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La Seconde Guerre mondiale et la représentation des conflits depuis 1945

1. Le mythe identitaire de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne

1.2. Les représentations de la Seconde Guerre mondiale de 1945 à nos jours en

1.2.3. La Seconde Guerre mondiale et la représentation des conflits depuis 1945

Depuis 1945, presque chaque crise internationale impliquant la Grande-Bretagne a été comparée à la Seconde Guerre mondiale, ou vue à travers le prisme de celle-ci. L’historien Martin Shaw a avancé dans un ouvrage sur la guerre du Golfe que « la mémoire et la propagande des guerres passées [sont] […] extrêmement importantes dans la façon dont nous interprétons les conflits aujourd’hui. »109 N’étant plus soumises à la conscription, et avec la grande majorité des Britanniques ignorant le quotidien des forces armées modernes, les guerres sont interprétées grâce aux connaissances collectives, elles-mêmes basées sur des images de la Seconde Guerre mondiale. Il est ainsi plus commode et réconfortant pour

107

Smith, Britain and 1940, op. cit., p.115.

108

Ibid., p.117.

109

Martin Shaw, « Past Wars in Present Conflicts : From the Second World War to the Gulf », dans Martin Evans et Ken Lunn (éds), War and Memory in the Twentieth Century, Oxford : Berg (1997), pp.191-204.

« [M]emory and propaganda to do with past wars [are] […] extremely important in our relationships to current affairs. »

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les journaux, la radio, la télévision, de même que pour la population britannique en général, de voir l’implication de la Grande-Bretagne dans des conflits. La préservation d’une telle interprétation semble avoir deux avantages : le premier est que cela permet aux Britanniques d’oublier le déclin de leur nation en se remémorant des temps plus glorieux ; le deuxième est qu’il est rassurant de se souvenir que la Grande-Bretagne est sortie victorieuse du conflit, et ce malgré une série de revers majeurs. Les événements sont présentés de sorte à se conformer au schéma existant ; cependant, il ne semble pas que les médias imposent leur version aux Britanniques. Le processus apparaît bien plus complexe : il assimile l’atmosphère culturelle dominante et, en même temps, il ingère par réflexe les sentiments de l’opinion publique. La présence de la Seconde Guerre mondiale dans la culture populaire (films de télévision et de cinéma, documentaires, séries, littérature populaire, industrie de la commémoration etc.) est au cœur de ce processus d’interprétation de l’actualité. Ainsi la survie d’une « mémoire profonde » de la Seconde Guerre mondiale est-elle assurée par les médias et par les Britanniques, et continue-t-elle à jouer un rôle important dans l’appréhension des événements récents.

La Grande-Bretagne se retrouva impliquée dans divers conflits dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, et les événements furent chaque fois comparés à celle-ci. Pendant la crise de Suez en 1956, les actions du président Nasser furent souvent comparées à celles d’Hitler. Le Premier ministre britannique, Anthony Eden, qui se souvenait de ses échanges avec Hitler dans les années 1930 alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, était convaincu que toute forme de dialogue engagé avec Nasser serait comparable à l’apaisement. Eden avait déclaré dans un discours retransmis à la télévision au mois d’août : « Avec les dictateurs, vous finissez toujours par payer le prix fort, car leur appétit vient en mangeant. »110 Des analogies similaires avaient été établies plusieurs années auparavant pendant la guerre de Corée. Le 23 juillet 1950, le Premier ministre britannique prononça un discours dans lequel il mit en garde contre les dangers d’un éventuel apaisement en Corée en établissant un parallèle avec les années 1930 :

L’attaque de la Corée du sud menée par la Corée du Nord a été dénoncée comme un acte d’agression par les Nations Unies […]. Ne pas punir cette attaque reviendrait à cautionner toutes celles qui pourraient avoir lieu à travers le monde. Une répétition des événements ayant conduit à la Seconde Guerre mondiale suivra, et une nouvelle guerre mondiale aura peut-être lieu. Voilà pourquoi ce qui se passe en Corée a un retentissement sur ce qu’il se passe ici. Le feu lointain qui brûle en Corée consumera peut-être un jour vos maisons111.

