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La réception de la lettre : pari ou déf

3.3. Stratégies mises en place par les opérateurs

Pour affronter ces situations, les opérateurs mettent en œuvre des stratégies. Celles-ci diffèrent selon leur provenance. Les opérateurs bruxellois ne recourent pas aux mêmes techniques que leurs homologues wallons.

3.3.1. Le « certificat de chômage préventif » à Bruxelles

Du côté de la Région bruxelloise, Actiris rend le jugement aux opérateurs plusieurs mois avant le début de la convention de partenariat. Cette temporalité ne semble pas suffisante pour certains opérateurs, et plus particulièrement pour les anciens prestataires de l’Office, qui souhaitent une prolongation de leur collaboration avec le SPE. Certains d’entre eux évoquent la mise en difficulté au niveau de la gestion de leur personnel. Certains travailleurs, comme les responsables de projets, travaillent depuis de nombreuses années au sein des organismes privés. Ces derniers n’ont pas

la possibilité d’anticiper la durée du préavis. Ils parviennent, dans certaines circonstances, à mettre en place des stratégies.

« Actiris ne paie pas les préavis. Mon travailleur a un C4 (certificat de chômage) préventif au cas où le dossier de candidature n’est pas retenu. Moi, je devrais avoir un préavis de deux ans vu mon ancienneté pour qu’il se termine en même temps que la fin de la convention de partenariat ».

(Opérateur E. d’Actiris)

Les anciens opérateurs bruxellois recourent, dans la majorité des cas, au système de licenciement préventif. Cette pratique de la prudence n’est pas appréciée par leurs travailleurs. Plusieurs opérateurs d’Actiris expriment ci-dessous l’étonnement de leurs employés face à ce système qui leur apparaît paradoxal car ils doivent aider des demandeurs d’emploi à se réinsérer socioprofessionnellement alors qu’eux-mêmes risquent d’être, prochainement, en situation de chômage. De plus, ces employés tentent de dénicher des emplois durables et de qualité pour les stagiaires alors que certains d’entre eux sont en situation d’emploi précaire.

« Ce qui a choqué les personnes ici, c’était qu’elles ont dû signer un C4 (certification de chômage) préventif car on n’était pas sûr d’avoir le subside ».

(Opérateur K. d’Actiris)

« C’est déstabilisant. Quand on est en préavis, comment se donner à fond pour aider les personnes à trouver du boulot alors que vous êtes vous- même sans emploi à la fin de la convention de partenariat ».

(Opérateur E. d’Actiris)

Cette stratégie est mise en place par les anciens opérateurs ; les nouveaux n’ayant pas encore constitué leur équipe de formateurs pour réaliser la prestation. L’expérience acquise lors de collaborations antérieures avec l’Office leur a montré la nécessité de mettre en place une stratégie pour gérer leur personnel. Au fur et à mesure des conventions de partenariat, les formateurs acquièrent de l’ancienneté. En cas de licenciement, la durée de préavis s’allonge de plus en plus. Le délai entre la réception de la lettre de réponse et la fin du conventionnement n’est parfois plus suffisant. Pourtant,

presque six mois les séparent. Certains opérateurs sont en collaboration avec l’Office depuis une vingtaine d’années. Les formateurs ont, en conséquence, acquis une ancienneté nécessitant plus de six mois de préavis en cas de licenciement.

Cette stratégie de licenciement préventif sécurise l’opérateur au niveau de sa gestion financière. Si la lettre de réponse est négative, l’organisme licencie ses travailleurs sans devoir débourser une somme conséquente pour les préavis. Si la réponse est positive, la lettre de licenciement est déchirée et le contrat du travailleur est prolongé. Cette stratégie permet à l’opérateur d’anticiper un jugement négatif sans devoir se mettre en situation de danger face au SPE. La mise en danger se situe en interne de l’organisme car cette stratégie peut altérer l’atmosphère de travail et démotiver les travailleurs. Cette pratique a cependanty ses limites. Elle ne peut être utilisée quand le travailleur doit être licencié deux ans avant la fin de la convention de partenariat.

3.3.2. Le report de la prestation en Wallonie

Face aux retards dans l’envoi de la lettre de réponse, certains opérateurs ont adopté une stratégie pour éviter la « mise en danger ». Ils ont décidé de ne plus effectuer la prestation en tout début d’année civile même s’ils le peuvent dès la mi-janvier. Le délai entre la lettre de réponse et le démarrage de l’action de formation est trop court, ce qui pose beaucoup de difficultés comme témoigne deux d’entre eux ci-dessous. La programmation de l’action de formation est choisie librement par l’opérateur même si, parfois, la direction régionale intervient dans la décision afin de répartir l’ensemble des prestations de la région sur l’année.

