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La recherche au sein de SPE, une démarche

2. La méthode de récolte des données

2.1. Le travail d’observation

2.1.5. À chaque terrain de recherche sa configuration

Le travail de terrain s’est organisé différemment selon la configuration de l’Office de l’Emploi, c’est-à-dire selon la gestion bilatérale ou trilatérale de l’activité partenariale. La trilatéralité de la relation partenariale invite nécessairement le chercheur à effectuer sans cesse des déplacements pour être en mesure de suivre les acteurs dans leur travail. Un deuxième élément intervient dans le travail d’observation de l’action en train de se faire. Il s’agit de l’organisation spatiale des services partenariats sous forme de bureaux en plateau ou de bureaux fermés.

2.1.5.1. La configuration de la relation partenariale

La prise de décision en ce qui concerne la relation partenariale s’effectue en bilatéralité ou en trilatéralité. La gestion trilatérale du partenariat au sein du Forem nous a amené à voyager entre les neuf directions régionales ayant accepté de collaborer dans le cadre de la recherche. En revanche, une gestion bilatérale du partenariat (Actiris et l’Office Cantonal pour l’Emploi) n’implique pas de tels déplacements car toute l’activité partenariale s’effectue au sein

d’un même bâtiment. Au sein du Forem, nous avons accompagné un ou deux agents par direction régionale. Au total, onze37 agents ont été suivis

dans leur travail quotidien. Nous sommes aussi resté auprès des deux agents du siège central en charge de la mise en place de l’appel à projets. Nous avons participé aux différentes réunions et activités liées à l’appel à projets, hormis au comité de sélection final des dossiers de candidature déposés par les opérateurs. Nous avons pu être présent aux réunions de travail destinées à l’opérationnalisation de l’appel à projets ainsi qu’aux réunions d’information à l’attention des opérateurs.

Du côté d’Actiris, nous avons principalement suivi les trois agents en charge des appels à projets destinés aux opérateurs privés. Les autres agents du service ont également fait l’objet d’un accompagnement afin de découvrir l’ensemble des activités partenariales menées par le département. Nous avons passé des demi-journées ou des journées entières avec eux et ce, en fonction des activités partenariales proposées par les agents d’Actiris mais aussi ceux du Forem. Nous avons cherché à diversifier les activités afin de cerner l’ensemble du processus de l’appel à projets. Au fur et à mesure des semaines, les activités « partenariales » se sont accumulées sur les deux terrains jusqu’à se superposer par moment dans l’agenda. Des choix ont dû être effectués entre deux voire trois activités différentes. Des conseils ont été demandés aux agents afin de procéder au choix de manière judicieuse. Les principaux critères sur lesquels le choix s’est appuyé ont été la fréquence de réapparition de l’activité mais aussi la nature et la nouveauté de l’activité. Entre plusieurs activités, celles ayant un caractère rare, exceptionnel et/ou nouveau (pour le chercheur) ont été privilégiées par rapport aux autres. Par exemple, en date du 25 novembre 2011. Un agent d’Actiris propose de participer à une réunion avec le réseau de partenaires des structures d’accueil de la petite enfance. Un agent du Forem nous invite à un comité de suivi consacré au bilan d’un projet mené par un opérateur de la Région de Verviers. Nous privilégions la deuxième activité car, par sa nature, elle correspond mieux aux attentes de la recherche. Les activités en dehors de celles de

37 Nous avons accompagné un agent de la direction régionale (DR) de Liège, deux agents de la DR de Verviers, un agent de la DR de Mouscron, un agent de la DR d’Arlon, un agent de la DR de Mons, deux agents de la DR de Charleroi, deux agents de la DR de Huy et un agent de la DR de Namur.