110

Tony Shaw, Eden, Suez and the Mass Media. Propaganda and Persuasion during the Suez Crisis, Londres : IB Tauris (1996), p.113.

« With dictators you always have to pay a higher price later on, for the appetite grows with feeding. »

111

Cité dans Callum MacDonald, Britain and the Korean War, Oxford : Basil Blackwell (1990), p.20. « The attack of the armed forces of North Korea on South Korea has been denounced as an act of aggression by the United Nations […]. If the aggressor gets away with it, aggressors all over the world will be encouraged. The same results which led to the Second World War will follow, and another

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Le modèle de référence avait été construit et accepté : la Grande-Bretagne allait reprendre l’image de la Seconde Guerre mondiale durant chaque crise à venir.

De nombreux événements furent comparés avec l’apaisement en particulier. Après l’occupation irakienne du Koweït en août 1990, Saddam Hussein fut présenté comme un nouvel Hitler avec qui il ne fallait pas engager de négociations. Selon la presse britannique, négocier avec Saddam Hussein n’aurait servi qu’à aiguiser son appétit conquérant. Un éditorial du Daily Mirror déclara : « L’Histoire nous a appris que l’apaisement n’apporte jamais la paix ou la sécurité ; il ne peut mener en fin de compte qu’à un combat plus ardu et plus sanglant. »112 L’éditorial poursuivit en affirmant que les principes du parti baathiste de Saddam Hussein s’appuyaient sur ceux du national socialisme. De tels arguments ne furent pas uniquement publiés dans les tabloïds. Le Guardian eut recours à des parallèles similaires ; dans un article, celui-ci établit même une comparaison avec l’Anschluss austro- allemand de 1938113. Cette comparaison peut sembler surprenante, étant donné que l’Anschluss avait bénéficié d’un certain soutien populaire en Autriche ; l’occupation de la Tchécoslovaquie en mars 1939 aurait été une image plus appropriée. La conception d’Hitler de la déontologie demeure une référence pour les journalistes analysant les ambitions agressives de certains pays ou certains dirigeants. Un éditorial du Sun demandait en mars 1999 :

Peu d’entre nous sont capables de situer le Kosovo sur une carte. Moins encore s’y intéressent. Mais de jeunes soldats britanniques, de même que nos alliés, les Américains, sont sur le point d’aller y risquer leur vie. En quoi sommes-nous concernés par les événements au Kosovo ? Pour les mêmes raisons que lorsque les Nazis envahirent la Pologne en 1939. Parce que des pays comme la Grande- Bretagne, certaines nations européennes et les États-Unis sont les gardiens de la liberté et de la démocratie. Nous nous battons pour les opprimés114.

Interpréter les problèmes majeurs internationaux au travers du prisme de la Seconde Guerre mondiale assure un reportage clair et compréhensible pour le plus grand nombre ; savoir si cela permet de les expliquer d’une façon appropriée et pertinente est une toute autre question. En l’occurrence, comparer la Serbie à l’Allemagne semble discutable.

world war may result. This is why what is happening in Korea is of such importance to you. The fire that has been started in distant Korea may burn down your own house. »

112

The Daily Mirror, 3 août 1990, cité dans Mark Connelly, We Can Take It!, p.269.

« The lesson of history is that appeasement never brings peace or security, it means only a harder, and bloodier, fight later on. »

113

The Guardian, « A lion among the gazelles », p.17, le 3 août 1990.

114

The Sun, « Time to act », p.8, le 24 mars 1999.

« Few of us know where Kosovo is. Probably even fewer care.but young British servicement are about to risk their lives there. So will our allies, the Americans. Why is it any of our business what happens in Kosovo ? For the same reason it mattered when the Nazis invaded Poland in 1939. Because countries like Britain, some of our European partners and America are the guardians of liberty and democracy. We fight for the oppressed.»

