stabilisation alors qu’il est en permanence confronté à des changements ? Au moment de la réalisation des terrains belges, Actiris et le Forem doivent se trouver un nouvel administrateur, établir un nouveau contrat de gestion mais aussi recruter et former du personnel dans les services « partenariat ». Ces événements n’empêchent pas les responsables d’accepter la présence d’un chercheur au sein de l’Office.

Entre temps, en novembre 2011, nous prenons contact avec les SPE des Cantons de Vaud et de Genève. Seul l’Office Cantonal pour l’Emploi situé à Genève répond positivement à notre requête. Une réunion est planifiée fin janvier 2012 avec le responsable du service des mesures pour l’emploi (SMPE) et le responsable de l’analyse des besoins du marché du travail dans le but de leur présenter le projet de recherche. Tous deux se montrent enthousiastes mais suite à un déménagement du service prévu au mois de juin 2012, le SMPE ne peut pas nous accueillir avant octobre 2012. Nous recevons beaucoup d’informations et de documents sur le fonctionnement de l’Office. Les deux responsables sont intéressés par les résultats de l’étude en termes de comparaison internationale. Aucune autre demande n’est formulée de leur part. Nous profitons également de ce séjour d’ouverture du terrain pour nous entretenir avec un opérateur privé, prestataire de l’OCE. Cette entrevue nous permet de comprendre le contexte et le fonctionnement du marché de l’accompagnement des demandeurs d’emploi mais aussi l’organisation des collaborations entre l’OCE et ses prestataires. Ce séjour nous donne l’occasion de rencontrer deux professeurs travaillant de près ou de loin sur nos thématiques, l’un étant attaché au centre d’étude des capabilités dans les services sociaux et sanitaires (CESCAP) et l’autre au centre de recherche sociale (CERES).

Finalement, trois terrains de recherche ont été réalisés au lieu des quatre initialement prévus. Trois SPE ont accepté la collaboration à savoir Actiris et le Forem pour la Belgique francophone et l’Office Cantonal pour l’Emploi pour la Suisse. Chaque terrain de recherche s’est étendu sur plusieurs semaines voire plusieurs mois au sein des services « partenariats » de chaque SPE étudié. Le terrain au sein du Forem a débuté en août 2011 pour se terminer en mars 2012. En ce qui concerne Actiris, il a démarré en septembre 2011, même si nous avons pu participer à quelques activités entre avril et juin 2011, pour se terminer en février 2012. Le terrain de recherche à l’Office Cantonal pour l’emploi à Genève s’est effectué sur sept semaines entre septembre et novembre 2012.

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