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La réception tardive de la convention de partenariat

La réception de la lettre : pari ou déf

4. La réception tardive de la convention de partenariat

Un chamboulement dans le calendrier enclenche de l’incertitude chez les opérateurs, surtout chez ceux qui doivent commencer rapidement leur prestation. La lettre de réponse n’est qu’une première étape vers le conventionnement. Certains opérateurs du Forem s’inquiètent à l’idée que la convention, elle aussi, n’arrive pas dans les temps impartis. Parfois, les délais s’allongent exceptionnellement en raison d’une erreur humaine, comme l’évoque un agent ci-dessous. Une erreur qui renforce, hélas, la mauvaise image dont le SPE souffre déjà.

« Des opérateurs ont appelé pour dire qu’ils n’avaient pas reçu toutes leurs conventions de partenariat. Parfois, ça peut prendre plus de temps car le Forem a peu de ressources humaines. En fait, la direction régionale avait tout classé dans une farde sans faire attention au fait qu’elle devait les envoyer aux opérateurs. Je me disais qu’on allait encore avoir l’air bête ».

(Agent B. du siège central du Forem)

La convention de partenariat doit être signée avant la date officielle de démarrage des prestations mais les délais sont bien souvent trop courts, ce qui génère, selon l’agent ci-dessous, des tensions chez les opérateurs. Le retard de la convention de partenariat a un impact sur la gestion financière du projet. La convention implique le versement d’une première tranche (50%) du subside réservé à l’opérateur. Celui-ci est mis en difficulté financièrement lorsque cette partie de financement tarde à venir.

« Les conventions doivent être signées très rapidement car les opérateurs peuvent commencer leur projet le 15 janvier. Ça amène des tensions. Les directions régionales se prennent les opérateurs de face ».

(Responsable SRP du Forem 8)

« On reçoit la convention fort tard. On la signe puis, on l’envoie au Forem. Et, une copie nous revient. J’ai reçu les documents signés mais je n’ai pas encore reçu le montant. Au niveau de l’avance financière, on n’a encore rien reçu alors que nous sommes au mois de mars ».

(Opérateur D. du Forem)

En ce qui concerne le conventionnement chez Actiris, les opérateurs se retrouvent dans la même situation que leurs homologues wallons. Même s’ils obtiennent rapidement la lettre de réponse de l’Office, la convention de partenariat promise pour le mois de décembre peut tarder à venir. Certains opérateurs contestent cela car ils sont mis en difficulté pour le démarrage de leur prestation et l’octroi de la première tranche financière.

« En général, on reçoit un courrier fin juin ou début juillet avec la réponse. Ce courrier dit que le projet est accepté, qu’on va recevoir la convention dans le courant du mois de décembre et ce, pour un démarrage en janvier. Il y a des tranches de paiement qui sont liées à la signature de la convention. Je n’avais toujours pas reçu la convention en janvier. Ça m’inquiétait un peu car j’avais un engagement à faire ».

4.1. Qualification de l’épreuve. La réception tardive

de la convention : un défi

Légalement, sans la convention de partenariat, les opérateurs ne peuvent pas démarrer leur prestation. La convention est attendue avec impatience car elle est accompagnée d’une première tranche financière. Ce financement permet à l’opérateur de couvrir les premiers frais liés au projet. En l’absence de celui-ci, le prestataire doit avancer l’argent lui-même. Les sommes d’argent peuvent être conséquentes. Il se sent mis en situation de danger par l’Office de l’Emploi car il n’est pas certain d’obtenir la convention de partenariat. Certains opérateurs s’imaginent que l’Office a peut-être fait une erreur dans la lettre de réponse. L’incertitude d’obtenir un conventionnement avec l’Office s’accroît pour laisser place à une relation partenariale vécue par l’opérateur comme un « défi », d’après les extraits d’entretien ci-dessus. Les discours des prestataires laissent transparaître des inquiétudes. Seule la réception du document et la signature de celui-ci aiderait à apaiser la situation d’épreuve.

4.2. Facteurs explicatifs de l’épreuve

Le retard dans l’envoi des conventions de partenariat, du côté du Forem, peut s’expliquer du fait que la procédure de sélection de l’appel à projets est planifiée en fin d’année civile et que des imprévus dans le processus peuvent générer du retard par rapport à la planification initiale des tâches. Tout comme l’étape de remise de la lettre de réponse, la gestion de l’appel à projets sur le modèle du « flux tendu » montre à nouveau une faille à l’étape de la signature de la convention de partenariat. La convention n’est pas envoyée dans les temps, c’est-à-dire avant le démarrage de la prestation de l’opérateur. C’est ce qu’un agent appelle « l’effet domino ».