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Pendant la première et la deuxième guerre du Golfe en 1990 et 2003, la presse britannique établit de nombreux parallèles avec la Seconde Guerre mondiale. Le déploiement de la Seventh Armoured Brigade fut un événement très commenté en raison de son impressionnant pédigrée. Le Times, comme la plupart des journaux britanniques, nota qu’en 1942 l’unité d’origine avait affronté Rommel en Afrique du Nord, et que « la brigade armée avait une prestigieuse tradition de combat dans le désert » (« the armoured brigade follows a proud desert tradition »)115. Au mois d’octobre 1990, l’anniversaire d’El Alamein fut marqué par un pèlerinage des anciens combattants sur les anciens champs de bataille. Il leur fut demandé de prodiguer des conseils aux troupes britanniques présentes à la frontière irako-saoudienne, tandis que l’accompagnateur affirmait que les leçons de 1942 pouvaient s’appliquer à la guerre du Golfe116. Par ailleurs, plusieurs anciens pilotes ayant participé à la bataille d’Angleterre firent parvenir des messages de soutien aux personnels de la RAF dans le désert saoudien. Un impressionnant spectacle aérien fut organisé en septembre 1990 en l’honneur du soixantième anniversaire de la bataille d’Angleterre, après lequel le Daily Mail compara les anciens pilotes à leurs successeurs dans le Golfe117. De nombreuses autres comparaisons avec la Seconde Guerre mondiale furent évoquées : le Times fit référence au « plan d’attaque allié visant à faire une brèche dans la ligne Maginot irakienne » (« the allied battle plan for breaching Iraq’s Maginot Line »)118, et affirma que « le fantôme du Koursk plane sur les champs de bataille du désert » (« Shadow of Kursk hangs over [the] desert battlefield »)119. Il semble que les journalistes aient estimé que leurs lecteurs ne pouvaient comprendre la guerre du Golfe qu’à travers la Seconde Guerre mondiale, soulignant ainsi le lien étroit qui existe entre les deux conflits. Pour certains Britanniques, les comparaisons entre les deux conflits furent l’occasion de prendre exemple sur les qualités de leurs ancêtres. Dans un monde en apparence dénué de moralité et de causes à défendre se développa un sentiment de nostalgie douce-amère pour la Seconde Guerre mondiale. Le conflit dont les événements furent le plus mis en parallèle avec la Seconde Guerre mondiale fut peut-être la guerre des Malouines en 1982. Chaque aspect du conflit fut comparé à des épisodes de 1939-45, ce qui conduisit à une révision de l’histoire populaire de la Seconde Guerre mondiale selon des principes thatchériens.

Au début de la crise, la situation aux Malouines fut comparée à l’humiliation de l’apaisement prôné par Chamberlain. Pour une grande partie de la presse britannique, le Gouvernement avait répété les erreurs de 1939-40, le pays étant mal préparé pour défendre ses citoyens. Le gouvernement de Margaret Thatcher tomba sous le feu de la critique pour son supposé manque de clairvoyance et d’esprit de défiance churchillien. Une caricature

115

The Times, le 15 septembre 1990, cité dans Connelly, We Can Take It, op. cit., p.270.

116

Ibid., The Times, 22 octobre 1990.

117

Ibid., The Daily Mail, 17 septembre 1990.

118

Ibid., The Times, 23 janvier 1991.

119

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publiée dans le Sun présenta Churchill sous les traits d’un lion assis sur les falaises de Douvres, tenant une banderole sur laquelle est écrit « 1940 Nous défendrons nos îles » (« 1940 We Shall Defend Our Islands »120), tandis que le secrétaire des Affaires étrangères, Lord Carrington, était représenté sous les traits d’une souris sur une île minuscule, tenant une banderole sur laquelle on peut lire « 1982 Nous défendrons ce qu’il reste de nos îles »)121. Les lecteurs du Sun étaient clairement sensés comprendre les références à Churchill, Douvres et l’année iconique 1940. Celle-ci devint un raccourci pour des qualités telles que le courage et le dépassement de soi dans l’adversité qui, selon cette caricature du

Sun, manquaient cruellement au gouvernement de l’époque. Des images de l’équipe

gouvernementale de Chamberlain furent utilisées par le Daily Mail dans une tirade contre Lord Carrington :

Virez-le, lui et ses acolytes véreux. Le fait est que le ministère des Affaires étrangères est pourri jusqu’à la moelle, pourri par l’apaisement, pourri par le mépris des intérêts britanniques […]122.

