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Des modifications dans la convention Un acte audacieux ?

La réception de la lettre : pari ou déf

6. Des modifications dans la convention Un acte audacieux ?

Dans le processus de sélection des dossiers de candidature, les évaluateurs ou le comité de sélection peuvent apporter des modifications par rapport à la version initiale du dossier de candidature déposé par l’opérateur. Ils peuvent notifier dans la convention de partenariat des recommandations et/ou des conditions pour la mise en place du projet. La recommandation a un caractère obligatoire alors que la condition est en quelque sorte un conseil. Elle peut être mineure ou majeure aux yeux de l’opérateur, comme le témoigne l’agent ci-dessous. Un agent du Forem raconte ci-dessous la situation de deux dossiers de candidature pour lesquels le comité de sélection a imposé des recommandations en termes de réalisation de stage et de requalification du dossier dans une autre mesure de formation.

« Un opérateur n’était pas d’accord sur le fait qu’on ait mis une

recommandation pour le stage. Il prévoyait quatre semaines de stage. On a dit qu’il devait faire deux stages différents, chacun de deux semaines. Au départ, l’opérateur disait que ce n’était pas possible. S’il n’est pas d’accord,

il ne signe pas la convention et l’action de formation ne se réalise pas. Évidemment, il n’a pas pris cette option-là. Il s’est organisé pour réaliser les deux stages. […] On a requalifié un dossier. L’opérateur doit faire son projet dans la mesure « emploi salarié » plutôt qu’en « mobilisation et orientation ». C’est une condition qui implique beaucoup de choses en termes de résultats, financements et autres. L’opérateur a demandé un petit temps de réflexion. C’est assez logique. Finalement, il a décidé de faire l’action mais il a peur car au niveau des délivrables, il passe d’un plan d’action à une attestation d’emploi ou de formation pour chaque stagiaire ».

(CRP I. du Forem 7)

Une autre épreuve concerne les modalités financières du projet. Le financement a été diminué de plusieurs milliers d’euros. Cela a fortement ennuyé l’opérateur qui comptait faire appel à un consultant externe pour la mise en œuvre d’une partie du projet.

« Une convention a été rabotée financièrement. L’opérateur s’est vu amputé de quelques milliers d’euros. Comme il faisait appel à des prestataires extérieurs, on lui a conseillé d’introduire une plainte mais il n’a pas eu de budget supplémentaire. Il devait soit accepter soit refuser la convention. Il a accepté de mener le projet. En plus, il a eu de bons résultats ».

(CRP R. du Forem 2)

Du côté d’Actiris, les prestataires sont parfois mis à rude épreuve. L’un d’entre eux explique ci-dessous qu’il a accepté précédemment une convention de collaboration où le SPE lui demandait d’accompagner individuellement et collectivement un grand nombre de demandeurs d’emploi. La charge de travail était trop importante pour lui.

« Lors de la précédente convention, le SPE nous demandait de faire 9 groupes et 130 personnes en individuel. C’est beaucoup. On pouvait choisir de faire 8 groupes avec un peu plus d’individuel. On a privilégié le groupe car il fait plus de résultats. Mais, c’était trop. On était mort en fin d’année car on est une toute petite équipe ».

Les opérateurs bruxellois et wallons sont parfois confrontés à des conventions de partenariat « audacieuses ». Ils ne s’attendent pas à ce type de recommandations/conditions de la part du comité de sélection. Celles-ci peuvent paraître importantes aux yeux des opérateurs même si, selon les évaluateurs, elles sont tout à fait réalisables.

