• Aucun résultat trouvé

Ce chapitre est consacré au conventionnement entre l’Offi ce de l’Emploi (Actiris ou le Forem) et les opérateurs privés. La signature de la convention de partenariat ou du contrat est une étape importante pour les parties- prenantes du partenariat. La convention les engage offi ciellement dans une relation de délégation au sein de laquelle chacun doit remplir des obligations. Se centrer sur leur discours nous permet de cerner la manière dont ils perçoivent les épreuves liées à l’établissement d’un partenariat. Les registres de justifi cation ne sont plus mobilisés pour qualifi er les arguments des agents mais leur intervention auprès des opérateurs. Cette limite théorique nous amène à recourir aux travaux d’Ogien (2006) sur les formes logiques de la confi ance qui permettent de saisir la qualifi cation des épreuves faite par les acteurs de terrain eux-mêmes.

Nous décrirons, d’abord, la procédure de conventionnement ainsi que les droits et obligations que la convention comporte pour chacune des parties. Nous verrons, ensuite, la manière dont Actiris et le Forem informent les opérateurs de la décision concernant leur(s) dossier(s) de candidature. Ce moment correspond à lettre de réponse, qui constitue la première épreuve du processus de conventionnement. Nous terminerons par la signature de la convention de partenariat qui comporte trois épreuves à savoir la réception tardive de la convention, la présence d’anomalies et de modifi cations dans la convention.

1. La procédure de conventionnement

Les opérateurs retenus dans le cadre du processus de sélection de l’appel à projets doivent signer une convention de partenariat avec le SPE. Cet acte offi cialise l’entrée des deux parties-prenantes dans la relation partenariale. Cette relation débute offi ciellement dès la réception par le prestataire de la lettre de réponse envoyée par le SPE, suite à la décision prise par le comité de sélection à propos du dossier de candidature. La réception d’un courrier positif signifi e pour l’opérateur la possibilité de démarrer son projet d’accompagnement et/ou de formation à destination des demandeurs d’emploi.

Cette lettre couvre juridiquement les deux partenaires en attendant la signature de la convention de partenariat. Elle est rédigée par le siège central de l’Offi ce de l’Emploi à savoir le service partenariats d’insertion pour le Forem et le service projets et qualité pour Actiris. Au sein du Forem, il arrive parfois que la lettre de réponse transite par la direction régionale, c’est-à- dire par le SRP, avant d’être envoyée aux opérateurs.

Suite à ce courrier, les services partenariats d’insertion du Forem et support partenariat d’Actiris s’occupent de la rédaction de la convention de collaboration. Au sein du Forem, un modèle unique de convention pour l’appel à projets est adapté selon la mesure pour laquelle l’opérateur a postulé mais aussi selon les spécifi cités (date, lieu, etc.) du projet à mettre en place par l’opérateur. La convention est transférée à la direction régionale qui se charge de l’envoyer à l’opérateur.

Chez Actiris, chaque mesure d’accompagnement est élaborée sous la forme d’un appel à projets. Ainsi, chaque appel possède son propre modèle de convention de partenariat. La convention est envoyée par le service support partenariat par courrier postal à l’opérateur. Ce service est juridiquement responsable de la convention même si celle-ci est élaborée par les différents services du département partenariats. Les aspects fi nanciers et juridiques de la convention sont rédigés par le service support partenariat. Toutes les clauses qui touchent à l’encodage dans la base de données d’Actiris sont écrites par le service support réseau. Les éléments concernant l’appel à projets sont rédigés par le service projets et qualité. Le prestataire vérifi e les informations le concernant puis il signe pour approbation. Il réalise cela tout seul. En cas d’interrogation ou d’erreur, il peut prendre contact avec

le service en question. Chaque partie-prenante dispose d’une copie de la convention de partenariat.

La procédure de signature de la convention au Forem présente, en principe, quelques différences par rapport à celle d’Actiris. Les agents du Forem organisent, en fonction des pratiques dans leur direction régionale, une réunion avec l’opérateur pour procéder à la signature. Cependant, la charge de travail des agents ne leur permet pas toujours de procéder de la sorte. Certains d’entre eux ont plutôt tendance à envoyer le document par voie postale. En conséquence, l’opérateur signe seul la convention et renvoie deux copies : une pour la direction régionale et une pour le siège central. Tout comme les opérateurs d’Actiris, l’opérateur peut appeler le siège central en cas d’interrogations par rapport au document.

2. Des droits et des obligations pour

chaque partenaire

La convention de partenariat régit la relation entre le SPE et ses opérateurs en donnant des droits et des obligations à chacun. Elle est sous-tendue par le cahier des charges de l’appel à projets ainsi que son guide administratif et financier.