l’appel à projets destinées aux opérateurs privés sont passées en second plan. Elles ont leur importance pour comprendre l’ensemble des missions du service « partenariat » mais elles ne font pas partie des priorités. Un autre exemple en date du 14 novembre 2011 : il nous est proposé de participer à deux comités de suivi d’un opérateur à Waremme et à une réunion en début d’après-midi sur l’évaluation de la pertinence des dossiers de candidature au Forem d’Arlon. L’absence du don d’ubiquité nous a obligé à choisir entre ces deux activités. L’activité « comité de suivi » a potentiellement plus de chance de se représenter à nouveau à l’agenda qu’une réunion concernant la sélection des dossiers de candidature du futur appel à projets. Parfois, nous avons hélas mal effectué notre choix. Nos critères de sélection ont montré quelques faiblesses car, en écoutant les dires des acteurs de terrain, l’autre activité nous a paru a posteriori plus intéressante.

En ce qui concerne l’Office Cantonal pour l’Emploi, il a la même configuration qu’Actiris ce qui nous a permis de rester principalement en un même lieu pour observer l’activité partenariale. Réaliser un terrain de recherche à l’étranger implique une planification minutieuse des différentes activités afin de les embrasser dans leur ensemble. Sept semaines ont été réservées dans l’agenda pour effectuer ce séjour de recherche. Avant le départ, quelques entretiens avec les opérateurs ont été fixés et ce, même si la rencontre était prévue deux mois plus tard. Quatre rendez-vous ont été planifiés avec des prestataires. Nous avons obtenu leurs coordonnées via un de leurs homologues que nous avions rencontré lors d’un précédent séjour consacré à l’ouverture du terrain, en janvier 2012.

Le responsable du service des mesures pour l’emploi nous a accepté deux semaines au sein de son service. Un des agents nous a servi de personne relais et nous a proposé un programme sur mesure afin de découvrir un maximum d’activités réalisées par le service. Intuitivement, à partir de l’expérience des deux terrains belges, nous sentions que cette durée de deux semaines était trop courte et ce, même si les journées étaient bien remplies. Il ne nous restait plus qu’à miser sur la confiance pour se faire accepter un peu plus longtemps. De fait, les bons contacts interpersonnels et l’intérêt des agents pour la recherche ont permis notre participation à plus d’activités que celles initialement prévues et de rester quatre semaines dans le service. Nous avons eu l’occasion de parcourir l’ensemble des activités partenariales, de participer à (presque) toutes les rencontres entre les agents et les opérateurs et d’interroger les différents agents.

La mission de création de partenariats implique pour les agents de sortir à l’extérieur de l’institution pour se rendre chez les opérateurs privés, par exemple. Nous les avons « filés », selon Latour (1995), dans leurs déplacements. Nous avons essayé de nous fondre dans le « milieu » en adoptant les mêmes coutumes allant de l’utilisation du stylo fourni par l’institution jusqu’au style vestimentaire. Les agents des SPE belges ont tendance à s’habiller « relax » pour aller en comité de suivi avec les opérateurs. Par contre, les agents genevois portent plus facilement la chemise voire le costume lors des réunions planifiées avec les partenaires. Dès notre arrivée sur les différents terrains, un bureau nous a été octroyé près des agents vu notre présence intense dans le milieu.

2.1.5.2. L’organisation spatiale des services partenariats

L’organisation spatiale des services partenariats sous forme de bureaux en plateau ou de bureaux fermés nous a aidé ou contraint dans le travail d’observation. La configuration des bureaux en plateau nous a permis d’entendre les conversations entre les agents du siège central autour de la thématique de l’appel à projets. Nous avons pu saisir en direct les questions et les enjeux que l’appel à projets suscite au niveau de sa construction et de sa mise en œuvre tout en effectuant un travail de lecture de documents. Dans leur quotidien, les agents du Forem jonglent avec les différents appels à projets passés, présents et futurs. Au moment de la réalisation du terrain au siège central (principalement en été et en automne 2011), ils évoquent l’appel à projets 5 s’étalant de janvier 2009 à décembre 2011, appel pour lequel les partenaires mettent en place des actions d’accompagnement et de formation des demandeurs d’emploi. Ils parlent de l’appel à projets 6, d’une durée d’un an (2012), qui a été lancé au mois de juin 2011 auprès des opérateurs mais dont l’effectivité est pour l’année 2012. Ils discutent également de l’appel à projets 7 qu’ils devront lancer en juin 2012 mais dont la période de validité concerne l’année 2013.