Beaucoup s’interrogèrent sur l’apparent manque de direction de la Grande-Bretagne, et le modèle d’un dirigeant ferme et déterminé s’imposa de lui-même ; un lecteur du Daily Mail demanda : « Si Churchill tenait toujours les rênes de la Grande-Bretagne, les Argentins auraient-ils seulement songé à tirer sur la queue du lion, et l’auraient-ils fait sans impunité ? » (« If Churchill still controlled Britain’s destiny would the Argentines have even contemplated tweaking the lion’s tail, let alone done it with impunity ? »)123. La plupart des Britanniques semblaient penser qu’une comparaison historique pouvait être faite avec les événements de 1939 : un gouvernement conservateur avait été humilié, en raison principalement de son manque de courage. Une seule solution s’imposait alors : adopter une attitude churchillienne. Cependant, le choc de l’invasion argentine avait également pris la nation de court : le conflit en Argentine commençait mal pour la Grande-Bretagne ; pourtant, l’exemple de 1940 avait montré que les « mauvais débuts » n’étaient pas nécessairement synonymes de défaite. Selon cette interprétation réconfortante de l’histoire, des circonstances de départ désastreuses pouvaient néanmoins mener à la victoire.

La presse britannique continua à se saisir de toutes les opportunités possibles pour faire des comparaisons entre les Malouines et la Seconde Guerre mondiale. Lorsque la RAF

120

La tournure « We shall defend our islands » – au pluriel – est une parodie du discours de Winston Churchill, prononcé le 4 juin 1940 à la Chambre des communes, « [W]e shall defend our island, whatever the cost may be. »

121

The Sun, 5 avril 1982.

The British Cartoon Archive, référence 48698.

<http://www.cartoons.ac.uk/print/record/48698/zoom> Page consultée le 15/04/2014.

122

The Daily Mail, 5 avril 1982, cité dans Connelly, We Can Take It, op. cit., pp.271-272.

« Sack him and his whole rotten gang. The plain fact is that the Foreign Office is rotten to the core, rotten with appeasement, rotten with real scorn of British interests […]. »

123

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bombarda la base aérienne de Stanley, l’événement fut comparé à un « blitz » ; Sir Arthur Harris, qui avait été Commandant-en-chef du Bomber Command de 1942 à 1945, avait affiché son soutien à l’opération124. Le 25 avril, les Britanniques obtinrent leur première victoire lorsqu’ils reprirent le contrôle de l’île de la Géorgie du sud. Brian Young, commandant du HMS Antrim, présenta cet événement ainsi, dans un communiqué pour le moins pittoresque : « Veuillez informer Sa Majesté que le White Ensign flotte aux côtés de l’Union Jack à Grytviken en Géorgie du sud. Dieu sauve la Reine. »125

Il semblerait que les années qui passent n’aient guère altéré la rhétorique de la Royal Navy. Le Daily Mail estima que la reconquête de la Géorgie du sud était comparable au raid sur St Nazaire en 1942126. Dans la même veine, le Sun demanda que les Malouines soient décorées de la George Cross comme Malte l’avait été après sa résistance héroïque contre les forces aériennes italiennes et allemandes127. Le débarquement à San Carlos fut inévitablement comparé au 6 juin 1944128.

La guerre aérienne pendant la campagne des Malouines n’échappa pas aux comparaisons avec la Seconde Guerre mondiale. Inférieurs en nombre et au cœur d’une bataille cruciale dans la guerre des Malouines, les pilotes de la RAF devinrent les nouveaux héros de l’aviation britannique (« the new Few ») ; une nouvelle version de la bataille d’Angleterre était à l’œuvre dans le ciel des Malouines. Le Sun annonça :

La poignée de pilotes de Harrier qui interviennent aux Malouines sont des combattants aussi glorieux que les hommes qui combattirent les Allemands en 1940129.

Ils survivent grâce à leur talent et à leur courage, tout comme les pilotes de la bataille d’Angleterre, auxquels Winston Churchill attribua le surnom immortel de « The Few » […]. Et, tout comme les as de la bataille d’Angleterre, ils sont très fiers de leurs appareils. Pour eux, un Harrier est à la fois un Spitfire et un Hurricane130.