2.1. Des droits et des obligations pour les services

publics de l’emploi

Lorsqu’un SPE émet un appel à projets, son objectif est de déléguer une partie de ses missions à des opérateurs privés en échange duquel ceux-ci percevront des subventionnements. Le financement est défini différemment selon le SPE. Actiris établit au préalable un forfait par individu accompagné ou par session de formation. Le Forem quant à lui calcule le montant du subside à partir du prix proposé par le prestataire. Le subventionnement octroyé par le SPE doit, en principe, couvrir l’ensemble des frais occasionnés par la mise en place du projet en termes de frais de fonctionnement et de personnel.

Du côté du Forem, il est important de distinguer deux éléments – le financement et la liquidation – au niveau du paiement de la prestation. Pour le financement, l’opérateur reçoit 60% du budget de chaque participant lors du recrutement de celui-ci, ce qui équivaut à la signature du contrat F70bis56. Puis, il reçoit 10% si la personne va au bout de l’action de formation

et 30% si la personne obtient le résultat défini dans la convention, c’est-à- dire l’insertion soit dans un emploi soit dans une formation qualifiante. En ce qui concerne le mode de liquidation, l’opérateur peut avoir un acompte provisionnel de 50% du budget au moment de la signature de la convention de collaboration. Il reçoit la deuxième tranche budgétaire qui est de 20% en fin d’action donc au moment où il remet son rapport d’activités. Un solde intermédiaire est calculé sur base de la différence entre le nombre de personnes recrutées et le nombre de personnes arrivées au terme de la formation. La dernière tranche de 30% lui est versée en fonction de l’atteinte des résultats six mois après le début de l’action de formation (sauf pour la mesure mobilisation et orientation). La dernière liquidation se fait au prorata des financements déjà versés précédemment à l’opérateur. Il arrive parfois que l’opérateur doive rembourser l’Office de l’Emploi.

Chez Actiris, le financement est réparti différemment. Il n’y a pas de distinction entre le financement et la liquidation. Généralement, le budget est découpé en trois tranches. D’abord, 50% du montant maximum est alloué dans les trois premiers mois de la convention de partenariat. Ensuite, 30% est octroyé dès la réception par Actiris du rapport semestriel d’activité. Enfin, les 20% restant sont liquidés sur base de la réception et de la vérification d’une série de documents, à savoir la déclaration de créance, le rapport annuel d’activité et le dossier financier. Le dernier montant est souvent régularisé à partir des dépenses réellement effectuées par le prestataire. Il se peut d’ailleurs que l’opérateur doive rembourser une partie des financements perçus si ceux-ci n’ont pas été utilisés.

56 Chaque demandeur d’emploi signe un contrat de formation quand il entre dans une mesure de l’appel à projets. Signé par un représentant du Forem, un représentant de l’organisme de formation et le stagiaire, le contrat sert d’assurance en cas d’accident. Il donne droit au demandeur d’emploi à une indemnité financière d’un euro de l’heure mais aussi à un remboursement des frais de déplacement et de garderie.

Les SPE ont également un autre « devoir » envers leurs opérateurs. Ils s’engagent moralement ou contractuellement à leur envoyer du « public », c’est-à-dire des demandeurs d’emploi. Ils doivent le faire via une procédure spécifique par laquelle le demandeur d’emploi reçoit une invitation (Actiris) ou une convocation (Forem) à se présenter auprès d’un organisme d’insertion socioprofessionnelle. Ce processus a pour objectif d’aider les prestataires des SPE à recruter les demandeurs d’emploi pour pouvoir réaliser leur prestation d’accompagnement et/ou de formation. Les conventions de partenariat du Forem et certaines conventions d’Actiris mentionnent qu’un « trafic de public », tout à fait légal, doit s’effectuer entre les SPE et leurs opérateurs. Il est clairement stipulé dans la convention de collaboration du Forem que ce dernier s’engage à envoyer des demandeurs d’emploi aux prestataires. C’est ce qui s’appelle « l’adressage ». Le demandeur d’emploi est « adressé » par son conseiller57 auprès d’un opérateur. Il est dans l’obligation de se rendre

auprès de ce dernier ou de justifier son absence s’il ne peut se présenter. Sinon, il pourrait se voir sanctionné par l’ONEM. De son côté, l’opérateur est obligé de recevoir le candidat afin de lui transmettre toutes les informations concernant l’offre de formation. Il n’est pas contraint d’accepter l’entrée du demandeur d’emploi dans la formation s’il estime que celui-ci ne convient pas. De même que le candidat peut refuser l’offre s’il n’est pas intéressé par celle-ci. Les opérateurs doivent informer les conseillers de l’entrée ou non du candidat dans la mesure.

