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L’Irlande du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale

1. Le mythe identitaire de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne

2.2. L’Irlande

2.2.3. L’Irlande du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale

Après la partition en 1921, l’Irlande du Nord fut dirigée par un gouvernement décentralisé aux pouvoirs limités. Les relations Nord-Sud s’enlisèrent rapidement dans une guerre froide stérile. Dès le début, la méfiance s’installa entre les deux gouvernements irlandais. Le refus officiel de Dublin de reconnaître l’Irlande du Nord engendra des réactions hostiles chez les unionistes. Les rapports entre les deux pays se détériorèrent d’autant plus lorsque de Valera devint Premier ministre (Taoiseach) au mois de février 1932 ; en outre, sa Constitution de 1937 revendiquait les six comtés d’Irlande du Nord. Le gouffre séparant les deux états s’élargit lorsqu’au début des années 1930 l’Irlande du Sud imposa des taxes élevées qui mirent en péril le commerce transfrontalier. Alors que l’Irlande du Nord devenait davantage protestante dans sa vie politique et publique, et qu’elle nouait des liens toujours plus étroits avec la Grande-Bretagne, le Sud devint plus catholique, républicain et gaélique305.

À partir de l’été 1940, de nombreuses troupes britanniques furent stationnées en Irlande du Nord – 70 000 en novembre 1940, et plus de 100 000 en avril 1941. Celles-ci

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Conor Foley, Legion of the Rearguard. The IRA and the Modern Irish State, Londres : Pluto Press (1992), p.191.

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Eunan O’Halpin, Defending Ireland. The Irish State and Its Enemies since 1922, Oxford : Oxford University Press (1999), pp.239-245.

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Brian Barton, Northern Ireland in the Second World War, Belfast : Ulster Historical Foundation (1995), p.2.

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furent suivies par deux vagues de troupes américaines en 1942 et 1944306. Le 2 septembre 1939, Lord Craigavon, Premier ministre de l’Irlande du Nord, déclara que toutes les ressources de la province seraient mises à la disposition du gouvernement britannique. Peu de temps après, le couvre-feu fut décrété et l’Irlande du Nord se prépara au rationnement, mais le Gouvernement fut lent à placer le pays sur le pied de guerre. Les raids aériens allemands des mois d’avril et de mai 1941 soulignèrent le manque de préparation de l’Irlande du Nord ; le bombardement de Belfast dans la nuit du 15 au 16 avril 1941 fut le plus meurtrier du Royaume-Uni. Le Blitz eut un fort impact sur le moral de la population nord- irlandaise, et plus de 200 000 personnes fuirent la capitale307.

La Seconde Guerre mondiale entraîna d’importantes transformations économiques en Irlande du Nord. Le plein-emploi, jusque là inimaginable, fut atteint en 1944, et les industries de guerre se développèrent considérablement. Entre 1940 et 1945, les chantiers navals de Belfast produisirent 140 navires de guerre, 123 navires marchands et réparèrent ou convertirent plus de 300 navires. Bien que le secteur du textile s’adaptât plus difficilement à la production de guerre, en raison du manque de matières premières, il finit par se diversifier avec succès dans la production d’uniformes et de parachutes. Le secteur agricole contribua également de façon significative à l’effort de guerre, doublant la surface des exploitations308. La contribution de l’Irlande du Nord à l’effort de guerre ne fut pourtant pas totale ; la question de la conscription mina les administrations unionistes tout au long du conflit. Par crainte d’aliéner les Catholiques de la République d’Irlande et de l’Irlande du Nord, Churchill annonça le 28 mai 1941 à la Chambre des communes qu’il n’y aurait pas de conscription pour l’Ulster309 : la loi du gouvernement britannique concernant l’entraînement militaire obligatoire ne s’appliqua donc pas aux citoyens nord-irlandais. Consciente du dilemme posé par la résistance irlandaise à la conscription pendant la Première Guerre mondiale, l’opinion publique britannique soutint largement le Gouvernement – soutien qui peut sembler pour le moins surprenant, si l’on garde à l’esprit le contexte dans lequel se trouvait la Grande- Bretagne en 1941. Il convient en effet de prendre toute la mesure d’une telle décision du gouvernement britannique ; l’issue de la guerre était pour le moins incertaine en 1941 et toute contribution militaire était la bienvenue. En raison de l’absence de conscription, peu de citoyens nord-irlandais s’engagèrent en tant que volontaires dans l’armée britannique310. La neutralité de la République d’Irlande pesa lourdement sur l’administration de l’Irlande du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement britannique était

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Ibid., p.7.

307

Senia Paseta, « Northern Ireland and the Second World War », p.1, Gale Digital Collection, <http://www.gale.cengage.com/pdf/whitepapers/gdc/NorthernIrelandAndWWII.pdf>

Page consultée le 24/04/2013.

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Ibid., pp.1-2.

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Michael Kennedy, Division and Consensus. The Politics of Cross-Border Relations in Ireland, 1925-

1969, Dublin : Institute of Public Administration (2000), p.86.

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tellement soucieux d’obtenir la coopération de l’Irlande que la possibilité de l’unité irlandaise en échange du renoncement à la neutralité fut envisagée par Chamberlain en 1940 et Churchill en 1941. Le gouvernement nord-irlandais fut confronté à un dilemme moral, craignant que la partition soit utilisée comme monnaie d’échange par les Britanniques. Londres insista fortement auprès de Craigavon, l’encourageant à convaincre la République d’Irlande de se joindre aux Alliés. Il refusa cependant de participer aux discussions intergouvernementales tant que le Sud n’aurait pas abandonné la neutralité, ce qui provoqua la colère des membres de son propre parti prêts à faire des concessions dans l’intérêt de l’Empire et de la cause alliée. Le rejet de la proposition britannique par de Valera évita au gouvernement nord-irlandais d’avoir à prendre cette décision difficile et controversée311. La chute de la France en 1940 augmenta l’importance stratégique de l’Irlande du Nord, et ce particulièrement avec la République d’Irlande restée neutre. Les convois maritimes passèrent au large de la côte nord pendant la bataille de l’Atlantique, et les ports et aérodromes nord-irlandais devinrent des bases importantes pour les activités militaires de reconnaissance. De nombreux soldats alliés, principalement britanniques et américains, furent stationnés en Irlande du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale312.

2.2.4. Conséquences de la neutralité irlandaise pendant la Seconde Guerre

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