On pouvait également lire dans le Daily Mail : « Nos pilotes de Harrier […] sont les dignes successeurs des pilotes de la bataille d’Angleterre » (« Our Harrier pilots […] are acquitting

124

Ibid., The Sun, 3 mai 1982.

125

Bulletin de la BBC, le 26 avril 1982.

« Be pleased to inform Her Majesty that the White Ensign flies alongside the Union Jack at Grytviken, South Georgia. God save the Queen. »

<http://www.margaretthatcher.org/speeches/displaydocument.asp?docid=104923> Page consultée le 04/04/2014.

126

The Daily Mail, 26 avril 1982, cité dans Connelly, We Can Take It, op. cit., pp.272-273.

127

Ibid., p.273. The Sun, 24 mai 1982.

128

Ibid. The Sun, 23 mai 1982.

129

Ibid., The Sun, 3 mai 1982.

« The few Harrier pilots defending the Falklands task force must now rank in glory alongside the men who fought off the Germans in 1940. »

130

Ibid., pp273-274. The Sun, 10 juin 1982.

« They are living on their skill and their nerves, just like the Battle of Britain pilots – who were given the immortal title of The Few by Winston Churchill […]. And like the Battle of Britain aces, they are intensely proud of their aircraft. To them the Harrier is a Hurricane and Spitfire rolled into one. »

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themselves in the finest tradition of The Few »)131. Ces déclarations étaient elles-mêmes étayées par celles des officiers de l’armée britannique ; un officier du HMS Invincible déclara : « Hitler a tenté de nous battre, mais il lui fallait d’abord gagner la bataille dans les airs. Il échoua. Les Argentins aussi échoueront. »132 Le News of the World alla jusqu’à faire une analogie sportive, comme cela était parfois le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, en publiant en première page d’un de ses numéros un tableau des scores sur lequel figurait l’inscription :

Grande-Bretagne 6

(Géorgie du sud, deux pistes d’atterrissage, trois appareils de combat) Argentine 0133

Peut-être pouvons-nous expliquer l’interprétation des événements de 1982 au travers du prisme de la Seconde Guerre mondiale par le manque d’images et de commentaires provenant des Malouines. En effet, les médias furent contrôlés de très près pendant le conflit, ce qui empêcha les journalistes de faire des reportages à caractère sensationnel. Confrontée à une opinion publique avide d’informations, la presse n’eut d’autre choix que de spéculer sur les événements.

Le professionnalisme de l’armée britannique assura la victoire contre les forces argentines, mais celle-ci fut loin d’être écrasante. Cependant, les victoires arrachées difficilement semblent conforter le sentiment de britannicité, et les caractéristiques traditionnelles d’improvisation et de réussite défiant toutes les prévisions furent encore une fois convoquées. Un éditorial du Daily Mail fit des Malouines le nouveau Dunkerque en transformant un désastre en triomphe :

Cette expédition improbable et courageuse pour récupérer un morceau de territoire britannique des griffes de l’agresseur n’avait pas de couverture aérienne adéquate […]. Nous ne l’avions pas vue venir […] [et elle était] particulièrement vulnérable. Mais nos hommes ont vaincu l’adversité134.

Alan Miller, un habitant des Malouines, perçut la guerre de la même façon ; pour lui, le conflit fut une page de l’histoire britannique à plus petite échelle, dont l’issue était de ce fait inévitable :

131

Ibid., p.274. The Daily Mail, 31 mai 1982.

132

Ibid. The Sun, 20 mai 1982.

« Hitler tried to beat us and he had to win the air battle first. He failed. The Argies will too. »

133

Cité dans Robert Harris, Gotcha ! The Media, the Government and the Falklands Crisis, Londres : Faber and Faber (1983), p.83.

« Britain 6

(South Georgia, two airstrips, three warplanes) Argentina 0 »

134

The Daily Mail, 15 juin 1982, cité dans Connelly, We Can Take It!, op. cit., p.275.

« This improbable, this gallant expedition to prise a lump of British territory from the maw of the aggressor, did not have proper air cover […] did not have adequate early warnings […] was tragically vulnerable. But our men won through. »

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Nous tous ici ne pouvons que saluer le coût élevé d’engager la force d’intervention, et tout ce qui a été accompli par tant d’hommes pour si peu. Depuis toujours, la Grande-

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