« Dans l’appel à projets n°6, il y a eu 15% en plus de dossiers que dans l’appel n°5. Il y a l’étape éligibilité qui a posé beaucoup de difficultés. Ça a fortement alourdi la procédure. On était dans les délais puis, il y a eu des dossiers problématiques. Il a fallu vérifier 25 fois l’information. Ce sont les chipotages administratifs qui pourrissent la procédure. Puis, on a eu la période de congés. Maintenant, il y a des paiements qui se font en retard. C’est un effet domino ».

(Agent B. du siège central du Forem)

De plus, lors du dernier appel à projets, les conventions ont transité par les directions régionales. Auparavant, c’est le siège central qui les envoyait directement à l’opérateur. Cette pratique n’est pas toujours bien comprise par certains agents situés en région, même si ce changement est issu d’une demande de leur part. Les directions régionales étaient ennuyées d’obtenir en dernier lieu les jugements à propos des dossiers de candidature car elles avaient l’impression de perdre de la crédibilité face aux prestataires. Elles doivent simplement mettre les documents sous enveloppe puis les envoyer aux opérateurs mais cela ajoute une étape supplémentaire dans le processus, ce qui allonge le délai pour la réception des documents par les opérateurs. Pour certains agents, cette procédure constitue une charge de travail supplémentaire et inutile.

Le siège central justifie cette étape supplémentaire du fait pour les directions régionales d’être en charge des opérateurs. Ces dernières ont pour mission de veiller à ce que les documents, dont la convention de partenariat fait partie, soient complétés correctement par l’opérateur. D’après un agent, elles doivent procéder à un contrôle de la convention avant de la faire parvenir au siège central. Il semble qu’elle ne soit, dès lors, pas un simple relais vers l’opérateur mais bien empreinte d’une mission de « contrôleur » par rapport à la dimension administrative du partenariat. La procédure d’envoi direct à l’opérateur a été stoppée car certaines conventions se perdaient lors du chemin de retour vers l’Office de l’Emploi. Malgré les indications données par le siège central, toutes les conventions n’arrivaient pas à destination ou étaient en piteux état.

« Ce sont les directions régionales qui doivent envoyer les conventions de partenariat à l’opérateur. La région réceptionne tout et vérifie une première fois. Elle l’envoie au siège central qui vérifie. Avant, le siège l’envoyait directement aux opérateurs mais ça posait des problèmes. Les opérateurs ne renvoyaient pas les documents au bon endroit. Pourtant, on l’écrit en rouge. Certaines conventions ont été retrouvées sur le pas de la porte où il avait plu dessus ».

(Agent B. du siège central du Forem)

Du côté d’Actiris, les conventions de partenariat sont aussi arrivées en retard. Pourtant, l’Office dispose de plusieurs mois pour les élaborer. La gestion de type prévisionnel devrait permettre à l’Office de tenir ses délais d’autant

plus que celui-ci a démontré ses compétences en la matière au niveau de l’envoi de la lettre de réponse aux opérateurs. Un autre facteur peut servir d’explication à ce phénomène. Le département partenariats a décidé de revoir le document servant de convention de partenariat. Les différents services composant ce département doivent s’accorder sur les modifications apportées à chaque partie de la convention les concernant. Les services ont tardé à réaliser leurs modifications. La concertation entre services a provoqué des retards dans l’envoi des conventions.

Dans les deux cas, les modalités organisationnelles faillissent. Du côté du Forem, elles sont liées à la manière de gérer l’appel à projets, c’est-à-dire sur le modèle du « flux tendu ». Tandis que chez Actiris, elles sont liées à l’organisation du travail au sein du département partenariats.

4.3. Stratégies des opérateurs : prise de contact

avec l’Office de l’Emploi

Quand la convention se fait attendre, certains opérateurs interpellent le SPE. Ils prennent contact avec le siège central ou la direction régionale, dans le cas du Forem, afin d’obtenir plus d’informations sur les raisons de ce retard. Les agents des SPE rassurent les opérateurs sur l’arrivée imminente du document. Généralement, le retard est tout simplement lié à une accumulation d’imprévus tout au long du processus de sélection qui se répercute sur le conventionnement. Les opérateurs viennent simplement aux nouvelles par rapport à la convention de partenariat.