À Bruxelles, le système d’adressage n’est pas obligatoire. Les conseillers peuvent envoyer à leurs demandeurs d’emploi une invitation à se présenter chez un opérateur. Le SPE ne s’engage pas contractuellement envers les opérateurs à leur fournir des candidats, à l’exception de la mesure ARAE (Ateliers de Recherche Active d’Emploi) qui doit se réaliser en groupe. L’opérateur doit également informer l’Office de l’entrée ou non du candidat en formation.

Les opérateurs bruxellois comme wallons sont responsables du recrutement des candidats. En dehors de l’éventuelle aide apportée par les SPE au niveau de l’envoi de demandeurs d’emploi, ils doivent faire la promotion de leur offre

57 Les conseillers ont pour mission d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leurs démarches de recherche d’emploi.

afin de recruter les candidats nécessaires à la réalisation de leur prestation. Ils doivent respecter certaines règles en matière de publicité comme le fait de mentionner la collaboration avec l’Office de l’Emploi.

Les SPE assurent à leurs opérateurs le respect d’une méthodologie au niveau de l’encadrement de ceux-ci pour la mise en œuvre de leurs projets. Ce sont les chargés de relations partenariales (Forem) et les gestionnaires de projets (Actiris) qui assurent cet accompagnement. Ils ont pour devoir de transmettre les informations utiles aux opérateurs pour leur permettre d’effectuer au mieux leur prestation. Les informations sont variées et relatives au conventionnement, à l’accompagnement des stagiaires, aux financements, à l’évaluation du projet, aux obligations du partenaire, etc. Chaque SPE développe une stratégie spécifique au niveau de l’accompagnement des opérateurs. Actiris organise des séances d’informations collectives tandis que le Forem transmet généralement les informations aux opérateurs individuellement lors des comités de suivi. Il arrive que l’agent informe le partenaire par téléphone, en fonction du type d’information à obtenir et du degré d’urgence de la situation. Bien souvent, un contact téléphonique est pris lorsque le prestataire rencontre un problème spécifique à propos, par exemple, de l’encodage des demandeurs d’emploi dans la base de données (uniquement pour Actiris), du calcul du subside, du remplissage d’un groupe de formation, etc. Les agents s’engagent à être disponibles et à l’écoute des opérateurs. Ils sont présents dans les moments critiques de l’opérationnalisation du projet et dans le cours normal de sa réalisation.

Certaines garanties offertes par Actiris sont directement liées aux particularités linguistiques de la Région de Bruxelles-Capitale. Le SPE a pour obligation de fournir un service en français et en néerlandais. Il doit assurer une garantie de bilinguisme à ses opérateurs. Avoir des agents qui savent s’exprimer dans la langue principale du prestataire et pouvoir fournir des documents traduits dans les deux langues rassure les opérateurs. De plus, des agents supplémentaires ont été engagés à la suite d’une restructuration du service partenariats en 2008. D’après les opérateurs, ces engagements « humanisent » l’institution.

Pour avoir une visibilité maximale sur le développement du marché de l’emploi ainsi que sur le parcours des demandeurs d’emploi, Actiris impose

à ses prestataires d’encoder dans une base de données les informations sur les chercheurs d’emploi dont ils assurent le suivi. Le conventionnement avec Actiris invite les partenaires à un partage des bases de données. Pour ce faire, Actiris s’engage à fournir des ressources cognitives afin de former ses partenaires à l’utilisation de sa propre base de données. Des formations à destination du personnel engagé par les opérateurs sont organisées par le SPE. Il doit également assurer un service d’assistance téléphonique lorsqu’un partenaire a une question ou rencontre une difficulté au niveau de l’encodage.

2.2. Des droits et des obligations pour les opérateurs

privés

Les opérateurs s’engagent à travers cette convention à réaliser effectivement leur prestation. Sans le mentionner explicitement, les SPE espèrent la réalisation de prestations de qualité. Pour ce faire, ils attendent un certain professionnalisme de la part de leurs partenaires. Plusieurs éléments fondent cette « étiquette » de « professionnel ». Celle-ci est construite par le SPE à travers la récolte d’un ensemble d’informations sur l’opérateur privé. Comme nous l’avons vu dans le cadre de la sélection, le SPE veille à regarder la vitrine organisationnelle (site internet), le moniteur belge (statut, date de création, comptes), le « reporting » de l’action (dossier, statistiques, délivrables, etc.), les valeurs affichées par le prestataire et les échos sur celui-ci. Sur base de tous ces éléments, les évaluateurs sont en mesure d’évaluer le professionnalisme de l’opérateur. Le respect de ces obligations les met en confiance. L’Office de l’Emploi peut ainsi s’engager dans une collaboration car tous ces éléments montrent la fiabilité de l’opérateur. En conséquence, le conventionnement à venir devrait bien se dérouler.

