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La Seconde Guerre mondiale dans l’historiographie et la muséographie

1. Le mythe identitaire de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne

2.3. La représentation de la Seconde Guerre mondiale au pays de Galles

2.3.3. La Seconde Guerre mondiale dans l’historiographie et la muséographie

Il n’existe à ce jour aucun ouvrage historique consacré exclusivement à l’expérience galloise de la Seconde Guerre mondiale. Hormis l’historienne Mari A. Williams qui publia en 2002 une étude sur les ouvrières des usines de munitions du sud du pays (A Forgotten

Army. The Female Munitions Workers of South Wales, 1939-45), la Seconde Guerre

mondiale n’occupe jamais davantage qu’un chapitre dans l’historiographie galloise du conflit ; le constat est le même dans l’historiographie britannique et anglophone plus générale. L’ouvrage de l’historien gallois Martin Johnes, Wales since 1939 (publié en 2012), est le premier consacré à l’histoire de l’après-guerre au pays de Galles ; il s’ouvre sur un chapitre consacré au conflit, dans lequel Johnes argumente que celui-ci a renforcé le sentiment de britannicité gallois.

Force est de constater que l’historiographie galloise moderne semble être dominée par l’étude des relations industrielles (labour history). Cette tendance est en partie due aux courants historiographiques britanniques plus vastes qui font la part belle à l’histoire de la classe ouvrière (working-class history), mais également à la forte implantation du parti travailliste au pays de Galles – parti qui obtient la majorité des sièges à chaque élection générale depuis 1922. L’histoire galloise des relations industrielles illustre le combat pragmatique du mouvement travailliste pour les droits des ouvriers, le charisme de certains de ses dirigeants, et explique l’importance de ces éléments dans l’obtention d’un solide soutien populaire381.

Nous ne pouvons que nous interroger sur ce vide historiographique. Il est intéressant de noter que, contrairement à l’Écosse ou à l’Irlande, le pays de Galles ne semble pas chercher à présenter son expérience de la guerre comme ayant été distinctement galloise. Nous ne retrouvons ni dans le débat public ni dans le débat académique d’arguments visant

380

Calder, The People’s War, op. cit., p.138.

« For the miners it meant the miners ; for the working class it meant the working class. »

381

Martin Johnes, « For class and nation : dominant trends in the historiography of twentieth-century Wales », pp.1-2.

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à prouver que le peuple gallois a davantage souffert que les autres, ou qu’il a été sacrifié, ou bien encore que sa contribution n’a pas été reconnue à sa juste valeur. Peut-être cela peut-il s’expliquer par le fait que le pays de Galles fut rattaché relativement tôt à l’Angleterre, et que les deux pays partagent des liens historiques et une histoire commune plus longue – et certes moins mouvementée – que l’Angleterre ne partage avec l’Écosse. Les dernières révoltes majeures en opposition au pouvoir anglais (lui-même en place depuis la conquête de la principauté de Galles par le roi Edward Ier en 1282) datent du XVème siècle, et les Laws in Wales Acts, promulguées sous Henri VIII, rattachèrent le pays de Galles au royaume d’Angleterre au XVIème siècle. Par ailleurs, l’héritier du trône d’Angleterre est également Prince de Galles depuis le règne d’Edouard Ier ; la proximité des deux pays est donc tout autant symbolique que géographique.

Il semble que la muséographie présente également la Seconde Guerre mondiale en des termes davantage britanniques que gallois. Le Home Front Museum de Llanduno au nord du pays de Galles possède une exposition permanente dédiée au quotidien de la population civile pendant le conflit, intitulée « The World War II Experience »382. Celle-ci réunit de nombreux objets – des masques à gaz, des tickets de rationnement, etc. – et plonge le visiteur dans l’atmosphère des années 1940 alors que les chansons populaires de l’époque (« We’ll Meet Again », « The White Cliffs of Dover », « Run Rabbit Run », etc.) sont jouées en fond sonore. D’après Adrian Hughes, responsable du musée,

Le Home Front Museum n’est pas consacré à l’expérience spécifique de Llanduno ou du pays de Galles ; c’est une collection plus générale présentant les aspects de l’histoire sociale de toute la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est pour cela que le musée ne présente pas la guerre d’un point de vue purement gallois383.

Le Pontypool Museum présente la même configuration, et propose aux professeurs du primaire un atelier éducatif intitulé « World War II and the Home Front » au cours duquel le quotidien des années 1940 est recréé pour les écoliers ; ceux-ci peuvent endosser le rôle d’un enfant évacué, d’un membre du Home Guard ou encore apprendre les précautions à respecter en cas de raid aérien384. Là encore, les représentations sont davantage britanniques que galloises. D’après Deborah Wildgust, responsable du Pontypool Museum,

[l]e but des ateliers éducatifs [consacrés à la Seconde Guerre mondiale] est de faire comprendre aux enfants à quoi ressemblait le quotidien pendant la guerre, et de

382

<http://www.homefrontmuseum.co.uk/> Page consultée le 3/02/2014.

383

Entretien avec M. Adrian Hughes réalisé le 05/02/2014.

« The Home Front Museum is not specific to Llanduno or Wales for that matter but is a general collection of social history from the Second World War drawn across Britain. Therefore the museum doesn’t present the war in a specifically « Welsh » way. »

384

<http://www.pontypoolmuseum.org.uk/education.htm> Page consultée le 3/02/2014.

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souligner le fait que cette expérience était partagée par la Grande-Bretagne toute entière385.

La dimension universelle que souhaitent donner les musées gallois à la Seconde Guerre mondiale semble traduire une volonté d’inscrire le pays de Galles dans le récit de la guerre et non en marge de celui-ci en insistant sur la notion d’expérience partagée par toute la communauté britannique.

2.4. La représentation de la Seconde Guerre mondiale chez les Britanniques

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