6.1. Qualification de l’épreuve. Les modifications :

un défi voire un sacrifice

Au moment du conventionnement, certains projets font l’objet de modifications par les évaluateurs. Elles peuvent avoir des conséquences différentes en fonction de leur nature. Ces épreuves mettent en difficulté les opérateurs concernés. La relation partenariale n’est plus sous-tendue par suffisamment de gages. Elle est vécue par l’organisme privé comme une mise en danger. Celle-ci n’est pas délibérément mise en route par l’Office de l’Emploi mais la conséquence d’une modification au niveau du stage, d’une requalification du dossier de candidature, d’une réduction budgétaire – du côté du Forem – et d’une charge importante d’activités – du côté d’Actiris – qui peut plonger l’opérateur en situation de risque. Tous ces éléments contribuent à l’accroissement de l’incertitude au sein de la relation partenariale pour faire place au risque. Les prestataires vivent alors l’engagement dans un partenariat avec l’Office de l’Emploi comme un défi à relever.

Quand les opérateurs reçoivent la proposition du SPE, ils hésitent à l’accepter en l’état car ils prennent un risque. Les extraits ci-dessus relatent cette hésitation. Les opérateurs disent que « ce n’est pas possible » à réaliser et que « c’est de trop » en termes de charge de travail. Un agent raconte que l’opérateur « a peur au niveau des délivrables », qu’il craint de ne pas arriver à atteindre ses objectifs. Un autre agent exprime le fait qu’un des opérateurs a « accepté le projet », sous-entendu, malgré la présence de changements dans la convention de partenariat. Ces situations critiques montrent que la convention de partenariat proposée à l’opérateur peut être « audacieuse » au sens d’Ogien (2006), c’est-à-dire qu’elle peut constituer une prise de risque importante d’après les opérateurs et les agents du SPE.

D’après Ogien (2006), plusieurs sortes de défi existent selon le degré de gravité de l’enjeu. Les impacts de telles modifications dans le projet peuvent

avoir des répercussions sur les financements. Modifier le contenu du projet, durcir les objectifs à atteindre et amplifier la charge de travail peuvent mettre les prestataires en difficulté. La non-atteinte des objectifs peut avoir pour conséquence la perte d’une partie du subside. La collaboration avec l’Office est ressentie comme un « défi » et, plus précisément, comme « la traversée

d’une rivière en plein hiver ». Aussi rares soient-elles, ces situations de

« traversée » sont vécues par certains opérateurs wallons comme bruxellois. Pour savoir si l’opérateur accepte ou refuse la proposition de l’Office, c’est- à-dire de « traverser » ou non « la rivière en plein hiver », il doit évaluer la « gravité » de la situation. Par exemple, dans le cas de la modification des modalités de stage, l’opérateur doit analyser la faisabilité du projet sur base de cette nouvelle donnée. Les SPE n’apportent pas de gages aux opérateurs qui subissent les épreuves. L’opérateur se situe dans une posture où il est « inutile de recueillir de l’information » et il doit « suspendre tout jugement

sur la crédibilité des propositions » (Ogien, 2006, p.229) faites par l’Office

de l’Emploi.

Il s’engage en connaissance de cause car il connaît les modifications faites au niveau de son projet. Le sacrifice est de type « contrôlé » car « l’engagement

s’effectue en connaissance de cause avec une évaluation du risque éventuel »

(Idem). S’il veut poursuivre la collaboration avec l’Office, le prestataire est obligé de s’ancrer dans la forme logique du « sacrifice » car la difficulté de l’épreuve est non-négociable. Seule la « pratique positive de l’ignorance » le fera signer la convention de partenariat.

6.2. Facteurs explicatifs de l’épreuve

Quand les évaluateurs des SPE procèdent à des modifications importantes dans le projet initialement déposé par l’opérateur, leur objectif n’est pas de mettre le prestataire en situation de danger mais bien d’appliquer le cadre légal. Les évaluateurs prennent ces décisions en se référant aux différents textes légaux qui régissent le processus de sélection. Ils doivent veiller à ce que le projet respecte bien toutes les règles de l’appel à projets mais aussi l’ensemble des règlementations en dehors de ce dispositif. L’opérateur aurait dû se rendre compte, vu la nature de son projet, que celui-ci ne respectait pas tout à fait le cadre de l’appel à projets. Certains dossiers de candidature ont, en conséquence, besoin d’être recadrés par les agents des SPE.

6.3. Stratégies des opérateurs :

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