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Le Commonwealth Memorial Gates à Londres

1. Le mythe identitaire de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne

2.4. La représentation de la Seconde Guerre mondiale chez les Britanniques issus des

2.4.7. Le Commonwealth Memorial Gates à Londres

Il n’existe à ce jour qu’un seul mémorial en l’honneur des forces coloniales indiennes, africaines et antillaises et de leur participation aux deux guerres mondiales : le Memorial Gates, autrement connu sous le nom de Commonwealth Memorial Gates, inauguré à Londres le 6 novembre 2002 par la reine Elizabeth II. Près de cinquante anciens combattants étaient présents, ainsi que des représentants du gouvernement britannique, de l’armée et du Commonwealth. Financé par la National Lottery, ses plans furent conçus par les architectes Liam O’Connor et Amrish Patel. L’inscription suivante est gravée dans la pierre :

426

Tony Blair, The Third Way. New Politics for a New Century, Londres : Fabian Society (1998).

427

The Parekh Report, janvier 2000

« Rethinking the national story » est le titre donné à la première partie du chapitre « A vision for Britain » du Parekh Report.

<http://www.runnymedetrust.org/projects/meb/report.html> Page consultée le 18/02/2014.

428

Commission on the Future of Multi-Ethnic Britain

<http://www.runnymedetrust.org/projects-and-publications/projects/past-projects/meb.html> Page consultée le 18/02/2014.

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À la mémoire des cinq millions de volontaires venus du sous-continent indien, d’Afrique et des Antilles, et qui combattirent aux côtés de la Grande-Bretagne pendant les deux guerres mondiales429.

Figure également une citation du poète et écrivain nigérian Ben Okri : « Notre avenir est plus grand que notre passé » (« Our future is greater than our past »). La raison d’être du mémorial semble résolument tournée vers un sentiment d’histoire partagée visant à rapprocher les Britanniques et transcender les différences ethniques. L’œuvre caritative Memorial Gates Trust, chargée de la préservation du mémorial, le présente en ces termes :

Le mémorial est un symbole important de la société britannique moderne, à la fois tourné vers l’avenir et le passé. Alors que de nombreux descendants de ceux qui se sont battus au cours de la dernière guerre résident aujourd’hui en Grande-Bretagne, ce mémorial rappelle les sacrifices consentis par tous en ces heures sombres. Tous les Britanniques devraient en être conscients et se souvenir de ceux qui ont rendu possible la liberté dont ils jouissent aujourd’hui430.

Le Prince Charles, parrain du mémorial, évoque également les motivations derrière son édification :

Se souvenir des périodes charnières de notre passé […] est important pour comprendre notre présent et notre avenir en tant que société multi culturelle et multi ethnique. Bon nombre d’Indiens, d’Africains et d’Antillais installés dans ce pays sont des descendants d’hommes et de femmes s’étant portés volontaires pour le défendre. En reconnaissant que la Grande-Bretagne a reçu le soutien de leurs pères et de leurs grands-pères, nous affirmons leur place dans la Grande-Bretagne d’aujourd’hui431[…].

Il est malheureusement très difficile de connaître l’avis des anciens combattants indiens, africains et antillais au sujet de l’édification du mémorial ; contactées à de nombreuses reprises, les associations d’anciens combattants du Commonwealth n’ont pas répondu. Peut-être pouvons-nous trouver une double explication à ce silence : il est possible que la plupart d’entre eux aient disparu, laissant derrière eux des associations sans aucun membre

429

« In memory of the five million volunteers from the Indian sub-continent, Africa and the Caribbean who fought with Britain in the two World Wars. »

430

Memorial Gates Trust

« The Memorial is an important symbol for modern British society, which looks to the future as much as to the past. With so many descendants of those who fought in the last war now living in Britain, this Memorial serves to remind us all of shared sacrifices in times of greatest need. All British people should know and remember those who have made possible the freedoms we enjoy today. »

<http://www.mgtrust.org/inaug.htm> Page consultée le 19/02/2014.

431

« Looking back to important moments in our past […] is important also to our present and future as a multi cultural and multi racial society. Many of those now settled in this country from the Inidan Sub- continent, Africa and the Caribbean are the descendants of those who volunteered to serve. By acknowledging publicly the fact that Britain received such willing support during her hour of need from their fathers and grandfathers, we affirm their place in today’s Britain […]. »

<http://www.bgfl.org/bgfl/custom/resources_ftp/client_ftp/teacher/history/served/resources.pdf> Page consultée le 19/02/2014.

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actif ; il est également possible qu’ils n’aient pas souhaité s’exprimer, craignant que leurs propos soient déformés ou tout simplement mal interprétés. Nous sommes contraints de nous en tenir aux rares remarques mises en ligne sur des blogs ; nous pouvions ainsi lire lors des cérémonies commémoratives du 11 novembre 2013 sur le blog « India in London » :

Nous nous sommes rendus au mémorial du Bomber Command, monument tellement plus imposant [que le Commonwealth Memorial Gate] […]. Nous fûmes attristés de voir que très peu de couronnes de fleurs avaient été déposées au pied du Memorial Gate. Où étaient les fleurs des autres régiments indiens qui avaient combattu dans les deux guerres ? […] Je sais qu’en Inde le sacrifice des hommes tombés au combat est commémoré lors de la fête nationale, mais il serait nécessaire de célébrer le 11 novembre à Londres comme le font d’autres pays du Commonwealth, parmi lesquels l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Je me demande si les Indiens sont conscients du sacrifice de leurs pères consentis en Afrique du Nord, à Monte Cassino ou en Birmanie par exemple432.

Cette dernière remarque sur le manque de connaissance des jeunes générations est intéressante ; les efforts de réhabilitation semblent en effet émaner majoritairement des générations plus anciennes dont le discours prône davantage l’assimilation que le rejet. Il apparait que celles-ci cherchent à être inclues dans le récit national britannique de la Seconde Guerre mondiale, plutôt que de tenter de dénoncer le manque de reconnaissance de la Grande-Bretagne. La guerre devient ainsi un facteur de rapprochement entre les peuples, ainsi que le socle commun d’une histoire partagée.

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