• Aucun résultat trouvé

4.1.2 sur les dossiers critiques à refuser par Actiris

4.3. Impact de la collaboration antérieure sur le jugement du dossier

4.3.1. Du côté du Forem

Au sein du Forem, la phase de la pertinence (du projet par rapport aux besoins de la direction régionale) fait intervenir les résultats de la collaboration antérieure entre l’Office et l’opérateur. Les résultats peuvent agir en faveur ou en défaveur de la sélection du dossier. Par exemple, un partenaire de longue date a rentré un dossier qui est bien rédigé, selon les évaluateurs mais, il n’a pas rempli ses obligations en termes de gestion administrative vis-à-vis des demandeurs d’emploi. Par la signature d’une convention de partenariat avec l’Office, l’opérateur doit lui renvoyer des documents administratifs en vue de la rétribution (un euro de l’heure) des stagiaires pour le suivi de la formation. Le manquement à cette obligation a généré des retards de paiement et, par conséquent, des plaintes en provenance des demandeurs d’emploi concernés. Tout au long du suivi du projet (sur trois appels à projets), l’agent a reprécisé les règles du conventionnement à l’opérateur en question. Il a également proposé des pistes de solution mais rien n’a changé. L’Office s’est retrouvé chaque année avec des plaintes de stagiaires. Sur la base des évaluations antérieures mettant en avant tous ces faits, les évaluateurs décident de ne pas retenir le dossier. Ils estiment que l’opérateur ne fait pas suffisamment preuve de bonne foi dans la collaboration. L’opérateur reste en permanence dans la posture de l’inefficace, c’est-à-dire le petit du monde industriel. Il possède cet état uniquement en matière de gestion administrative des stagiaires.

« On a refusé un opérateur car ça fait des années qu’on travaille avec lui et, malgré tout ce qu’on a mis en place, on a constaté une dégradation dans la collaboration et le suivi des projets. On s’est retrouvé avec des plaintes de stagiaires. Avec de tels éléments, on argumente contre le dossier même s’il est bien écrit ».

(CRP M. du Forem 5)

Un évaluateur précise qu’il ne peut tenir compte du déroulement de la collaboration antérieure seulement à la suite de l’identification de faits objectivables. Un fait objectivable est, par exemple, le retard dans le paiement des stagiaires parce que l’opérateur a omis de remplir les formulaires C91 (paie stagiaire) dans les temps. Les faits doivent être notifiés dans un rapport de comité de suivi, dans un rapport d’activités ou dans des courriels. Si ce

n’est pas le cas, les évaluateurs ne peuvent pas prendre en compte ces faits-là. Ils doivent être en mesure d’amener la preuve de leur existence.

« On peut tenir compte des collaborations antérieures dans la sélection du projet si on l’a notifié soit dans le rapport d’évaluation soit dans des courriels. Dans l’avis de pertinence, on a un critère sur les évaluations antérieures. C’est pris en compte si c’est notifié quelque part. On doit avoir des preuves écrites, objectivables. Par exemple, l’opérateur est toujours en retard pour la paie stagiaire. Les personnes n’ont pas leur formulaire C91 et sont payées en retard par l’ONEm »

(CRP W. du Forem 9)

Quels sont les registres de justification qui jouent dans cette épreuve ? L’opérateur est connu depuis quelques années, ce qui a permis au chargé de découvrir le fonctionnement de l’opérateur sous tous ses angles. Hélas, même en reprécisant les règles du conventionnement, c’est-à-dire en adoptant l’attitude autoritaire, l’opérateur n’a pas changé sa manière de gérer la dimension administrative du partenariat. Le chargé a également essayé la posture de bienveillance en proposant des pistes de solution pour aider l’opérateur à mieux gérer cet aspect. Cependant, aucun changement n’a eu lieu. L’opérateur reste toujours dans la posture du petit qui n’applique pas les règles de conventionnement avec le SPE.

Cette attitude, ayant pour impact de rendre non-performant le travail de l’opérateur, ne donne pas à l’Office une bonne image de l’opérateur en question. La réputation de ce dernier s’amenuise au fur et à mesure du dépôt de plaintes des stagiaires. L’inefficacité de l’opérateur, argument relevant du registre industriel ne lui construit pas une belle réputation. Il est clair que ces plaintes ont des conséquences sur l’Office : elles nuisent à sa bonne réputation. Dès lors, les évaluateurs refusent le conventionnement de l’opérateur en s’appuyant sur des arguments relevant des registres de justification de type domestique et industriel afin de mettre en exergue le non-respect du cadre de l’appel à projets et le manque de performance de l’opérateur. On voit l’influence du monde industriel sur le monde de l’opinion, c’est-à-dire sur la construction de la réputation de l’opérateur qui peut altérer celle de l’Office de l’Emploi.

Le refus de conventionnement n’exclut pas la possibilité d’une nouvelle convention de partenariat entre l’Office et cet opérateur-là. Il s’agit juste d’un refus dans le cadre de cet appel à projets-ci. Plusieurs agents évoquent ci-dessous la possibilité pour un opérateur de ne pas obtenir le conventionnement avec le SPE parce que la collaboration antérieure ne s’est pas bien déroulée. Un opérateur ayant eu une mauvaise évaluation en raison du non-respect des prescrits, de la non-atteinte des résultats fixés préalablement, de difficultés au niveau de la communication avec l’agent du SPE ne constitue pas un gage de confiance pour l’Office. Il ne peut poursuivre la collaboration de partenariat car, en cas de problème, la principale victime sera le demandeur d’emploi.