Cette stratégie est principalement mise en place par les opérateurs devant réaliser rapidement leur prestation. Ceux-ci s’inquiètent de ne pas avoir la convention ni, par conséquent, les financements. Le retard de la convention n’enchante pas les opérateurs car les subsides sont liés à la signature de celle-ci. Pourtant, le prestataire doit être en principe pouvoir avancer le financement nécessaire à la mise en place du projet. Le Forem a d’ailleurs élaboré la fameuse règle de réserve où le projet déposé ne peut dépasser 20% du volume de l’activité régulière de l’organisme. Cette règle n’empêche pas les opérateurs d’être dans la nécessité financière.

Ce sont surtout les prestataires de type non-marchand qui interpellent l’Office. Les opérateurs marchands disposent d’une structure avec des moyens (financiers, humains, etc.) plus importants60 que les privés non-marchands.

Recevoir la première tranche financière avec un peu de retard ne constitue pas pour les privés marchands une mise en danger aussi importante pour les privés non-marchands. Dès lors, ces deux types de prestataires ne sont pas sur un même pied d’égalité. Les opérateurs marchands s’en défendent en évoquant le fait de fonctionner en entité autonome.

« Nous sommes des grosses structures. On peut prendre plus de personnes. Notre département s’autofinance uniquement avec l’appel à projets. Notre direction nous autorise à ne rien rapporter. Parfois, on peut même être en négatif. Nous ne recevons pas d’aide de nos collègues. Mais, c’est vrai que l’on peut avoir accès à la base de données de la société pour le recrutement des candidats. Puis, on dispose de bureaux »

(Opérateur A. du Forem)

Cependant, la filiale émerge d’une plus grosse structure disposant d’importants moyens en termes de locaux, de travailleurs, de matériel de bureau, etc. Ce n’est pas le cas des opérateurs non-marchands, même s’ils trouvent des ressources à travers d’autres filières comme le bénévolat, les partenariats avec d’autres associations ou organismes publics, etc. En revanche, ils n’ont pas de structure mère sur laquelle se reposer.

4.4. Intervention des agents : recours à la dérogation

et aux comités de suivi groupés

Face à cette épreuve, les agents contournent la règle initiale en faisant une dérogation à l’opérateur afin qu’il commence son action de formation même si la convention n’a pas été signée. Il est impossible de respecter toutes les

60 Du côté wallon, les opérateurs privés marchands peuvent introduire des dossiers de candidature par dizaine dans un appel à projets, ce qui n’est pas le cas du côté bruxellois car le dispositif d’appels à projets est plus récent et de moins grande ampleur.

étapes de la procédure fixée par le cahier des charges de l’appel à projets car les délais sont trop courts.

« Selon la règle, les opérateurs sont obligés d’avoir leur convention pour commencer l’action de formation. Ils ne sont pas obligés de l’attendre. On leur dit que leur dossier est accepté et qu’on va tout faire pour que la convention arrive rapidement. C’est la lettre de réponse qui fait foi même si cela devrait être appliqué exceptionnellement ».

(Agent E. du siège central du Forem)

Quand l’opérateur doit démarrer rapidement sa prestation, la lettre de réponse de l’Office remplace temporairement la convention de partenariat en attendant la réception de celle-ci. Cette solution ne devrait être utilisée qu’exceptionnellement. Cependant, la prise de retard sur le calendrier pousse l’Office à devoir recourir, pour un certain nombre de prestataires, à une dérogation. Dans ce cas, les opérateurs aiment obtenir une confirmation de la dérogation par écrit notamment sous forme de courriel, servant de preuve en cas de litige. Cette confirmation diminue l’incertitude. Elle rassure les opérateurs mais elle n’atténue pas pour autant le risque financier : la première partie des financements n’est toujours pas libérée.

« J’ai reçu un courriel qui confirme que je peux y aller et que je vais recevoir la convention en janvier. Mais, on est en février et on n’a toujours pas la convention ».

(Opérateur D. d’Actiris)

« Nous sommes début mars et les conventions ne sont toujours pas là. Normalement, tant qu’il n’y a pas la signature sur la convention, l’opérateur ne peut pas commencer son action sauf s’il envoie un courriel au Forem pour dire qu’il commence son action. C’est toujours du chipotage ».

