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Une possibilité de négocier avec les créanciers après l’ouverture de la procédure

Paragraphe I. L’absence d’obstacle légal pour une procédure judiciaire rapide

B. Une possibilité de négocier avec les créanciers après l’ouverture de la procédure

259. Il a été vu que dans sa requête en ouverture du règlement préventif, le chef d’entreprise doit proposer un projet concordataire dont le caractère sérieux sera déterminant pour son homologation par la juridiction compétente. Ce projet concordataire est, a priori, élaboré avec la participation des créanciers. Selon l’Acte uniforme des procédures collectives, l’obtention des délais et des remises peut justifier le caractère sérieux d’un concordat préventif533. En ce sens, l’analyse de la jurisprudence, sous l’empire de l’ancien Acte uniforme534 des procédures collectives, prouve que les débiteurs ont toujours sollicité des délais de paiements et des remises de dettes535.

260. Ces délais et remises ne sont toutefois pas les seuls arguments souvent mis en avant par les chefs d’entreprise à l’appui de leur demande d’ouverture du règlement préventif. Ils s’appuient aussi sur les mesures de redressement qu’ils avaient déjà entreprises, pour montrer leur bonne foi. A titre d’exemple, un débiteur s’est appuyé, dans une demande d’ouverture du règlement préventif, sur la restructuration de sa ligne budgétaire ; il affirmait également avoir recours à des conseils spécialisés, « en vue de la mise place d’une structure managériale de haut

niveau ».536 Une telle démarche ne pouvait que convaincre, d’autant que l’ouverture d’une

532 Art. L.626-30 al. 1, c. com.

533 Art. 8, AUPC.

534 De 1998.

535 Trib. com. Abidjan, 5 juin 2014, réf. RG n°1134/2014 ; Sté Cergi Banking services c/ministère public : dans cette affaire par exemple, le requérant avait fait mention, dans sa demande d’ouverture d’une procédure de règlement préventif, de la renégociation de ses dettes avec ses créanciers.

procédure de règlement préventif était automatique dans le droit antérieur à l’Acte uniforme des procédures collectives de 2015, en présence du seul projet concordataire qui, au demeurant, ne faisait pas l’objet d’une appréciation particulière de la part du président de la juridiction compétente, en application de l’article 8537. Ce qui pouvait être reproché au législateur de 1998. 261. Ce vide juridique a occasionné des décisions de suspension des poursuites individuelles de

façon automatique dans plusieurs affaires, alors même que le projet de concordat n’offrait ni les garanties d’apurement du passif, ni celles de la pérennisation de l’entreprise. A titre d’exemple, la décision d’un tribunal de grande instance peut être citée538 : dans cette décision, l’ouverture du règlement préventif avait été accordée, sans que le juge n’ait motivé sa décision par le sérieux du projet concordataire. La question s’est logiquement posée pour savoir si le tribunal pouvait refuser l’ouverture d’un règlement préventif en présence d’un projet concordataire qui n’était pas satisfaisant539 ? Dans un sens, la faute ne pouvait être légalement imputée au juge, dans la mesure où, comme le relève une doctrine, pour obtenir l’ouverture d’un règlement préventif, il suffisait que les documents qui étaient prévus à l’article 6 de l’ancien Acte uniforme soient présentés540. Le même raisonnement a été tenu par un autre auteur541 au visa de l’article 7542 et de l’article 8 précédemment cité de l’Acte uniforme de 1998. Dans un autre sens, ces interprétations paraissaient trop restrictives, car si rien n’obligeait le juge à vérifier le caractère sérieux du projet de concordat, rien non plus ne lui interdisait de procéder ainsi avant de prendre sa décision. Plusieurs auteurs543 se sont d’ailleurs exprimés

537 Art. 8, anc. AUPC : « dès le dépôt de la proposition du concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai, au président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles et désigne un expert pour lui faire rapport sur la situation financière et économique du débiteur, les perspectives de redressement compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres mesures contenues dans les propositions du concordat préventif » : de ces dispositions, il ressort qu’aucune obligation n’était faite au président de la juridiction compétente d’examiner la pertinence du concordat proposé.

538 TGI, Moungo, 9 nov. 2005, ord. n°CAP/PTGI/N’SBA, aff. Sté Lachanas, note K. ELONGO, réf. Ohadata J-07-182.

539 A. FENEON, « Le règlement préventif : Analyse critique », pénant, 2010, n°870, p. 21.

540 K. ELONGO,note sous TGI, Moungo, 9 nov. 2005, ord. n°CAP/PTGI/N’SBA, aff. Sté Lachanas, réf. Ohadata J-07-182.

541 F. M. SAWADOGO, M. NIAMBA, Manuel de formation des magistrats et assesseurs des tribunaux de commerce de Burkina Fasso, ERSUMA, 2010, p. 43.