Une fois engagé dans la collaboration, les opérateurs doivent fournir une série de documents administratifs et financiers tout au long de leur collaboration avec le SPE. Afin de suivre et d’évaluer le projet mis en œuvre par les opérateurs, le SPE leur demande des rapports d’activités (semestriels et/ou annuels), un rapport financier et la justification des dépenses. Ce dernier document doit être obligatoirement fourni par les opérateurs d’Actiris. Ce n’est pas le cas pour les opérateurs du Forem qui doivent le mettre à disposition de l’Office en cas de vérification et de contrôle des dépenses. Le contrôle n’est pas effectué annuellement par les agents du Forem. Quelques opérateurs sont tirés au sort afin de subir un contrôle. Chez

Actiris, le contrôle se réalise systématiquement, chaque année, auprès de tous les prestataires.

Le professionnalisme des opérateurs passe également par le fait de respecter l’ensemble des procédures et des règles de collaboration avec un SPE. Les prestataires doivent, par exemple, respecter les obligations en matière d’information et de publicité mais aussi de confidentialité des données sur les demandeurs d’emploi. Toute promotion de leur projet doit mentionner le soutien du SPE (voire du Fonds social européen pour certains appels à projets). En cas de manquement à ses obligations, l’opérateur peut se voir sanctionner par l’Office de l’Emploi. La convention de partenariat apporte des précisions en cas de litige important entre le SPE et le prestataire. Parfois, seuls les tribunaux sont compétents en la matière. L’opérateur peut également déposer un recours contre l’Office s’il se sent lésé ou s’il n’est pas d’accord avec une décision prise par le SPE à son égard.

À travers cet entremêlement de devoirs et d’obligations, la convention lie les deux parties le temps de la durée de l’appel à projets. Certains appels s’étalent sur un an, deux ans voire trois ans. Quand ils durent plusieurs années, la collaboration de partenariat est évaluée et renouvelée annuellement. Elle peut être stoppée par l’Office de l’Emploi ou par l’opérateur en cas d’importantes difficultés. Les SPE essaient de minimiser la prise de risque en instaurant une convention de partenariat qui a pour rôle de limiter l’espace de négociation laissé aux opérateurs. Ces derniers ont la possibilité de discuter certaines modalités organisationnelles de mise en œuvre du projet comme le lieu et les dates de session d’accompagnement et/ou de formation, etc. La convention ne permet pas aux opérateurs de négocier d’autres aspects de la relation partenariale. Les SPE établissent également des procédures pour traiter rapidement et efficacement l’émergence d’un problème.

Les parties-prenantes doivent s’échanger des preuves de confiance tout au long de la relation partenariale. Une partie des garanties évoquées ci-dessus sont inscrites dans la convention de partenariat. Cette dernière agit alors comme une « garantie de représentation », au sens d’Ogien (2006), d’un engagement réciproque entre le SPE et l’opérateur privé. Elle constitue le principal registre discursif de la relation de confiance.

3. La réception de la lettre de réponse

Au moment de la réception de la lettre de réponse de l’Office de l’Emploi, les opérateurs privés sont dans l’attente depuis plusieurs mois. Ce délai correspond à la temporalité nécessaire au processus de sélection des dossiers de candidature. Aucune information n’est transmise aux opérateurs par les agents du SPE sur l’état d’avancement de leur dossier. Ils sont dans l’incertitude car ils ne savent pas s’ils seront sélectionnés ou pas. Les conventions de partenariat débutent souvent en début d’année civile, c’est-à-dire au 1er janvier pour Actiris et au 15 janvier pour le Forem. Actiris

promet de rendre une réponse aux opérateurs pour le mois de juillet quand le processus de sélection se réalise au mois de mai alors que le Forem s’engage à leur fournir la décision pour la mi-décembre au maximum, même si la phase de sélection est planifiée en fin d’année civile. Les périodes de remise des réponses diffèrent car les appels à projets ne sont pas lancés au même moment par les deux SPE.

La mise en place d’un projet nécessite pour le prestataire l’engagement de personnes qualifiées pour l’encadrement des stagiaires. Sans réponse de la part du SPE, les opérateurs privés ne sont pas en mesure de pouvoir prendre une décision par rapport à la gestion de leur personnel. La décision de l’Office de l’Emploi peut avoir pour impact l’engagement ou le licenciement de formateurs58. Chez Actiris, les lettres de réponse sont envoyées plusieurs

mois avant le démarrage du projet. Généralement, elles arrivent à la période annoncée par l’Office. Du côté du Forem, les lettres de réponse sont envoyées au mieux à la fin du mois de décembre et, au plus tard, au début du mois de janvier. Elles peuvent être envoyées avec plusieurs semaines de retard. Même si la convention de partenariat ne débute qu’à la mi-janvier, les délais sont trop courts pour pouvoir devancer les conséquences de la réponse de l’Office.

Cette lettre de réponse est très importante pour les opérateurs car elle

Outline

Documents relatifs