(Responsable SRP du Forem 3)

Au sein du Forem, une autre stratégie est utilisée par certains agents. Les opérateurs peuvent démarrer leur prestation à la mi-janvier et la terminer à la mi-décembre. Le délai peut être court : un mois pour conclure et commencer une nouvelle prestation. Quand un opérateur est repris d’un appel à projets

à l’autre, le chargé enchaîne les comités de suivi. Il doit effectuer l’évaluation de l’action de formation qui se termine mais aussi faire signer la convention de partenariat et organiser une réunion pour le premier comité de suivi. Dans certains cas, l’agent doit planifier deux ou trois réunions dans un délai d’un mois.

« Souvent, je fais le premier comité d’accompagnement avec le dernier de l’année précédente. En janvier, on doit évaluer les opérateurs qui ont terminé leur action de formation le 15 décembre. Si je rencontre un opérateur le 10 janvier, je ne vais pas le revoir le 20 janvier. Je n’ai pas le temps. Le 10 janvier, je fais le premier comité car je sais si l’opérateur est accepté ou pas dans le nouvel appel à projets. Je le fais sans lecture de la convention de partenariat ni du guide administratif. Tant pis. Tous les chargés ne font pas cela ».

(CRP K. du Forem 6)

Un problème se pose dans le fait de recourir à cette méthode de regroupement des comités de suivi : l’agent réalise le premier comité sans les documents administratifs (convention de partenariat et guide administratif et financier) qui doivent l’accompagner. La règle n’autorise pas cela car le premier comité doit servir à poser les bases de la collaboration avec l’Office. L’agent la met de côté en justifiant la nécessité d’être « efficace » vu sa charge de travail et le temps dont il dispose. Il semble qu’il prend un risque en réalisant le premier comité de suivi sans avoir sous les yeux les documents nécessaires. Ce comité est très important car il a pour objectif de rappeler le cadre légal dans lequel le prestataire va opérer.

Le chargé de relations partenariales a pour mission de relire la convention de partenariat mais aussi le guide administratif et financier. Sans ces documents, ce comité de suivi n’a pour ainsi dire pas sa raison d’être. L’agent se base uniquement sur la lettre de réponse dans laquelle se trouvent les conditions et recommandations de l’Office pour la mise en œuvre du projet. En principe, le siège central a fourni au préalable tous les documents nécessaires pour effectuer le premier comité. L’agent doit être en possession de ceux-ci pour effectuer le comité. Pour éviter toute difficulté suite à l’absence de la convention de partenariat, l’opérateur peut notifier dans le procès-verbal du premier comité de suivi la non-lecture de celle-ci. Il serait protégé en cas d’éventuel problème lié à l’absence de la convention.

Cette stratégie n’est pas mise en œuvre par les agents d’Actiris car le suivi des projets ne se fait individuellement. Les gestionnaires de projets n’accompagnent pas les opérateurs dans la mise en place de leur projet de manière aussi standardisée que le Forem. Seulement, quelques réunions collectives sont organisées sur l’année. Si l’opérateur a une question ou un problème précis, il prend contact par téléphone ou par courriel avec le département partenariats. Quelques réunions collectives sont organisées sur l’année.

4.5. Prédominance du registre « connexionniste »

Quand la convention de partenariat tarde à venir, les opérateurs bruxellois et wallons sont plongés dans une situation de risque. Les agents des SPE essaient de les rassurer en leur donnant les informations qu’ils détiennent à ce propos. Parfois, des dérogations sont fournies aux opérateurs. La lettre de réponse prend le statut temporairement de la convention de partenariat. Les agents du Forem, eux, font des comités de suivi groupés. Ils profitent d’un comité d’évaluation de l’ancien projet pour effectuer le premier comité de suivi du nouveau projet. Toutes ces stratégies montrent que les agents privilégient la dimension relationnelle avec les opérateurs. Ils font tout pour établir ou maintenir les liens, les connexions avec les prestataires, quitte à contourner la règle initiale.

Seule, la réception de la convention constitue pour les opérateurs un réel gage. Les prestataires ont besoin d’un « gage de représentation » (Ogien, 2006), la convention, avant de démarrer le projet. La convention agit comme un « dispositif de confiance » (Karpik, 1996). Cependant, l’attente prolongée de la convention ne permet pas aux opérateurs d’apaiser le sentiment d’incertitude.

5. Des anomalies dans la convention

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