À travers les conversations, nous avons également pu capter les relations que les agents du siège central entretiennent avec les opérateurs mais aussi avec les directions régionales. Ces moments-là offrent parfois des informations « croustillantes » sur les opérateurs comme le fait, d’après les agents, qu’« ils essaient par tous les moyens de rentrer un dossier de candidature

en nommant un autre organisme porteur de projet. Ils sont intelligents, tant mieux pour eux » (17 août 2011). Ce jour-là, il est possible d’entendre aussi comme propos que « ces opérateurs-là, ce sont des brigands ! Il faut

attendre avant de les payer. On doit avoir le rapport des chargés de relations partenariales avant de faire le paiement. Lui (un agent), il est très « social ». Il dirait oui à tous les paiements ».

Le lendemain, un agent relate les difficiles collaborations avec certains prestataires. Pour lui, « il y a de tout dans les opérateurs : des bons, des

moins bons et des mauvais. Certains opérateurs sont très désagréables car ils appellent toutes les semaines pour poser des questions ou avoir des nouvelles de leur dossier. Certains cherchent par leurs questions à trouver les failles pour faire des combines, entre autres financières, qui les arrangent »

(18 août 2011). Ce jour-là, un autre agent exprime le fait de ne pas avoir envie d’effectuer une de ses tâches : « je n’ai pas envie de téléphoner à l’opérateur

pour lui annoncer la mauvaise nouvelle par rapport aux finances ». Il essaie

de déléguer cette tâche à un de ses collègues mais en vain. Finalement, il se résigne à le faire lui-même. Généralement, les agents n’aiment pas spécialement remplir ce rôle.

Ces journées d’observation nous permettent également de cerner la relation entre le siège central et les directions régionales. La collaboration n’est pas toujours aisée car, d’après un agent, « il y a certaines directions régionales dont les agents du SRP ne sont pas du tout motivés. Ils ne font

rien » (31 août 2011). Puis, un autre agent ajoute qu’« à travers sa question,

je vois que le chargé ne m’a pas écouté … c’est difficile de formuler une réponse car les chargés ne comprennent pas ce qu’on leur dit » (24 août 2011). Quelques jours plus tard, un agent nous dit qu’il « réalise parfois que

les opérateurs sont mal suivis par les chargés de relations partenariales en direction régionale » (06 septembre 2011). Ces quelques paroles donnent

un aperçu des tensions existant entre les deux entités. Lors de la réalisation de l’observation participante dans les différentes directions régionales, nous avons gardé en mémoire ces éléments afin de mieux en comprendre les tenants et les aboutissants.

Lors des moments consacrés à la lecture de documents au sein de l’Office, nous avons pu saisir les paroles des agents à propos des opérateurs. Certains dires ont retenu plus particulièrement notre attention comme par exemple, le fait qu’« en comité d’accompagnement, on n’est pas là pour faire les

gendarmes. On est là pour tempérer et remettre les choses à leur place » (30

septembre 2011). Il est possible d’entendre aussi que « pour cet opérateur-là,

il faudrait tout refaire, changer toute la société, le système de formation et de financement … pfff » (13 septembre 2011) et, à l’inverse, qu’« eux, ce sont de bons partenaires parce qu’on ne les entend pas. Ils ne rouspètent pas »

(14 octobre 2011). Ces paroles donnent un premier aperçu du vécu, parfois difficile, des agents par rapport aux collaborations avec certains prestataires. En revanche, la configuration des lieux de travail au sein de l’Office Cantonal pour l’Emploi est très différente de celle au sein d’Actiris et du Forem qui se dessine sous forme de plateau. Étant seul dans un bureau ou tout au plus en présence d’un agent, nous n’avons pas eu accès à des informations « spontanées » concernant la collaboration avec les prestataires.

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