« Pendant plusieurs mois, on ne sait pas si notre dossier va être accepté ou pas. On est dans l’incertitude. On reçoit la décision très tard : les tous derniers jours de décembre. On ne peut pas commencer la session de formation le 15 janvier si on a l’information fin décembre. On doit mettre tout en route : faire la publicité et les documents. On ne peut rien faire tant qu’on n’a pas de certitude. Cela a un impact. On doit adapter les dates et les programmes de la formation ».

« On devait commencer une session de formation en janvier mais on a reçu l’information tard. On a dû la déplacer. On a reçu une réponse officieuse de notre chargé de relations pour dire que nos deux dossiers étaient acceptés mais il n’avait pas plus de détails. On lui a demandé son accord pour lancer la publicité mais on devait attendre la lettre officielle. On a reçu le courrier en janvier. Toute la promotion a été reculée. Commencer la promotion mi-janvier pour une session qui débute fin janvier, c’est trop tard. On avait calculé que si on pouvait commencer la publicité mi-décembre, on pouvait lancer l’action en janvier ».

(Opérateur E. du Forem)

Tous les opérateurs n’évoquent pas cette étape comme une épreuve. D’ailleurs, une partie d’entre eux ne va pas interpeller les agents des SPE pour obtenir des informations. La manière dont la réception de la lettre de réponse est vécue par l’opérateur est fonction de différents facteurs. Ceux-ci sont relatifs aux caractéristiques de l’opérateur (ancien ou nouveau), du dispositif d’appel à projets et du dossier de candidature de l’opérateur. Le cumul de certains traits peut plonger l’opérateur dans une situation de « défi ». La lettre de réponse est vécue comme une épreuve par les opérateurs qui ont programmé le démarrage de leur prestation en janvier. En cas de réponse positive de la part de l’Office de l’Emploi, l’opérateur doit mettre rapidement tout en œuvre pour être en mesure de commencer son action de formation à la date prévue initialement. Les délais sont courts pour organiser le recrutement des formateurs. Les anciens prestataires ne doivent pas régler la question de l’engagement des formateurs car l’équipe de la précédente convention est prolongée. Par contre, les nouveaux opérateurs doivent procéder au recrutement de ses encadrants.

L’épreuve prend de l’ampleur à partir du moment où l’appel à projets prévoit l’encadrement d’un groupe de demandeurs d’emploi. L’opérateur peut se sentir en « situation de danger » si la session de formation a été planifiée en début d’année civile. Il doit recruter le nombre de demandeurs d’emploi fixé par la convention de partenariat pour pouvoir réaliser son action de formation. Ne pas réaliser sa prestation signifie pour l’opérateur la perte d’une partie voire de l’entièreté du subside. Une manière d’échapper à cette conséquence est de postposer l’action de formation à une autre date calendrier. Avant de prendre cette décision, l’opérateur prend contact avec l’agent pour essayer d’obtenir une information sur le verdict de son dossier de candidature.

« Si j’appelle le service des relations partenariales au moment où les courriers sont signés et mis sous enveloppe, un agent peut dire que l’Office a rendu telle réponse. On peut avoir la réponse de cette manière la dernière semaine de décembre ».

(Opérateur A. du Forem)

Un opérateur a identifié le moment le plus approprié pour téléphoner au SRP afin d’avoir la réponse tant attendue. La relation partenariale est sous-tendue par des « garanties de représentation » comme la convention de partenariat. À ce stade-ci, la convention n’étant pas encore signée, c’est la procédure de sélection qui sert de gage. Cependant, elle ne semble pas suffisante car certains opérateurs se sentent en situation de danger. L’incertitude d’entrer dans une collaboration avec l’Office de l’Emploi s’accroît pour laisser la place au « risque » lorsque la lettre de réponse arrive en retard.

Les opérateurs ayant contracté antérieurement des conventions de partenariats avec l’Office de l’Emploi tentent de développer des stratégies pour atténuer ces situations de « mise en danger ». Les nouveaux opérateurs n’ont pas connaissance de ces épreuves. Ils n’ont pas l’expérience suffisante pour contrer ces mises au « défi » lancées par le SPE. Le nombre d’opérateurs ayant recours à ces techniques n’est pas immense. Une large proportion d’entre eux ne développe pas ce genre de stratégies. Il existe peut-être d’autres techniques mais les opérateurs interrogés n’en ont pas parlé. Tous les opérateurs bruxellois comme wallons les mettant en œuvre ont pour caractéristique d’être d’anciens collaborateurs des SPE. Ils ont développé ces stratégies à partir de leur expérience issue de plusieurs conventionnements avec l’Office de l’Emploi.

3.4. Intervention des agents : donner de l’information

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