542 « En même temps que le dépôt prévu par l’article 6 ci-dessus ou, au plus tard dans les trente jours qui suivent celui-ci, le débiteur doit, à peine d’irrecevabilité de sa requête, déposer une offre de concordat préventif précisant les mesures et conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise {…} ».

543 F. THERA, L’application et la réforme de l’Acte uniforme de l’OHADA organisant les procédures collectives d’apurement du passif, thèse de doctorat, Université de Lyon, 2010, p. 112 à 114 ; A. FENEON, « Le règlement préventif : Analyse critique », pénant, 2010, n°870, p. 18.

dans ce sens en reprochant notamment un manque de sérieux et de professionnalisme au niveau de certaines juridictions.

262. La réforme de 2015 a comblé le vide juridique qui était lié à la reconnaissance expresse du pouvoir d’appréciation du projet de concordat au président de la juridiction compétente : « si le

projet de concordat préventif lui paraît sérieux, le président de la juridiction compétente ouvre la procédure et désigne un expert au règlement préventif {…} ».544

263. Les négociations que mène le chef d’entreprise, en amont de l’ouverture de la procédure de règlement préventif, peut ne pas inclure tous les créanciers, faute d’obligation expresse en ce sens ; car seul le débiteur peut avoir l’initiative de l’ouverture d’une procédure de règlement préventif545. De sorte que les créanciers, n’ayant pas été consultés en amont, vont apprendre cette ouverture par le biais de la publicité 546, et pourraient ainsi penser à prendre des mesures conservatoires547 voire exécutoires548.

264. Dans le mécanisme de plan pré-négocié, l’ouverture de la procédure judiciaire sert à adopter le plan rapidement, les négociations ayant été menées au préalable.

265. En droit OHADA, tel ne peut être le cas dans la procédure de règlement préventif faute de masse des créanciers, à tout le moins de façon formelle, contrairement à la procédure de redressement judiciaire et de liquidation des biens549. Par conséquent, le projet concordataire n’est pas voté ; il est adopté par la juridiction compétente par voie discrétionnaire550. Cette adoption intervient sur la base du rapport de l’expert au règlement préventif. Ce dernier représente le tribunal dans la procédure et se trouve, de ce fait, tenu à l’obligation d’impartialité551 . Il s’écoule un délai552 de trois mois entre l’ouverture de la procédure du

544 Art. 8, al. 1, AUPC.

545 Art. 6, AUPC.

546 Art. 17, AUPC.

547 Pour préserver leur droit de créance.

548 Il pourra en être ainsi parce que la suspension des poursuites individuelles ne concerne que les créanciers parties au concordat préventif, ce qui veut dire que les autres créanciers peuvent poursuivre le débiteur dans les conditions du droit civil.

549 Art. 72, AUPC.

550 Art. 15, al. 2, AUPC : le tribunal adopte le concordat préventif si la situation du débiteur le justifie.

551 Art. 12, AUPC : après l’ouverture de la procédure, l’expert au règlement préventif dispose de trois mois pour apprécier, dans un rapport, la situation du débiteur et de rendre compte au président de la juridiction compétente.

552 Art. 12, al. 6, AUPC. Il faut préciser que l’expert au règlement préventif n’est pas un mandataire judiciaire au sens du droit français.

règlement préventif et l’établissement du rapport de l’expert sur la situation financière et économique du débiteur. Ce rapport permet à la juridiction compétente de juger553 du sérieux du projet concordaire, pour l’homologuer, ou pour mettre fin à la procédure. Ce délai de trois mois peut toutefois être spécialement prorogé d’un mois par le président de la juridiction compétente.

266. Ce délai procédural peut laisser un temps supplémentaire au chef d’entreprise, afin de poursuivre les négociations avec ses créanciers jusqu’à l’établissement du rapport final de l’expert, dans le but d’obtenir quelques délais et remises, ce qui peut présenter un intérêt dans le cadre du procédé de passerelle. Autrement dit, elle met toutes les chances du côté du débiteur pour la mise en place d’un projet de concordat sérieux. Cependant l’absence de la masse des créanciers dans la procédure de règlement préventif peut poser un problème.

II. La conséquence de l’inexistence formelle de la masse des créanciers dans le

règlement préventif

267. Le règlement préventif du droit OHADA est conçu pour prévenir la cessation des paiements et de l’activité. Il est une procédure judiciaire mais à vocation préventive554. Contrairement au redressement et à la liquidation des biens555, l’ouverture du règlement préventif n’emporte pas constitution des créanciers en une masse représentée par le syndic. Par conséquent, et comme cela a déjà été évoqué, il n’y a ni vote du concordat préventif, ni déclaration de créances556. Ce qui demande moins d’effort pour l’homologation du projet concordataire, contrairement au droit français (A). Toutefois l’absence de la masse des créanciers dans la procédure de règlement préventif peut traduire une crainte, celle que le concordat préventif ne soit imposé à la majorité des créanciers (B).

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