« Il se peut qu’un partenaire soit mécontent car on lui dit qu’on a décidé de ne plus collaborer avec lui cette fois-ci parce qu’on a été déçu par les précédents résultats et que d’autres projets semblent offrir plus de garanties. Ça ne veut pas dire qu’il est proscrit à vie. Au prochain appel à projets, il pourrait redéposer un dossier de candidature »

(CRP I. du Forem 7)

« Quand il y a un partenaire avec lequel il y a eu des difficultés dans les collaborations précédentes et qu’on motive le refus avec cet argument- là, l’opérateur ne devrait pas être surpris car s’il y a des problèmes, on en a déjà parlé et c’est noté dans les comptes-rendus des comités d’accompagnement ».

(CRP G. du Forem 8)

« Quand l’évaluation du partenaire est mauvaise, ça peut carrément être préjudiciable pour lui. On ne le reprendra pas dans le prochain appel à projets ».

(Responsable SRP du Forem 7)

« C’est toujours le plus faible qui est perdant, le stagiaire. Si tout se passe bien avec l’opérateur, tant mieux. Si on s’est trompé, c’est le stagiaire qui sera pénalisé. Même si le dossier est refusé pour cet appel-ci, on ne peut pas dire que la collaboration est terminée pour toujours car les gens changent ».

A contrario, dans d’autres épreuves, le fait pour un opérateur d’être connu

et d’avoir obtenu de bons résultats par le passé peut jouer en faveur de l’acceptation de son dossier de candidature. Par exemple, un des dossiers dans la phase de la cohérence présente quelques faiblesses. L’opérateur ne précise pas dans son dossier les qualifications des formateurs qui prendront en charge les demandeurs d’emploi. Il ne prévoit pas non plus la réalisation d’un stage dans son programme de formation. Par contre, les évaluateurs précisent que le projet est très orienté sur la recherche d’emploi, ce qui constitue un élément favorable à l’acceptation du dossier. Comme ils estiment que la réalisation d’un stage est important, ils sont prêts à accepter le dossier mais en imposant une recommandation. À ce moment-là, la direction régionale en charge de ce dossier intervient pour préciser que la recommandation d’un stage n’est pas nécessaire car l’opérateur a atteint ses résultats lors de la précédente convention de collaboration.

Finalement, le dossier est accepté tel quel car la direction régionale connaît

bien l’opérateur et ce dernier obtient de bons résultats chaque année. Ces

éléments, appartenant au registre de justification de type domestique et industriel, jouent en faveur de l’opérateur. L’alliance entre ces deux mondes démontre que ce dernier a pu acquérir une « bonne » réputation auprès de l’Office de l’Emploi grâce à ses performances. Cette réputation se fonde aussi sur la qualité de la formation et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi offerte par l’opérateur. Dans cette épreuve, les évaluateurs saisiront des arguments appartenant aux mondes domestique et industriel pour justifier le fait de poursuivre la collaboration avec cet opérateur-là. La présence de bons résultats nourrit positivement la réputation de l’opérateur auprès des agents de l’Office. Ainsi, le monde industriel est interconnecté avec le monde de l’opinion. Un évaluateur raconte ci-dessous qu’il est prêt à prendre la défense d’un dossier de candidature quand un opérateur fait de bons résultats. Il ne conçoit pas qu’un dossier soit rejeté pour une petite faiblesse alors que l’opérateur fait de l’excellent travail. Cette ardeur, il ne l’a pas quand l’opérateur n’atteint pas ses résultats. Dans ce cas, la règle est appliquée de façon drastique.

« Le fait que l’opérateur ait de bons résultats et qu’il soit connu, ça m’a aidé à me battre pour défendre ce dossier. Si ça avait été des mauvais dossiers, je l’aurais laissé comme ça. Si l’opérateur avait donné de mauvais résultats, on aurait appliqué la règle. Ça joue mais de manière réglo, dans le bon sens pour l’opérateur, c’est-à-dire de manière juste pour l’opérateur ».

(Responsable SRP du Forem 4)

Un autre évaluateur présente une situation où un de ses pairs ne partage pas le même avis que lui vis-à-vis d’un dossier de candidature. Même si le dossier est faible, il compte lui attribuer une cote positive du fait que l’opérateur a atteint de bons résultats précédemment. Si le deuxième lecteur se pose des questions par rapport à cet avis au vu de la faiblesse du dossier, l’agent ci-dessous précise qu’il a toujours en réponse l’argument de la qualité du travail de l’opérateur en question. On peut remarquer qu’à travers son discours, l’évaluateur accorde une plus grande importance aux arguments se rapportant au régime industriel. Ce qui compte pour lui, ce sont les résultats obtenus lors des conventionnements antérieurs. Ils sont plus révélateurs du travail de l’opérateur que le dossier de candidature en lui-même.

« Il y a certains opérateurs qui entrent en mesure « Emploi salarié » dont le dossier est faible mais les résultats sont très bons. Ça souligne la qualité du travail. Si lors du comité pour la cohérence, il y a un autre évaluateur qui me pose des questions, j’ai les résultats des appels précédents sous le coude. Si un évaluateur met en doute la qualité du travail d’un opérateur, j’ai l’argument de l’impact de l’action, c’est-à-dire des résultats ».

(CRP R. du Forem 2)

Outline

Documents relatifs