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Effets de la réputation et de la performance dans le jugement des dossiers « inconnus »

4.1.2 sur les dossiers critiques à refuser par Actiris

4.2. Effets de la réputation et de la performance dans le jugement des dossiers « inconnus »

Généralement, le monde domestique et le monde de l’opinion sont entremêlés au travers des argumentaires développés par les évaluateurs. Dans certaines épreuves, ces deux registres de justification n’agissent pas de pair. Par exemple, dans le cas d’un dossier où l’opérateur est inconnu de l’Office de l’Emploi. Les évaluateurs ne peuvent, en conséquence, se servir de l’expérience de collaborations antérieures pour éclairer certains aspects du dossier qui leur posent question. L’opérateur inconnu est dans un état

de petitesse en phase de sélection par rapport à ses homologues qui sont

connus des SRP. Il est en quelque sorte « banal » aux yeux des évaluateurs.

Pour quitter cette posture, il doit démarquer son dossier par rapport à ceux de ses pairs afin de se voir jugé positivement par les évaluateurs.

Dans le cadre de la procédure de sélection, les évaluateurs d’Actiris regardent l’expérience de l’opérateur en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Qu’ils soient connus ou non de l’Office, les opérateurs doivent expliquer dans le dossier de candidature leur expertise et fournir un curriculum vitae (cv) du formateur qui encadrera les chercheurs d’emploi. Un des dossiers contient, tout comme le dossier critique précédent, un cv « médiocre » d’après les dires des évaluateurs. Ces derniers développeront-ils le même type d’argumentaire vis-à-vis de ce nouvel opérateur ? Laisseront- ils une chance à celui-ci ? Dans le cadre du suivi des demandeurs d’emploi, le formateur doit les aider à rédiger un cv. À partir du moment où l’opérateur, lui-même ne sait pas rédiger correctement le cv de son formateur, comment pourra-t-il en réaliser avec les demandeurs d’emploi. Les évaluateurs s’interrogent sur la qualité du travail que l’opérateur pourra fournir. Comme ce dernier n’a jamais été partenaire d’Actiris, il est difficile pour les évaluateurs de se baser sur les résultats de collaborations antérieures qui pourraient démontrer la qualité du travail fourni par l’opérateur.

Comme l’opérateur postulant est de type privé marchand, les évaluateurs estiment que le cv doit être parfait mais ce n’est pas le cas. Ils précisent que l’opérateur a un peu d’expérience en matière d’accompagnement. Ils ne veulent pas prendre le risque d’accepter le dossier de candidature car le cv n’est pas bon. Cet élément ne fournit pas à l’Office suffisamment de garanties par rapport à la qualité de l’accompagnement offert par l’opérateur aux demandeurs d’emploi. D’autres problèmes s’ajoutent à celui du cv. L’opérateur n’a pas l’air d’avoir bien compris les différentes phases (élaborées par Actiris) par lesquelles le demandeur d’emploi doit passer. Les évaluateurs notent l’absence de matériel (PC, imprimante, téléphone) pour aider le stagiaire dans la réalisation de sa recherche d’emploi. Tous ces aspects ne jouent pas en faveur de l’acceptation du dossier. Apparemment, cet opérateur a déjà introduit des dossiers de candidature les années précédentes mais il n’a pas été retenu. Ceci constitue un élément supplémentaire qui n’incite pas les évaluateurs à attribuer une note positive au dossier.

Les agents d’Actiris n’ont pas encore eu l’occasion de construire une « étiquette » sur la réputation de l’opérateur à l’aune des résultats et contacts antérieurs. Ils n’ont que le dossier de candidature comme pièce maitresse pour construire leur représentation de l’opérateur. Les seuls éléments à leur disposition démontrent l’état de petitesse de l’opérateur en matière de performance dans la rédaction d’un cv. Les évaluateurs ont des réticences à s’engager dans une relation de collaboration avec cet opérateur-là car cela est peut-être le signe d’un état de petitesse généralisé au travail d’accompagnement du demandeur d’emploi. Même s’il s’agit d’un nouvel opérateur, aucune faveur ne lui est octroyée en la matière. L’Office de l’Emploi doit avoir un minimum de garanties afin de s’engager dans une relation de partenariat avec un opérateur. Le raisonnement des évaluateurs est similaire à celui de l’épreuve précédente. Il est sous-tendu par le principe

supérieur commun qui est l’équité entre les opérateurs. Selon les évaluateurs,

deux dossiers de candidature dans une situation critique similaire doivent recevoir le même jugement et ce, afin d’éviter les plaintes de l’un ou l’autre opérateur concerné.

Un agent relate ci-dessous l’importance pour le nouvel opérateur de fournir suffisamment de garanties afin que son dossier de candidature soit jugé comme étant acceptable.

« Si dans le dossier, on voit que les choses sont bien justifiées, que la méthodologie proposée est cohérente, qu’il y a un intérêt réel, l’opérateur peut être sélectionné même s’il n’a pas d’expérience. Mais, à un moment donné, il faut qu’on s’assure d’une certaine qualité parce que c’est vers eux que l’on va envoyer les chercheurs d’emploi. Il faut s’assurer de la qualité, du sérieux, de la philosophie, que l’opérateur partage un peu les mêmes valeurs qu’Actiris. Les opérateurs ne se rendent pas compte que, quand ils écrivent, on perçoit des choses entre les lignes. À leurs questions, on se rend vite compte qu’ils n’ont absolument pas compris l’appel à projets et qu’ils veulent seulement des financements en plus. Qu’ils ne postulent pas alors ou s’ils postulent, ils n’ont tellement rien compris qu’ils sont recalés ».

(Agent H. d’Actiris)

Du côté du Forem, les dossiers de candidature des opérateurs inconnus ne posent pas tant d’interrogations aux évaluateurs. Pourtant, dans certaines directions régionales, la priorité est donnée aux nouveaux opérateurs /

projets. Dans la phase de sélection, la plupart des nouveaux dossiers sont traités rapidement car ils répondent ou non au cadre de l’appel à projets. Il est vrai que le Forem reçoit un nombre beaucoup plus important de dossiers de candidature qu’Actiris. Pour un appel à projets, le Forem réceptionne plus de 800 dossiers de candidature alors qu’Actiris en traite au maximum une trentaine par dispositif. Actiris ne peut, en conséquence, éliminer trop de dossiers auquel cas il ne remplira pas sa mission de mise en réseau.

Les épreuves rencontrées par les évaluateurs du Forem ne sont pas nécessairement similaires à celles de leurs homologues d’Actiris. Par exemple, les opérateurs ne doivent pas fournir de curriculum vitae du formateur qui accompagne les demandeurs d’emploi. Un seul dossier d’un opérateur

inconnu a fait naître un débat entre évaluateurs car les garanties en termes

de moyens n’étaient pas satisfaisantes. Le dossier devait être refusé mais les évaluateurs ont avancé trop peu d’arguments valables pour pouvoir le rejeter. La solution a été de demander à la direction régionale concernée son intérêt pour ce projet. La réponse étant positive, les évaluateurs ont rédigé une série de recommandations en termes de stage pour les demandeurs d’emploi et de précision du contenu des modules proposés dans le projet. Dans cette épreuve, le manque de garanties ne rassure pas les évaluateurs sur le fait que l’opérateur fera un travail d’accompagnement de qualité avec les demandeurs d’emploi. La seule manière, pour l’Office, d’éviter de prendre trop de risque est d’imposer une série de recommandations à l’opérateur pour la mise en œuvre de son projet. Le non-respect de celles-ci aura un impact négatif sur la réputation de l’opérateur aux yeux des évaluateurs et ce, d’autant plus que les résultats quantitatifs obtenus sont mauvais. La recommandation a un cachet obligatoire. Lors d’un prochain appel à projets, il se pourrait que cet opérateur-là ne soit plus sélectionné s’il ne respecte pas ses obligations.

Sans un certain nombre de garanties, les SPE ne peuvent pas s’engager dans une collaboration avec l’opérateur. Ils prennent d’importants risques en ce sens où une mauvaise prestation d’un opérateur a, nécessairement, un impact négatif sur le suivi des demandeurs d’emploi. En conséquence, les SPE n’auront pas rempli leur mission d’accompagnement des chercheurs d’emploi, ce qui portera atteinte à leur réputation. Par le fait d’accorder une grande importance à l’image de l’Office, les évaluateurs avancent des arguments appartenant au monde de l’opinion de type négatif. Se protéger

de ce genre de risque nécessite pour les évaluateurs de s’en tenir au canevas de l’appel à projets, ce qui permet d’exclure un opérateur en justifiant qu’il ne répond pas à tel ou tel critère du cadre.

Tant du côté d’Actiris que du Forem, on peut remarquer que l’argument avancé par les évaluateurs sur la qualité du travail d’accompagnement du demandeur d’emploi, appartenant au registre industriel, vient nourrir la réputation de l’opérateur. Cette réputation se construira positivement ou négativement grâce entre autres aux résultats issus de la prochaine convention de partenariat. La présence de résultats négatifs peut avoir un impact néfaste sur la réputation du SPE, en ce sens où ce dernier n’aura pas rempli correctement sa mission d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Le registre de justification industriel est étroitement lié au registre de l’opinion. En cas de risques pour l’Office, les évaluateurs développent des arguments relevant du registre de l’opinion de type négatif et ce, dans le but d’éviter la signature d’une convention de partenariat avec l’opérateur en question. Ils estiment nécessaire de rappeler le cadre de l’appel à projets à l’opérateur. Dès lors, on peut remarquer que la tension fondamentale est atténuée par la présence d’une étroite connexion entre le monde de l’opinion de type négatif et le monde civique.

Nous allons examiner la troisième épreuve qui correspond aux dossiers de candidature dont les résultats obtenus lors de précédents conventionnements avec le SPE ne sont pas bons.

4.3. Impact de la collaboration antérieure

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